Gabrielle Stéphan et sa sœur jumelle Marie sont les filles d’une ménagère et d’un mécanicien. Après la Première Guerre mondiale, Gabrielle Stéphan épouse l’ébéniste Jean Riou, le 20 juillet 1920 à Lesneven et de cette union naissent deux filles ; Éliane en 1921 et Simone en 1923. La famille réside au 29 rue du Folgoët (Rue Général De Gaulle de nos jours) et y tient un atelier artisanal d’ébénisterie.
À la fin de l’été ou au début de l’automne 1943, la famille Riou bascule dans la Résistance à Lesneven. Gabrielle n’est pas en reste puisqu’elle accepte de recevoir en son foyer des réunions clandestines. Elle cache également chez elle du matériel de propagande ainsi que des brassards des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I) en 1944.
Les activités clandestines de la famille Riou, d’Yves Corre et d’Yves Pellennec ne semblent pas passer inaperçues à Lesneven. Ces résistants sont victimes d’une dénonciation à la Geheime Feldpolizei (G.F.P) de Brest, rue Jean Jaurès. L’information est ensuite transmise au Kommando de chasse I.C 343, basé à Landerneau. Ce service, de traque et de répression de l’armée allemande contre les activités de la Résistance, missionne le 2 juin 1944 les supplétifs français Gabriel Poquet et Jean Corre de mener l’enquête. Ils ont pour objectif d’authentifier les informations et si possible, d’en obtenir d’avantage. Les deux collaborateurs optent pour l’infiltration et se rendent à Lesneven, le jour même en moto, munis de brassards F.F.I et de journaux clandestins provenant d’arrestations antérieures.
Dans l’après-midi ils contactent facilement la famille Riou, établie au 29 rue du Folgoët. Convaincants dans leurs rôles de résistants, les deux hommes parviennent à gagner la confiance d’Éliane et Simone Riou qui les introduisent au domicile familial. La discussion tourne autour de la Résistance, confirmant aux deux supplétifs l’implication de la famille Riou, puis d’Yves Corre, dans la résistance locale. L’entretien ne dure pas, les agents Poquet et Corre retournent faire leur rapport à Landerneau. Après leur départ, les filles sont envoyées par Jean Riou auprès d’Aimé Talec à Ploudaniel et d’Henriette Berder à Lanarvily. Le premier est absent et n’est donc pas informé de cette visite. Quant à madame Berder, elle trouve cela suspect et préconise à la famille Riou de se mettre au vert. Dans la soirée, Yves Corre vient manger chez les Riou puis rentre à son domicile.
De leur côté, Jean Corre et Gabriel Poquet, une fois revenus à Landerneau, confirment les renseignements donnés par le G.P.F de Brest et ajoutent d’autres éléments à charge. L’officier Schaad en réfère alors à son supérieur, qui décide d’une rafle le soir même. Les troupes dînent et l’expédition part en direction de Lesneven.
Le 3 juin vers 2h00 du matin, des perquisitions et arrestations sont effectuées chez plusieurs résistants de Lesneven, dont la famille Riou. Les différents prisonniers sont amenés dans le commerce Riou pour des interrogatoires musclés. La famille Riou subit elle aussi les violences, principalement Éliane et Jean Riou. Les allemands simulent, au moins deux fois, des préparatifs d’exécution sommaire des résistants présents afin de soutirer des informations. Au fil des menaces, intimidations et violences, des noms sont obtenus auprès des prisonniers. D’autres arrestations sont alors effectuées dans la nuit. Au total, ce sont 14 personnes qui sont appréhendées cette nuit là dans le canton. En plus d’Éliane, Simone, Gabrielle et Jean de la famille Riou, il faut ajouter : Joseph Aballéa, Yves Corre, Joseph Foricher, Joseph Garnier, André Guéguen, François Guéguen, Pierre Loaëc, Léon Moal, Yves Pellennec et Aimé Talec. Au petit matin, les prisonniers sont ramenés au manoir Colleville à Landerneau. Dans la cour, les interrogatoires violents reprennent et durent une bonne partie de la journée.
Éliane Riou raconte sa détention en 1991
Ma sœur Simone est enfermée dans une cellule mitoyenne à celle d’Aimé Talec. Ma mère et moi-même sommes incarcérées dans une ancienne écurie ; j’y perds plusieurs fois connaissance suite aux traitements que j’ai subis dans la nuit du 2 au 3. Le lundi 5 juin, on vient me chercher pour m’interroger ; je m’attends au pire ; mais, sans doute pour tenter de me faire fléchir, mon tortionnaire s’apitoie longuement sur mon sort, mon jeune âge, puis me renvoie dans ma cellule où je découvre que ma mère n’est plus là (j’apprends très vite qu’elle a été libérée sans être tourmentée à nouveau).
Nous ignorons le parcours de Gabrielle Riou après avoir été relâchée. Son époux Jean sera déporté et ne reviendra jamais. Par chance, ses filles après avoir été détenues au commissariat de Saint-Martin quelque temps, seront évacuées de Brest juste avant le siège en août 1944, par des policiers brestois qui les conduiront en sécurité à Lesneven.