Pierre Louis Berthelot et sa soeur Marie Berthelot (1921-1988) sont les enfants d’un poudrier de la poudrerie de Pont-de-Buis, investi localement dans le syndicalisme. De par l’amputation d’une jambe de leur père, suite à la Première Guerre mondiale, Pierre Berthelot et sa sœur sont adoptés comme pupilles de la nation en 1924. À l’âge de quinze ans, il entre à l’école des apprentis de l’arsenal de Brest, pour suivre un cursus de charpentier en fer. En 1936 il adhère à la cellule de Pont-de-Buis du Parti communiste français (P.C.F) ainsi qu’à la C.G.T. Pierre Berthelot milite alors sur son lieu de travail, aux Bâtiments en fer, notamment avec Mathurin Le Gôf.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, Pierre Berthelot n’est pas encore mobilisable. Lors de la débâcle en juin 1940, le 2ème Dépôt des Équipages de la flotte bat le rappel de la classe 1920 et intègre les candidats au départ et enrôlés dans la précipitation. De nombreux jeunes sont alors rassemblés et le 18 juin 1940, ce ne sont pas moins de 613 engagés qui évacuent Brest à bord du pétrolier ravitailleur Tarn. Parmi les jeunes embarqués, outre Pierre Berthelot et son ami d’enfance Georges Abalain, figurent Auguste Bonniou et Jean Le Roux. Le 26 juin 1940, le pétrolier arrive à Casablanca au Maroc. Sur place, Pierre Berthelot et d’autres camarades souhaitent semble t-il rallier l’Angleterre, via Gibraltar, en vain.
L’armistice signé, Georges Abalain et Pierre Berthelot sont rapatriés à Toulon puis démobilisés. Compte tenu de leur âge, ils doivent effectuer un passage par les Chantiers de la Jeunesse française (C.J.F) pour une durée de six à huit mois de stage, se substituant à leurs obligations militaires, pour les jeunes de la classe 1940. En camp du côté d’Aix-en-Provence puis Gap, le finistérien retrouve la liberté en mars 1941. Albert Abalain leur rend visite, sans doute pour les ramener en Finistère à l’issue de leur période de service obligatoire. Il les informe, entre autres, qu’il est entré en Résistance. L’aîné incite alors son frère cadet et son ami, à faire de même. Sitôt rentré, Georges Abalain réintègre l’arsenal. Pierre Berthelot lui s’y refuse. Il semble alors se retirer chez ses parents à Pont-de-Buis et prendre un travail d’ouvrier à Landévennec.
C’est là qu’il est rapidement contacté par Venise Gosnat, adjoint à l’interrégional du P.C.F clandestin de Bretagne, pour monter un groupe de l’Organisation spéciale (O.S). L’objectif est de rassembler des sympathisants locaux et potentiellement d’obtenir des explosifs pour des actions. Outre la création de ce groupe, la famille Berthelot s’emploie également à la fabrication de tracts et affiches, qu’ils distribuent chez eux à Pont-de-Buis mais aussi à Chateaulin, Port Launay, Lopérec ainsi qu’au Faou.
En août 1941, le fugitif Jean Marc est envoyé à Pont-de-Buis chez Pierre Berthelot pour s’y mettre au vert quelque temps. Les deux se connaissent bien d’avant guerre, travaillant dans le même bâtiment à l’arsenal. Il reste sur place jusqu’à l’obtention de faux papiers lui permettant de regagner Brest en octobre 1941.
Avec son ami Georges Abalain, Pierre Berthelot monte une arnaque à l’embauche dans une grande entreprise, avec la complicité du comptable. Grâce à ceci, ils parviennent à obtenir des fonds qui sont reversés à leur organisation, notamment pour le ravitaillement. Il semble qu’il y ait eu également, pour les mêmes destinataires, des vols commis dans des perceptions, bureaux de poste et tabac ainsi que des vols de métaux.
L’année 1942 signe une recrudescence des actions pour la Résistance communiste brestoise. Sans que l’on puisse préciser la temporalité et la fréquence des convoyages organisés, il semble que Pierre Berthelot se soit rendu à plusieurs reprises à Brest pour y acheminer des matières explosives. Celles-ci servant ensuite aux confections de bombes artisanales pour commettre des sabotages ou attentats contre l’occupant. D’après le témoignage de son fils Roger, le résistant de Pont-de-Buis organisait avec Pierre Corre le convoyage jusqu’à Brest. Albert Rolland et Joseph Ropars n’étaient prévenus que quelques heures avant l’arrivée de Pierre Berthelot à la gare de Brest. Ils devaient s’y rendre pour l’escorter et l’aider au transport. Il semble que ce soit le proche domicile de Joseph Ropars, au 28 rue Richelieu, qui servait de dépôt aux colis. Sitôt sa tâche accomplie, Pierre Berthelot regagnait rapidement Pont-de-Buis. Des expéditions sous forme de bagages furent également organisées.
En prévision d’un attentat sur Brest, Pierre Berthelot obtient des explosifs par des communistes de Concarneau. La matière vient d’un chantier de la Todt sur Quimperlé. Elle est confiée à Albert Abalain fin avril 1942. À son retour à Brest le 28 avril, le résistant tombe sur un contrôle de la police française, il doit abandonner les deux valises contenant les explosifs.
C’est également dans cette période que Pierre Berthelot reçoit la visite de Pierre Corre et Jules Lesven, du triangle militaire de l’Organisation spéciale de Brest. Ils sont en mission de reconnaissance pour établir des itinéraires plus sûrs pour les déplacements des militants-résistants dans le Finistère. En mai 1942, les groupes O.S se diluent dans l’organisation des Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P).
Selon Eugène Kerbaul [1], c’est au sein de cette nouvelle structure que Pierre Berthelot obtient en mai 1942, un poste à responsabilité en entrant au triangle de direction militaire de Brest, aux côtés de Pierre Corre et d’Adolphe Le Roux. Ceci paraît étrange dans la mesure où Pierre Berthelot ne réside pas à Brest. Cependant, les F.T.P brestois ayant un besoin croissant de matières explosives, sa bonne connaissance et sa capacité à s’en procurer ont pu peser pour sa nomination à ce poste. Selon d’autres sources [2], Pierre Berthelot aurait plutôt été nommé au triangle de direction des F.T.P du Sud-Finistère à partir de cette période, pour les mêmes compétences que précédemment citées.
Toujours en mai 1942, Georges Abalain profite d’une visite à sa famille à Pont-de-Buis pour effectuer un sabotage à la poudrerie, sur le téléphérique, en compagnie de Pierre Berthelot, Maurice Cam et Yves Autret. Pierre Berthelot aurait également participé à des sabotages le 14 juillet 1942 ainsi qu’en septembre 1942 (lesquels ?).
Début octobre 1942, une importante vague d’arrestations secoue le milieu de la résistance communiste en Bretagne et notamment à Brest. Pierre Berthelot n’est pas visé initialement mais par sécurité il trouve refuge à Landévennec en presqu’île de Crozon. Malgré cette précaution, il y est arrêté le 21 octobre 1942, car suspecté d’activité communiste. Il passe la journée et la nuit à Argol avant d’être ramené à Brest le lendemain. Pierre Berthelot est interrogé par la police française au commissariat de Saint-Martin. Il n’est pas relevé contre lui d’infraction probante. Pierre Berthelot reste néanmoins interné dans la prison de Pontaniou à Brest, par ordre des autorités allemandes. Il est transféré en région parisienne à la mi janvier 1943, pour être interné quelques jours au camp de Compiègne, avant d’être déporté en Allemagne.
Résistants brestois présents dans le convoi du 24 janvier 1943 :
– ABALAIN Georges (Sachsenhausen et Heinkel)
– ANSQUER Jean (Sachsenhausen)
– BERTHELOT Pierre
– CADIOU Albert (Sachsenhausen)
– CADIOU Georges (Sachsenhausen) ✝
– CHITRE Louis (Sachsenhausen, Heinkel, Dachau et Augsburg) ✝
– FLOC’H Rosa-Michelle (Auschwitz) ✝
– JANNIN Jean (Sachsenhausen)
– JONCOURT François (Sachsenhausen, Heinkel, Buchenwald et Leipzig-Thekla)
– LE GALL Georges (Sachsenhausen)
– MONOT Thénénan (Sachsenhausen) ✝
Pierre Berthelot arrive au camp de concentration de Sachsenhausen où il se voit attribuer le matricule de déporté 58684. Il passe par les camps de Heinkel et Dachau. Libéré en mai 1945, il est rapatrié en France le 28 mai sur Paris.
Pour son engagement clandestin dans la Résistance et sa déportation, Pierre Berthelot est nommé à titre administratif Lieutenant et reçoit les décorations suivantes :
– Chevalier de la Légion d’Honneur (1983)
– Croix de Guerre 1939-1945, avec palme (1983)
– Croix du Combattant Volontaire de la Guerre 1939-1945 (1958)
– Croix du Combattant Volontaire de la Résistance (1953)
– Croix du Combattant
– Médaille de la France libérée (1958)
– Médaille de la Déportation et de l’Internement pour faits de Résistance
– Médaille des blessés de guerre
– Médaille Commémorative de la Guerre 1939-1945 (1958)
Après guerre, il reprend son activité professionnelle à l’arsenal de Brest en 1945 et poursuit son militantisme au sein du P.C.F. Pierre Berthelot épouse Jeanne Riou, le 16 juillet 1946 au Cloître-Pleyben et de cette union naîtront deux enfants, Roger en 1947 et Ginette en 1950. Depuis le 11 rue Pierre Loti, où il s’est établi avec sa famille, il participe activement à la vie associative des anciens résistants et déportés. Décédé prématurément en 1986, des suites des mauvais traitements subis durant sa déportation, Pierre Berthelot obtient la mention Mort pour la France.