Pierre-Yves-Marie Hentic passe son enfance dans la capitale avant d’être scolarisé comme interne à l’institution Saint-Nicolas d’Issy-les-Moulineaux. Vers dix ans, il rejoint sa mère qui a été prise au service de la famille Costa de Beauregard et qui partage son temps entre Paris et Chissay, en Touraine. Là, placé dans une famille d’accueil, il suit les cours de la communale, passe avec succès son certificat d’étude primaire, puis obtient son inscription à l’école des pupilles de la marine implantée à Brest. L’époque est assez agitée. Dans cette école, quelques élèves forment un groupe qui fait bon accueil aux propagandes plus ou moins libertaires, plus ou moins pacifistes. La sécurité militaire ne tarde pas à en être informée, ce qu’elle n’apprécie guère, en sorte que des sanctions sont prises. La plus lourde aboutit à l’exclusion des prétendus fautifs qui auront goûté entre temps à l’épreuve d’un emprisonnement dans des cellules du dépôt des équipages. Ils sont à peu près une vingtaine, dont Pierre Hentic.
De retour à Paris, non sans mal, il trouve à s’employer dans une officine pharmaceutique du Marais, les établissements Darasse. Pensant s’orienter vers le métier d’herboriste, il suit des cours particuliers aux Arts et Métiers. De même, il adhère aux Jeunesses Communistes qu’il quitte toutefois assez rapidement, en 1936. Un moment, il pense se rendre en Espagne pour se battre aux côtés des républicains espagnols, mais les obligations du service militaire, par devancement d’appel, l’amènent à Annecy dans un régiment de chasseurs alpins. Rendu à la vie civile en 1938, il reprend son emploi de laborantin aux établissements Darasse, mais il est rappelé sous l’uniforme au bout de six mois. En septembre, son bataillon vient se fixer sur les hauteurs d’Alsace. L’année suivante, il appartient à une section d’éclaireurs détachée le long de la frontière franco-italienne. Nous sommes déjà en état d’hostilité déclarée. Après quoi, l’enchaînement des événements subit un effet de cascade.
En avril 1940, avec sa section, il embarque à Brest, sur un transport de troupe, pour l’expédition de Norvège. À destination, des bombardements de l’aviation Allemande rendent sa section totalement inefficace, car les tirs détruisent les munitions et les mulets porteurs. Il en est de même des autres éléments débarqués. Après quelques jours de patrouille infructueuse, l’ordre de repli tombe. Le soldat de 2ème classe Hentic rembarque avec ses camarades à destination de l’Écosse. Là, il demande à repartir sur Narvik où de nombreux renforts sont souhaités. Malheureusement, la situation empire. L’invasion de la France a commencé, il faut revenir en catastrophe.
Un convoi dépose les derniers soldats à Brest le 17 juin. La débandade le pousse presque aussitôt à Bordeaux où il arrive le 22. Désorienté, rendu à la vie civile le 29 juillet, il demeure quelques semaines à Annecy puis remonte sur Paris, où il loge 12 rue du Roi-de-Sicile. En février 1941, le voici recruté par un ancien camarade de régiment, Claude Lamirault, comme agent du réseau Jade qui vient d’être créé par l’Intelligence Service. D’abord associé à la collecte de renseignements, il est au bout de quelques mois chargé des dispositifs logistiques de communication avec l’Angleterre par les avions monomoteurs Lysanders qui transportent les documents recueillis et des agents en mission.
Ses responsabilités sont de plus en plus hautes au sein du réseau puisqu’il est nommé chef des opérations aériennes et maritimes. Notamment, à l’automne et au début de l’hiver 1943, il organise avec succès l’évacuation d’aviateurs alliés, par vedette de la Royal Navy venues les chercher près de la côte, aux abords de Lannilis.
Deux semaines plus tard, repassé à Paris, un hasard malheureux lui vaut d’être arrêté le 6 janvier par des supplétifs français de l’Abwehr. Après quatre jours d’interrogatoires, il est écroué à Fresnes. Sur la porte de sa cellule, une pancarte signale en rouge qu’il est un détenu très dangereux. Transféré à Compiègne le 4 juin, il est isolé dans une cellule spéciale. Le 18, on lui annonce sa déportation : Dachau. Là, il est affecté au Kommando d’Allach, pour de pénibles corvées de maçonnerie. Puis, la chance – toute relative dans un tel contexte – lui permet de se retrouver plus au calme dans une usine BMW où sont fabriqués des carters de moteurs d’avions. Il est chargé du contrôle de certaines pièces en bout de chaîne.
À la libération du camp, il demande son intégration à l’armée. Le grade de capitaine lui est accordé. À la fin 1946, il est affecté en Indochine et poursuit une brillante carrière qu’il achève comme colonel. Il est titulaire de la médaille de la Résistance française, avec Rosette, depuis 1946.