MOUDEN Joseph

Joseph Marie Mouden est le deuxième des sept enfants d’un couple de cultivateurs établis à Kerédern en Tréglonou. À l’âge d’entrer dans la vie active, Joseph Mouden opte pour le métier de marin. Durant la Première Guerre mondiale, il devance son appel sous les drapeaux et contracte un engagement volontaire pour cinq ans à Brest en octobre 1916. Il est alors versé dans la Marine nationale. Au terme de son contrat, Joseph Mouden est rendu à la vie civile en février 1921, le grade de quartier maître électricien et un certificat de bonne conduite en poche. Il reprend alors ses activités professionnelles d’avant guerre. Lors d’un triple mariage de frères et sœur Mouden, Joseph épouse Marie Terrom (1904-1994), le 8 janvier 1922 à Tréglonou et de cette union naîtront deux filles, Angélique (1923-2002) et Blanche (1929-2013).

Il semble reprendre ou participer plus activement aux travaux agricoles de la ferme familiale (locataire de 27 hectares) après le décès de son père en mai 1939. Trop âgé pour être mobilisé au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Joseph Mouden voit arriver l’Occupant à Tréglonou et dans le canton de Lannilis.

Début avril 1943 l’ajusteur Jean Cadiou, de l’arsenal de Brest mais réfugié à Lesneven, se rend à Tréglonou. Sans que l’on puisse préciser ce qui a motivé son choix, il se présente au domicile du receveur buraliste Théophile Jaouen. Le contact établi, le brestois lui demande de faire partie de la Résistance, ce que Théophile Jaouen accepte. C’est sans doute par les recommandations de ce dernier que le fermier Joseph Mouden est à son tour recruté dans ce mouvement naissant. Les deux habitants de Tréglonou sont présentés à Alice Coudol dans les jours qui suivent. Elle leur explique les objectifs qu’elle se donne : recrutement de patriotes et organisation d’une structure de type militaire. Pour le moment, la discrétion prime sur l’action. Le recrutement est principalement théorique.

Vers mai 1943, Joseph Mouden, Théophile Jaouen et Amédée Rolland de Lannilis suggèrent à Alice Coudol de se mettre en relation avec le gendarme Jean-François Derrien pour le recruter dans la Résistance. Ce sera chose faite, ce dernier deviendra le responsable cantonal de Lannilis des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I). Les activités clandestines de Joseph Mouden à cette période sont inconnues, il a néanmoins sans doute participé au recrutement de volontaires.

Fin septembre - début octobre 1943, la branche brestoise du réseau Alliance, dont faisait partie Alice Coudol, est démantelé. Les contacts sont coupés mais bientôt, c’est auprès du mouvement Défense de la France (D.F) que la lutte se poursuit. Joseph Mouden va également se mettre au service du réseau Jade à l’automne 1943, pour l’organisation d’évasions maritimes vers l’Angleterre.

Le 3 novembre 1943, Joseph et son frère François, acheminent les 15 candidats [1] à l’évasion sur l’île Guénioc. Le lendemain, par acquis de conscience, Joseph Mouden scrute l’île Guénioc et découvre des silhouettes dessus. Il fait tout de suite alerter le réseau Jade, que l’opération a du échouer. La vedette britannique MGB 318 s’était bien rendue dans le secteur mais n’avait pas approché du bon îlot. Elle déposera néanmoins quelques divers colis sur l’îlot de Rosservo avant de repartir. On tente plusieurs choses pour faire évacuer ces candidats mais rien ne fonctionne. Alors, le 7 novembre 1943, Joseph et François Mouden retournent les chercher sur l’ile pour les ramener à terre où ils sont pris en charge par les Helpers.

Le 17 novembre 1943, avec son frère et le gendarme Jean-François Derrien, ils récupèrent chez trois fermiers du secteur, des armes et munitions récupérés par ces derniers sur les îles en face des Abers. Ces colis avaient été déposés par les Anglais lors de leur première venue. Ces armes, serviront plus tard à la formation des F.F.I du secteur. Joseph Mouden deviendra d’ailleurs le responsable F.F.I de Tréglonou.

Une nouvelle tentative d’exfiltration est menée le 1er décembre 1943 par le réseau, toujours dans le secteur de l’île Guénioc. Joseph Mouden contribue également à cette opération, aux côtés de Jean Person, Amédée Rolland, François et Louis Coum. Seule une chaloupe parviendra à ramener à bord de la vedette sept candidats. Deux autres chavireront avec leurs occupants. Les sept candidats malheureux et les six marins rescapés sont pris en charge par les Helpers du réseau. Dans l’ignorance de cette péripétie et pensant que la mission est une réussite totale, Pierre Hentic passe prendre congé de la famille Mouden à Tréglonou avant de repartir à Paris. Sur place, il dépose le poste radio émetteur.

Fin décembre 1943, une nouvelle évacuation maritime est en planification. Pierre Hentic et le radio Jacques logent chez Joseph Mouden et Amédée Rolland. À l’approche de la date, les candidats à l’évasion sont acheminés dans les environs du point de départ. Trois sont hébergés par Joseph Mouden dans l’attente d’une fenêtre météo favorable. Cette opération sera une réussite, permettant d’évacuer tous les candidats à la noël 1943.

Vers février 1944, il est décidé d’adjoindre au canton de Résistance de Lannilis, les communes de Coat-Méal et Kernilis. Pour développer le recrutement dans ces villages, Joseph Mouden et Théophile Jaouen contactent Mr L’Her à Coat-Méal. Ce retraité de l’armée accepte et forme un groupe en sa commune.

Le 4 avril 1944 en fin de journée, Jean-François Derrien et sa famille viennent se réfugier chez Joseph Mouden, de crainte d’une arrestation. La famille ne reste qu’une nuit, les craintes sont levées.

Le 24 avril 1944, le Groupe Action Directe effectue un enlèvement de tickets d’alimentation à Ploudalmézeau. L’opération tourne mal, sur le trajet du retour, leur véhicule est accidenté et abandonné. Yves Hily et Georges Dauriac sont amenés chez Joseph Mouden, avant d’être récupérés par le docteur Phélippes de la Marnierre qui les rapatrie sur Brest. Craignant que le garagiste et résistant Jean Le Gall, propriétaire du véhicule prêté pour la mission, soit inquiété, il est mis lui aussi au vert chez Joseph Mouden.

Victime d’une indiscrétion ou délation à propos d’un stockage d’armes et munitions dans sa ferme (ou champ attenant), Joseph Mouden est perquisitionné puis arrêté par les Allemands le 31 mai 1944. Jean Le Gall, toujours présent à la ferme, est également arrêté. Les deux résistants sont conduits au manoir de Trouzilit en Tréglonou pour y être interrogés de manière brutale. En fin d’après-midi, le notaire de Ploudalmézeau Henri Provostic, tout juste arrêté, est à son tour amené à Trouzilit pour y subir le même traitement que ses deux camarades d’infortune.

Les prisonniers sont ensuite transférés à la prison de Pontaniou à Brest. Le 1er juin 1944, les Allemands transfèrent Hervé Creff dans la cellule de Joseph Mouden. Leurs discussions relatent les arrestations dans la région de Ploudalmézeau et Lannilis. Durant sa détention, Joseph Mouden chante des cantiques bretons et récite la prière en commun avec Joseph Aballéa de Saint-Méen.

Vers la mi juin, suite au débarquement en Normandie, les prisonniers sont transférés à Rennes. À l’approche des troupes américaines au tout début du mois d’août, tous les prisonniers du camp Marguerite ou de la prison Jacques Cartier sont regroupés dans deux convois ferroviaires à destination de l’Allemagne.

Résistants de l’arrondissement de Brest arrivant au K.L Natzweiler le 26 août 1944 :
 CORRE Yves (Dachau, Allach et Melk) ✝
 GANDIN Claude (Dachau et Allach) ✝
 LE BRAS Eugène (Dachau, Allach, Haslach et Dautmergen)
 LE GALL Jean (Dachau et Flossenbürg) ✝
 LUSVEN Joseph (Dachau, Neuengamme et Meppen-Versen) ✝
 MOAL Léon (Dachau et Neuengamme) ✝
 MOUDEN Joseph ✝
 PELLENNEC Yves (Dachau, Allach, Neuengamme, Ladelund, Meppen-Versen et Sandbostel)
 PROVOSTIC Henri (Dachau et Melk) ✝
 RIOU Jean (Dachau) ✝

Sous le matricule n°23968, Joseph Mouden est transféré à Dachau. Il y croise Pierre Hentic. Les deux s’embrassent avant de se quitter, définitivement... Joseph Mouden est ensuite transféré au camp de Neuengamme où il décède d’une bronchopneumonie, le 29 janvier 1945.

À titre posthume, il est homologué au grade de Sous-Lieutenant. En sa mémoire, une rue de sa commune natale porte son nom tandis qu’une stèle (voir portfolio en bas de page) fut érigée sur la route départementale n°28, à l’entrée du chemin menant à la ferme des Mouden.

Décorations posthumes de Joseph Mouden :
 Chevalier de la Légion d’honneur (1953)
 Croix de Guerre 1939-1945, avec étoile de bronze (1946) puis vermeil (1951)
 Médaille de la Résistance française (1946)
 Médaille commémorative française de la guerre 1939-1945, barrette Libération (1948)
 Medal of Freedom (U.S.A) (1947)

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Stèle commémorative de Joseph Mouden
Joseph Mouden (Années 1920-1930)

Sources - Liens

  • Centre généalogique du Finistère (CGF29), registres d’état civil.
  • Archives municipales de Brest, fonds F.N.D.I.R.P (87S).
  • Archives départementales du Finistère, fiche matricule militaire de Joseph Mouden et dossier individuel de combattant volontaire de la résistance de Joseph Mouden (1622 W).
  • Ordre de la Libération, registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 17/05/1946).
  • Fondation pour la Mémoire de la Déportation, registre des déportés arrivés le 26 août 1944 en provenance de Belfort (I.273).
  • Arolsen archives, centre international de documentation des persécutions nazies.
  • CREFF Hervé, témoignage de l’internement à Pontaniou.
  • MORVAN Jean-Louis (U.N.C Lannilis-Tréglonou), documents et iconographie (2019).
  • BROC’H François, alias Florette, J’avais des camarades - ou "Souvenirs" de quatre années de résistance dans le Finistère, août 1940 - août 1944, éditions Le Télégramme, Brest, 1949.
  • HUGUEN Roger, Par les nuits les plus longues, éditions des Presses bretonnes, 1976, deuxième édition.
  • DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994.
    BODIGER Louis, Mémoires d’un résistant, éditions Dominique, 1998.
  • RICHARDS Brook, Secret Flotillas - Clandestine sea operations to britanny 1940-44, Volume 1, édition Pen & Sword, 2012.
  • FARRANT Hervé, L’occupation à Ploudalmézeau-Portsall, éditions Label LN, 2012.
  • HENTIC Pierre, Agent de l’ombre - Mémoires 1941-1945, éditions de La Martinière, 2012.
  • KERVELLA André, Le réseau Jade, l’Intelligence Service britannique au cœur de la Résistance française, éditions Nouveau monde, 2021.
  • CARAES Guy, Le réseau Alliance, éditions Ouest-France, 2021.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossiers de résistant et de déporté interné de Joseph Mouden (GR 16 P 433425 et GR P 28 4 365 135) - Non consultés à ce jour.
  • Service historique de la Défense de Caen, dossier d’attribution de la mention Mort pour la France de Joseph Mouden (AC 21 P 518 784) - Non consulté à ce jour.

Remerciement à Françoise Omnes pour la relecture.

Notes

[112 aviateurs, deux agents belges venant de Reims et un agent français recherché par les services allemands de sécurité.