CORRE Yves

Yves Marie Corre est l’ainé des huit enfants de cultivateurs établis à Coatidreux en Plouider. Devenu marin, il épouse la couturière Augustine Léost (1904-1989), le 27 septembre 1927 à Saint-Méen et de cette union naîtront plusieurs enfants. Son parcours durant la Guerre 1939-1940 et sous l’Occupation allemande nous est inconnu à ce jour. Il est probable que le second maître Yves Corre fut mis en congés d’armistice après l’invasion de la Zone Sud par les Allemands en novembre 1942.

Rentré dans son foyer, il est recruté par la Résistance locale qui s’organise en 1943. À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas dater avec précision son enrôlement, ni donner l’identité de son recruteur. Si l’on en croit François Laurans, c’est Yves Corre qui l’aurait recruté en septembre 1943.

Quoi qu’il en soit, Yves Corre a comme responsable Henriette Berder qui s’échine depuis la disparition d’Alice Coudol, à poursuivre le recrutement et l’organisation de volontaires prêts à prendre les armes en cas de débarquement. Au sein de cette structure clandestine, Yves Corre semble faire partie du cercle restreint des responsables de la Résistance locale. Le rapprochement entre les mouvements Défense de la France (D.F) et le mouvement Libération Nord (L.N) à la toute fin de l’année 1943 permet de donner une ossature à l’Armée Secrète (A.S) dans le Nord du Finistère. Entre février et mars 1944, d’autres rapprochements nationaux donnent naissance aux Forces françaises de l’intérieur (F.F.I), se traduisant localement par la création du Groupement cantonal de Lesneven. Yves Corre est alors pressenti pour diriger au combat les volontaires du secteur de Lesneven, sous les ordres du responsable cantonal militaire Aimé Talec de Ploudaniel.

Organisation théorique du groupement vers février 1944

  • Commandant de compagnie : Yves Corre
  • 1ère section : Pierre Loaëc
  • 2ème section : Yves Pellennec
  • 3ème section : Pierre Nicolas
  • 4ème section : Gac
  • 12 Chefs de groupe (4 groupes par section)
  • 4 agents de liaison : Guy et André Berder, Eugène Foricher et Arsène Jézéquel

L’organisation se poursuit dans le canton et bientôt les premières armes arrivent pour la formation des volontaires. Les mois passent et les activités clandestines de la famille de Jean Riou, d’Yves Corre et d’Yves Pellennec ne semblent pas passer inaperçues à Lesneven. Ces résistants sont victimes d’une dénonciation à la Geheime Feldpolizei (G.F.P) de Brest, rue Jean Jaurès. L’information est ensuite transmise au Kommando de chasse I.C 343, basé à Landerneau. Ce service, de traque et de répression de l’armée allemande contre les activités de la résistance missionne le 2 juin 1944 les supplétifs français Gabriel Poquet et Jean Corre de mener l’enquête. Ils ont pour objectif d’authentifier les informations et si possible, d’en obtenir d’avantage. Les deux collaborateurs optent pour l’infiltration et se rendent à Lesneven, le jour même en moto, munis de brassards F.F.I et de journaux clandestins provenant d’arrestations antérieures.

Dans l’après-midi Poquet et Corre contactent facilement la famille Riou. Convaincants dans leurs rôles de résistants, les deux hommes parviennent à gagner la confiance d’Éliane et Simone Riou qui les introduisent au domicile familial. La discussion tourne autour de la Résistance, confirmant aux deux supplétifs l’implication de Jean Riou et de toute sa famille, puis d’Yves Corre, dans la résistance locale. L’entretien ne dure pas, les agents Poquet et Corre retournent faire leur rapport à Landerneau. Après leur départ, les filles sont envoyées par Jean Riou auprès d’Aimé Talec à Ploudaniel et de madame Berder à Lanarvily. Le premier est absent et n’est donc pas informé de cette visite. Quant à Henriette Berder, elle trouve cela suspect et préconise à la famille Riou de se mettre au vert. Dans la soirée, Yves Corre vient manger chez les Riou puis rentre à son domicile.

De leur côté, Jean Corre et Gabriel Poquet, une fois revenus à Landerneau, confirment les renseignements donnés par le G.P.F de Brest et ajoutent d’autres éléments à charge. L’officier Schaad en réfère alors à son supérieur, qui décide d’une rafle le soir même. Les troupes dînent et l’expédition part en direction de Lesneven.

Le 3 juin 1944 vers 2h00 du matin, des perquisitions et arrestations sont effectuées chez plusieurs résistants de Lesneven, dont Yves Corre qui est le premier arrêté. Les différents prisonniers sont amenés dans le commerce Riou pour des interrogatoires musclés. Les allemands simulent, au moins deux fois, des préparatifs d’exécution sommaire des résistants présents afin de soutirer des informations. Au fil des menaces, intimidations et violences, des noms sont obtenus auprès des prisonniers.

Le sonderführer (K) Herbert Schaad évoque l’interrogatoire d’Yves Corre et d’Yves Pellennec :

" Je les ai frappés fortement mais je n’étais pas le seul car les soldats avaient reçu l’ordre du lieutenant de le faire, ainsi que Jean Corre et Poquet. L’inculpé Corre (Ndr Yves) donna alors quelques adresses, notamment celle de Tallec (Ndr Aimé Talec) de Ploudaniel, chef régional de la Résistance, détenteur d’armes, ainsi que celle de madame Berder (Ndr Henriette Berder), épouse du percepteur et de 4 ou 5 jeunes gens de Saint-Méen. "

D’autres arrestations sont alors effectuées dans la nuit. Au total, ce sont 14 personnes qui sont appréhendées cette nuit là dans le canton. En plus d’Éliane, Simone, Gabrielle et Jean de la famille Riou, il faut ajouter : Joseph Aballéa, Yves Corre, Joseph Foricher, Joseph Garnier, André Guéguen, François Guéguen, Pierre Loaëc, Léon Moal, Yves Pellennec et Aimé Talec. Au petit matin, les prisonniers sont ramenés au manoir Colleville à Landerneau. Dans la cour, les interrogatoires violents reprennent et durent une bonne partie de la journée.

Yves Corre et ses compagnons d’infortune sont ensuite transférés à la prison de Pontaniou. Il est ensuite déplacé à Rennes où il reste interné jusqu’au début d’août 1944. Avec l’approche des troupes américaines, il fait partie du dernier train de prisonniers à quitter la ville en direction, après moult détours, de Belfort.

Résistants de l’arrondissement de Brest arrivant au K.L Natzweiler le 26 août 1944 :
 CORRE Yves (Dachau, Allach et Melk) ✝
 GANDIN Claude (Dachau et Allach) ✝
 LE BRAS Eugène (Dachau, Allach, Haslach et Dautmergen)
 LE GALL Jean (Dachau et Flossenbürg) ✝
 LUSVEN Joseph (Dachau, Neuengamme et Meppen-Versen) ✝
 MOAL Léon (Dachau et Neuengamme) ✝
 MOUDEN Joseph (Dachau et Neuengamme) ✝
 PELLENNEC Yves (Dachau, Allach, Neuengamme, Ladelund, Meppen-Versen et Sandbostel)
 PROVOSTIC Henri (Dachau et Melk) ✝
 RIOU Jean (Dachau) ✝

Au KL Natzweiler, Yves Corre reçoit le matricule 23852 avant d’être transféré au début du mois de septembre 1944 au kommando d’Allach du KL Dachau puis à l’aussenkommando Quartz de Melk. Yves Corre y succombe le 12 mars 1945.

À titre posthume il est décoré de la médaille de la Résistance française en 1955 et promu au grade de maître principal. Son nom figure sur la plaque commémorative des déportés de Lesneven (voir portfolio) et dans cette même commune, une salle de sport porte son nom.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Plaque commémorative de Lesneven
Plaque se trouvant au carrefour de l’allée des Soupirs, de la rue Jeanne-d’Arc, de la rue des Déportés et de la cité Etienne Airiau.

Sources - Liens

  • Archives départementales du Finistère, dossier individuel de combattant volontaire de la résistance d’Yves Corre (1622 W).
  • Archives de Brest, fonds Joël Le Bras, copies des dépositions d’Herbert Schaad, Jean Corre et Gabriel Poquet en septembre 1944 (153 S 12).
  • Ordre de la Libération, registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 16/11/1955).
  • Fondation pour la Mémoire de la Déportation, registre des déportés arrivés le 26 août 1944 en provenance de Belfort (I.273).
  • Arolsen Archives, centre international de documentation des persécutions nazies.
  • BROC’H François, alias Florette, J’avais des camarades - ou "Souvenirs" de quatre années de résistance dans le Finistère, août 1940 - août 1944, éditions Le Télégramme, Brest, 1949.
  • BOHN Roland, Chronique d’hier - Tome 1, la vie du Léon 1939-1945, édition à compte d’auteur, 1993.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de Résistant d’Yves Corre (GR 16 P 143514) - Non consulté à ce jour.
  • Service historique de la Défense de Caen, dossier d’attribution de la mention Mort pour la France d’Yves Corre (AC 21 P 438 548) - Non consulté à ce jour.