LE DOUGET Éliane

Éliane Riou travaille dans l’entreprise familiale d’ébénisterie. Ayant besoin d’elle pour habiller certains meubles de tissu, elle s’oriente vers une formation de tailleur. Elle projette de se marier avec Joachim Le Douget mais ce dernier est mobilisé en 1939 à la déclaration de guerre. Fait prisonnier, il passe cinq ans en stalag en Allemagne.

De son côté Éliane, sa sœur Simone, son père Jean et sa mère Gabrielle basculent dans la résistance. Ils intègrent la résistance cantonale de Lesneven en liaison avec Aimé Talec. Éliane fait partie au second semestre 1943 du mouvement de résistance Défense de la France (D.F). Elle participe à la diffusion du journal clandestin du mouvement et sert d’agente de liaison. Quand s’organise ce qui deviendra la Bataillon F.F.I de Lesneven, Éliane met son savoir faire à disposition des maquisards et se charge de coudre des brassards tricolores qui seront arborés lors de l’insurrection générale.

Les activités clandestines de la famille Riou, d’Yves Corre et d’Yves Pellennec ne semblent pas passer inaperçues à Lesneven. Ces résistants sont victimes d’une dénonciation à la Geheime Feldpolizei (G.F.P) de Brest, rue Jean Jaurès. L’information est ensuite transmise au Kommando de chasse I.C 343, basé à Landerneau. Ce service, de traque et de répression de l’armée allemande contre les activités de la résistance, missionne le 2 juin 1944, les supplétifs français Gabriel Poquet et Jean Corre de mener l’enquête. Ils ont pour objectif d’authentifier les informations et si possible, d’en obtenir d’avantage. Les deux collaborateurs optent pour l’infiltration et se rendent à Lesneven, le jour même en moto, munis de brassards F.F.I et de journaux clandestins provenant d’arrestations antérieures.

Dans l’après-midi ils contactent facilement la famille Riou, établie au 29 rue du Folgoët. Convaincants dans leurs rôles de résistants, les deux hommes parviennent à gagner la confiance d’Éliane et Simone Riou qui les introduisent au domicile familial. La discussion tourne autour de la Résistance, confirmant aux deux supplétifs l’implication de la famille Riou, puis d’Yves Corre, dans la résistance locale. L’entretien ne dure pas, les agents Poquet et Corre retournent faire leur rapport à Landerneau. Après leur départ, les filles sont envoyées par Jean Riou auprès d’Aimé Talec à Ploudaniel et d’Henriette Berder à Lanarvily. Le premier est absent et n’est donc pas informé de cette visite. Quant à madame Berder, elle trouve cela suspect et préconise à la famille Riou de se mettre au vert. Dans la soirée, Yves Corre vient manger chez les Riou puis rentre à son domicile.

De leur côté, Jean Corre et Gabriel Poquet, une fois revenus à Landerneau, confirment les renseignements donnés par le G.P.F de Brest et ajoutent d’autres éléments à charge. L’officier Schaad en réfère alors à son supérieur, qui décide d’une rafle le soir même. Les troupes dînent et l’expédition part en direction de Lesneven.

Le 3 juin vers 2h00 du matin, des perquisitions et arrestations sont effectuées chez plusieurs résistants de Lesneven, dont la famille Riou. Les différents prisonniers sont amenés dans le commerce Riou pour des interrogatoires musclés. La famille Riou subit elle aussi les violences, principalement Éliane et Jean Riou. Les allemands simulent, au moins deux fois, des préparatifs d’exécution sommaire des résistants présents afin de soutirer des informations. Au fil des menaces, intimidations et violences, des noms sont obtenus auprès des prisonniers. D’autres arrestations sont alors effectuées dans la nuit. Au total, ce sont 14 personnes qui sont appréhendées cette nuit là dans le canton. En plus d’Éliane, Simone, Gabrielle et Jean de la famille Riou, il faut ajouter : Joseph Aballéa, Yves Corre, Joseph Foricher, Joseph Garnier, André Guéguen, François Guéguen, Pierre Loaëc, Léon Moal, Yves Pellennec et Aimé Talec. Au petit matin, les prisonniers sont ramenés au manoir Colleville à Landerneau. Dans la cour, les interrogatoires violents reprennent et durent une bonne partie de la journée.

Éliane Riou raconte sa détention en 1991

Ma soeur Simone est enfermée dans une cellule mitoyenne à celle d’Aimé Talec. Ma mère et moi-même sommes incarcérées dans une ancienne écurie ; j’y perds plusieurs fois connaissance suite aux traitements que j’ai subis dans la nuit du 2 au 3. Le lundi 5 juin, on vient me chercher pour m’interroger ; je m’attends au pire ; mais, sans doute pour tenter de me faire fléchir, mon tortionnaire s’apitoie longuement sur mon sort, mon jeune âge, puis me renvoie dans ma cellule où je découvre que ma mère n’est plus là (j’apprends très vite qu’elle a été libérée sans être tourmentée à nouveau).

Le lendemain, jour du débarquement, elle est de nouveau interrogée puis transférée dans la journée à la prison de Pontaniou à Brest. Faute de place, Éliane et Simone sont internées au commissariat de police de Saint-Martin. Le 7 juin, grâce à l’intervention de Mme Poitou-Duplessis de la Croix-Rouge, Éliane est transférée pendant dix jours à l’hôpital pour des soins. Elle retourne au commissariat le 18 juin et le 27 le groupe Action Directe passe à l’action pour délivrer les prisonnières. Les femmes, voulant éviter les représailles envers la population ou d’autres résistants internés, refusent de s’évader. C’est sans doute pour les remercier de cet acte de bravoure que sont prises les photos connues des résistantes en détention (voir en bas de l’article, dans le portfolio).

Le 30 juin, suite à tentative d’évasion, les prisonnières sont dispersées. Les sœurs Riou sont néanmoins retenues sur place avec quatre autres résistantes. Le 6 août 1944, alors que les américains filent sur Brest, les gardiens libèrent les prisonnières. Éliane et Simone, que l’on fait passer pour les épouses des gardiens, sont évacuées par bicyclettes sur Saint-Frégant. Il est probable que cette évasion leur sauva la vie, compte tenu de l’exécution de presque tous les résistants internés à Brest au début du siège. Le 9 août, elles gagnent Lesneven où elles sont prises en charge. Leur père Jean Riou, déporté à Dachau, ne revint pas.

En 1945, au retour de captivité de Joachim Le Douget, elle l’épouse et de cette union naissent deux enfants.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Photo à Lesneven lors de la Libération (1944)
En présence de deux F.F.I et des deux gardiens de la paix brestois qui les ont conduites à Lesneven, les sœurs Riou retrouvent leur amie Yvonne Kervella.
Collection personnelle : Famille Riou-Le Douget
Résistantes au commissariat de Saint-Martin (Brest)
De gauche à droite, rangée du haut : Marie-Anne Piriou, Anna Kervella, Marie Piriou, Mme Le Comte, Mme Le Rouge de Rusunan.
Rangée du bas : Yvonne Kervella, Yvette Lagadec, Cricri dite "Mitraillette", les sœurs Riou de Lesneven.
Chronique d’hier, Tome III, La vie du Finistère 1939-1945, par Roland Bohn & Joël Le Bras, éditions Union nationale des combattants, Section de Lesneven, 1995.
Résistantes au commissariat de Saint-Martin (Brest)
Crédits photos : Famille Le Douget, tous droits réservés.

Sources - Liens

  • Famille Le Douget, documents et iconographie.
  • Archives Départementales du Finistère, dossier individuel de combattante volontaire de la résistance d’Éliane Riou (1622 W 32).
  • Archives de Brest, fonds Joël Le Bras, copies des dépositions d’Herbert Schaad, Jean Corre et Gabriel Poquet en septembre 1944 (153 S 12).
  • Le Télégramme, nécrologie d’Éliane Le Douget, figure de la résistance, publié le 7 août 2002.
  • BOHN Roland, Chronique d’hier -Tome 1 - La vie du Léon 1939-1945, édition à compte d’auteur, 1993.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de résistante d’Éliane Riou (GR 16 P 512147) - Non consulté à ce jour.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.