Alice Henriette Coudol est la fille de marchands forains. Dans les années 1930, avec la loterie itinérante familiale, elle parcourt les villes du Nord Finistère au fil des marchés, foires et fêtes. La famille bien que souvent sur les routes, réside principalement dans la zone réservée aux roulottes nomades entre la rue Yves-Collet et la rue de Kéroriou à Brest. Alice Coudol a la douleur de perdre son père en mai 1939. Aux côtés de sa mère et avec l’aide de la fratrie, l’activité foraine est maintenue alors que débute la Seconde Guerre mondiale. Au début de l’occupation en septembre 1940, la famille Coudol écope d’une amende par les autorités allemandes pour hausse illicite des prix et défaut de registre.
En février 1941, un chapelet de bombes tombe près du camp de roulottes et devant l’ampleur des bombardements sur la ville à cette période, la famille Coudol part s’installer le mois suivant à Lesneven, au 32 rue de Jérusalem. La tournée des communes du Nord Finistère et les séjours à Brest se poursuivent tant bien que mal et c’est précisément cette mobilité qui intéresse le pharmacien de Lesneven, Georges Roudaut. Ce dernier œuvre pour le réseau de résistance Alliance et cherche un agent de liaison. Il approche Alice Coudol en octobre 1942 pour lui proposer ce rôle clandestin ; qu’elle accepte à 19 ans. Dès lors la jeune foraine adopte le pseudonyme de Violette et se rend à Brest, outre ses activités commerciales, pour transmettre les messages du pharmacien de Lesneven à Paul Masson du laboratoire municipal. La fréquence des liaisons ne nous est cependant pas connue.
Avant la fin du mois d’octobre 1942, Alice Coudol rencontre Jules Lesven par l’intermédiaire de Raymonde Vadaine. La rencontre se déroule dans la chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours à Kérinou en Lambézellec, en présence d’Arthur Baron. Le motif et les objets de cette rencontre restent mystérieux à ce jour. Était-il question d’une coopération ou d’entraide ? Le projet semble en tout cas avorté par les nombreuses arrestations qui frappent le Parti communiste français (P.C.F) dès le mois d’octobre jusqu’au début de l’année 1943 [1].
L’opération Torch puis l’invasion de la Zone libre et la Campagne de Tunisie marquent les esprits et laissent à penser qu’un débarquement en France serait proche. Cela impacte t-il les agents du réseau de renseignement Alliance de Brest ? Probablement, si l’on en croit les manœuvres qui s’opèrent à partir d’Avril 1943. Hors de sa principale mission de renseignement, sous couvert d’un compartimentage [2] et de mesures de protection, il y a une volonté importante de recrutement. L’objectif est simple, repérer les patriotes et leur proposer d’intégrer la Résistance (et non le réseau Alliance) pour former des groupes de volontaires prêts à prendre les armes le moment venu. L’heure n’est pas à l’action directe, les moyens sont très limités et seuls la propagande et le recrutement sont à l’ordre du jour. Il n’est pas totalement à exclure que des renseignements aient pu être néanmoins recueillis et transmis au réseau.
Dans cette tâche, force est de reconnaître qu’Alice Coudol va jouer un rôle prédominant. Sa bonne connaissance des communes du Nord Finistère et son allant font d’elle une recruteuse efficace. Souvent présentée comme seule initiatrice et organisatrice, il est impensable de croire qu’Alice Coudol ait agi de manière solitaire dans une si vaste entreprise. Et cela au regard des risques qu’elle aurait alors fait peser à son réseau en cas d’arrestation ou d’imprudence. Le propre des structures clandestines de collectes de renseignements étant la discrétion, Alice Coudol aurait rapidement été recadrée ou écartée si elle n’avait pas eu au préalable l’aval voire l’ordre de ses supérieurs pour agir.
Elle enrôle donc des volontaires à Lesneven dans un premier temps puis se porte à Lannilis. Sur place elle reçoit l’appui d’Amédée Rolland, Théophile Jaouen et Joseph Mouden. Par leur intermédiaire, elle rencontre le gendarme Jean-François Derrien qui après quelques tergiversations, s’investit pleinement dans l’organisation de la Résistance dans le canton. Alice Coudol recrute également Jean Mazé dans la région de Saint-Pol-de-Léon, ainsi qu’à Plabennec, Plouescat, Guissény et Brest. Rapidement se dressent alors des listes de patriotes, réfractaires au S.T.O, anciens de 14/18 ou fonctionnaires disposés à prendre les armes en cas d’insurrection nationale.
L’été 1943 défile et un rapprochement s’opère entre le mouvement Défense de la France (D.F) et le réseau Alliance à Brest, offrant encore plus de perspectives de développement. Il semble également qu’Alice Coudol parvienne à rassembler quelques armes et munitions qu’elle entrepose dans la zone des nomades à Kéroriou. Hélas, en fin septembre 1943, une partie du réseau Alliance et notamment la branche brestoise sont compromises suite à la découverte d’archives lors d’une perquisition à Paris. Le 3 octobre 1943, Paul Masson est arrêté, le lendemain à Lesneven c’est le tour d’Alice Coudol.
Internée à Brest, elle est rapidement transférée à Rennes avec les autres agents capturés. Ils y restent jusqu’au début de l’année 1944 avant d’être conduits à Fresnes. De là, les résistants sont une nouvelle fois déplacés à destination de Strasbourg pour être internés à la prison de Pforzheim en Allemagne. Cette déportation est faite sous le statut Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), rendant les détenus exécutables à tout instant. Une longue année de captivité se passe avant que la prison soit évacuée du fait de l’avance des Alliés. Au petit matin du 30 novembre 1944, après un simulacre de libération, Alice Coudol et 25 autres agents du réseau Alliance sont abattus dans le bois du Hagenschieβ à environ deux kilomètres de la prison.
À Lesneven l’on ignore tout de sa situation et son nom ainsi que celui de Georges Roudaut sont inscrits sur la liste d’Union Gaulliste des élections municipales d’avril 1945. Cette liste remporte les élections et le 18 mai 1945, le conseil municipal ne peut que constater leur absence.
Toujours portée disparue, la dépouille de la jeune foraine est finalement découverte à l’été 1945. L’autorité militaire française sur place fait défiler la population des environs devant les cercueils avant qu’ils ne soient inhumés provisoirement à Pforzheim. Alice Coudol est rapatriée en août 1945 pour être inhumée à Brest, au cimetière de Saint-Martin [3].
En sa mémoire, dès octobre 1945, une rue de Brest porte son nom. Les villes de Lesneven, Morgat et Plouzané (2015) lui rendent également hommage de cette façon. À titre posthume, elle est décorée de la médaille de la Résistance française en 1946 et de la Croix de Guerre 1939-1945 avec Palmes. En 1955, elle est nommée Chevalier de la Légion d’honneur.
Après guerre, son histoire sera largement diffusée, par sa famille, les autorités civiles et militaires ou encore Geneviève De Gaulle qui parle d’elle lors d’une conférence à la Sorbonne. Mais son histoire sera également transformée, la mythifiant en l’élevant presque au statut de nouvelle Jeanne d’Arc. Dès lors, des déclarations contradictoires, erronées ou amplifiées viendront lui attribuer toutes sortes d’actions. Ces propos seront souvent tenus pour bénéficier de sa notoriété posthume et accréditer un engagement ou des actes dans la clandestinité, parfois fictifs... Elle est devenue une des résistantes iconiques du pays de Brest ; presque son égérie. Ceci n’enlève en rien son action réelle et le prix ultime qu’elle a payé, de sa vie, pour la cause de la Résistance.