CORRE Pierre

Pierre Corre réside en face de la gendarmerie de Lambézellec, au 1 rue du Cimetière. Il pratique le football (avec François Hélou) en tant que gardien de but pour l’équipe du patronage laïque de sa commune et épouse Gabrielle Raguénès (1919-2000), le 11 décembre 1937 en mairie annexe de Recouvrance à Brest. De cette union, naitront deux enfants. Charpentier-tôlier à l’Arsenal de Brest, Pierre Corre verse dans le syndicalisme dans les années 30 et adhère au Parti Communiste Français (P.C.F) clandestin, au début d’octobre 1939. Durant la drôle de guerre, il diffuse la propagande du parti et participe à sa reformation clandestine. En juin 1940, lors de la débâcle et avant l’arrivée des Allemands, il participe aux sabotages de matériels à l’Arsenal. Le 16 juin, Pierre Corre, Jules Lesven et Jean Le Nédellec parviennent à récupérer des armes et munitions anglaises au Bouguen, qu’ils entreposent chez ce dernier.

Au lendemain de la prise de Brest, le P.C.F organise des réunions pour sonder ses adhérents clandestins. Faut-il continuer le militantisme maintenant que les Allemands sont là ? Les ouvriers du groupe de l’Arsenal ; Pierre Corre, Mathurin Le Gôf, Yves Labous et Henri Bénard, y sont favorables. En novembre 1940, Pierre Corre réussit à remettre en route le duplicateur emprunté dans un bureau. Cette machine lui permet de ronéoter des tracts et un petit journal. La distribution n’est qu’interne à l’Arsenal, par crainte des contrôles aux portes de sortie.

En janvier 1941, il intègre le groupe de l’Organisation Spéciale (O.S) Arsenal. À la fin de ce même mois, il semble assister à une réunion chez Jules Lesven avec Venise Gosnat, Jean Goasguen et Jean Le Nédellec. En février 1941, il est décidé de créer une imprimerie clandestine afin de pouvoir faire paraître un journal local, plus impactant que les simples tracts ou ronéos. Ne disposant pas de machine, il est confié à Jules Lesven et Pierre Corre la construction d’une machine rudimentaire à l’Arsenal.

En mars 1941, il aurait participé avec Jules Lesven et Carlo De Bortoli à l’immersion dans la rade de trois ou cinq corps de soldats allemands, abattus par l’O.S de Brest dans une embuscade au port de commerce. Il semble que Pierre Corre participe également à des rixes contre des soldats allemands isolés sur le port avec Thénénan Monot et Ernest Mazé.

En avril 1941, la construction de la presse clandestine est achevée à l’Arsenal par Jules Lesven et Pierre Corre. Démontée et sortie de l’Arsenal, elle est entreposée à Kerichen où elle est désormais prise en charge par Eugène Kerbaul pour imprimer La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime.

En juin 1941, il poursuit les sabotages à l’arsenal, notamment sur les wagons en déposant de la poudre d’émeri dans les boîtes à graisse des essieux. En août 1941, le P.C.F met en place un comité local du Secours Populaire clandestin. La gestion en est confiée à Marie Miry, Pierre Corre et Jean Le Nédellec. En novembre 1941, Pierre Corre héberge François Kersulec, responsable de l’organisation communiste de Scaër.

Dans les premiers jours de janvier 1942, Venise Gosnat convoque Pierre Corre, Lucien Kerouanton et Jules Lesven pour une réunion afin de réorganiser les groupes brestois de l’Organisation Spéciale. Les trois résistants communistes précités sont nommés à la tête du Triangle de direction militaire pour la ville. L’objectif est de reconstituer des groupes et d’augmenter les actions par une meilleure planification et coordination. Les consignes sont claires et charge à ce Triangle de mettre fin à une activité désordonnée, mélangeant propagande et actions, en instituant une discipline militaire.

En février 1942, le Triangle militaire des O.S décide la mise en place d’un grand coup d’éclat à l’Arsenal. Ils débutent alors l’organisation d’un vaste sabotage des sous-stations électriques où tous les communistes y travaillant devront participer. Plusieurs réunions vont donc se succéder, Lucien Kerouanton et Pierre Corre sont chargés de la préparation du matériel. Au total, neuf équipes de saboteurs sont organisées. Pour montrer que les chefs s’impliquent et gonfler le moral des futurs saboteurs, Pierre Corre effectue une tournée dans l’Arsenal avec Venise Gosnat. Ils se rendent sur quelques lieux désignés comme cible pour l’action en préparation puis rencontrent quelques ouvriers pour échanger avec eux. Mais avant, Jules Lesven, Pierre Corre et Albert Rolland glissent une bombe dans la cave du débit Quéré, au 9 rue de la Vierge à Brest, le 14 février 1942. On décompte six allemands et cinq français blessés.

Le coup d’éclat à l’arsenal se déroule le 26 mars 1942 au matin. La planification est bonne et le plan se déroule sans accroc. La sous-station de l’atelier bois est détruite par Lucien Argouarc’h, Pierre Corre et Lucien Kerouanton. Il participe également à la destruction de celle de l’Artillerie en compagnie de Jean Le Nédellec. Menacé après l’opération, Lucien Kerouanton parvient à s’échapper in-extremis. Il est hébergé huit jours chez Pierre Corre avant de partir se mettre au vert à la Capitale.

Fin avril 1942, alors que les groupes de l’O.S de Brest prennent l’appellation de Francs-tireurs et partisans (F.T.P), Pierre Corre est chargé d’élargir les contacts pour mieux structurer l’action armée des communistes et offrir de nouvelles perspectives d’engagement et de repli en cas de coup dur. Il s’occupe de cette tâche dans la moitié nord du Finistère, en passant par Châteaulin, Morlaix, Huelgoat, Carhaix, Saint-Thégonnec et Pont-de-Buis. Pour cette mission il est épaulé par Jules Lesven et ensemble ils tracent des itinéraires, dénichent des planques et rencontrent les militants du département.

Le 14 mai 1942, à la suite de la condamnation à mort du résistant communiste Carlo De Bortoli, le P.C.F par la main d’Albert Abalain, adresse une lettre au policier ayant produit un faux témoignage au procès. Il lui est demandé de se rétracter publiquement afin de sauver le brestois d’une éventuelle exécution. La demande est assortie d’un avertissement qu’en cas d’application de la sentence envers le résistant, ce policier serait lui même jugé par un tribunal de la résistance et probablement condamné à mort. Le policier n’effectue pas la démarche, il est alors condamné à mort par Albert Abalain, Pierre Corre et Eugène Lafleur [1].

Toujours en mai, l’Interregional du parti pour la Bretagne, Robert Ballanger, est appelé à d’autres fonctions dans le Centre puis sur Paris. Son adjoint Venise Gosnat le remplace et procède à une restructuration dans la foulée : Amputé depuis le départ de Lucien Kerouanton, le Triangle militaire de l’O.S se transforme en Commandement des F.T.P de Brest avec à sa tête Pierre Corre. Lui sont adjoints Pierre Berthelot de par sa bonne connaissance des explosifs et Adolphe Le Roux pour les questions du Renseignement. Quant à Jules Lesven, il est promu 1er Départemental F.T.P, chargé de coordonner l’action des groupes dans le Finistère. Il est amené à voyager régulièrement mais garde des relations privilégiées avec Pierre Corre et ses adjoints qui ne manquent pas de l’épauler.

En juillet 1942, il participe avec Louis Departout, Pierre Le Bec et Paul Le Gent à des sabotages de machines-outils à l’Arsenal. Le 28 août 1942, avec un groupe de protection des F.T.P, il couvre Raymonde Vadaine et Marie Salou lors du saccage de la vitrine de la Légion des volontaires français (L.V.F) de la rue de Siam. Le mois de septembre est un cap pour Pierre Corre, il délègue la trésorerie du Secours populaire clandestin à Henri Coïcadan, quitte son emploi et passe complètement dans la clandestinité. Le 20 septembre 1942, deux attentats organisés par Pierre Corre et Jean-Louis Primas touchent le Gasthaus du 93 rue Jean-Jaurès et la SeeKommandantur. Suspecté et sous le coup d’un mandat d’arrêt, son identité est diffusée via une circulaire de la Sûreté générale du 25 septembre 1942, le signalant comme étant en fuite en compagnie de Julien Lesvin (Jules Lesven).

Le 29 septembre, Pierre Corre voit arriver chez lui Eugène Lafleur. Il était chez Albert Rolland quand la police française a fait une descente. Il est parvenu à s’enfuir. Sans doute sur le qui-vive, Pierre Corre parvient à son tour à prendre la fuite quand le policiers arrivent pour l’arrêter. Il trouve alors refuge chez Louis Le Guen. Ce n’est que de courte durée, dans la soirée du 1er octobre 1942, la police française déclenche une vague d’arrestations contre les communistes en Bretagne et notamment à Brest. Alors que son logeur est appréhendé, Pierre Corre parvient une nouvelle fois à s’échapper. Dans sa fuite, il est cependant blessé par balle. Grillé sur Brest, le fugitif est obligé de prendre le large. Il se fixe dans la région du Mans. Il y réalise plusieurs sabotages en janvier 1943. Pierre Corre revient quelques jours à Brest pour revoir sa famille et semble t-il mener un attentat à l’explosif dans l’Arsenal de Brest le 16 janvier 1943. Il repart aussitôt vers Le Mans pour d’autres opérations. Il manque à nouveau d’être arrêté et monte à Paris se cacher. Sur place, le brestois retrouve son camarade Lucien Kerouanton.

Il est arrêté par des policiers français le 1er mars 1943, sur le quai de la gare de Connéré dans la Sarthe ou le 6-7 mars 1943 en gare du Mans selon des sources divergentes. Torturé lors de ses interrogatoires, il est finalement livré aux Allemands. Condamné à la peine de mort par le tribunal militaire allemand FK 555 réuni au Mans le 28 mai 1943, il lui aurait été imputé 42 actions. Il est fusillé au camp d’Auvours à Champagné avec onze autres camarades, dont Alex Auvinet et Jules Lesven.

En sa mémoire depuis 1945, une rue de Lambézellec porte son nom. Il figure également sur la plaque commémorative en hommage aux résistants communistes sarthois ainsi que sur le monument aux morts de Champagné. Il reçoit la médaille de la Résistance française à titre posthume en 1955.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

Télécharger au format PDF

Portfolio

Transcription de la dernière lettre de Pierre Corre (page 2)
Archives de Brest (100S1)
Transcription de la dernière lettre de Pierre Corre (page 1)
Archives de Brest (100S1)

Sources - Liens

  • Archives municipales de Brest, registres d’état civil (1E/P54 et 6E144) et dossier biographique de Pierre Corre (3BIO100).
  • Archives départementales du Finistère, dossier de combattant volontaire de la résistance (1622 W 59).
  • Ordre de la Libération, registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 06/07/1955).
  • Le Maitron, notice biographique de Pierre Corre.
  • La Dépêche de Brest, éditions du 15 décembre 1937,
  • KERBAUL Eugène, 1270 militants du Finistère (1918-1945), à compte d’auteur, Paris, 1985.
  • KERBAUL Eugène, Cahier de mise à jour - 1485 militants du Finistère (1918-1945), à compte d’auteur, Paris, 1986.
  • KERBAUL Eugène, Chronique d’une section communiste de province (Brest, janvier 1935 - janvier 1943), à compte d’auteur, Paris, 1992.
  • CISSÉ Gérard, Rues de Brest - de 1670 à 2000, éditions Ar Feuntelin, 2012.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de Pierre Corre (GR 16 P 143501) - Non consulté à ce jour.
  • Service historique de la Défense de Caen, dossier d’attribution de la mention Mort pour la France à Pierre Corre (AC 21 P 108427) - Non consulté à ce jour.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.

Notes

[1La veille de l’exécution de Carlo De Bortoli, le 21 août 1942, le policier sera la cible d’un attentat par Jean-Louis Primas.