Yves Marie Émile (prénom usuel) Allanic est licencié ès sciences. Alors élève en pharmacie, il est appelé à faire son service militaire en 1899. Devenu pharmacien, il épouse Anaïs Guillou (1881-1971), le 9 août 1904 à Lanvollon. L’année suivante, leur fille Louise (1905-1998) voit le jour dans la même ville. Très rapidement la famille s’installe à Brest au 37 bis rue de la Rampe (devenue rue Jean Macé). Émile Allanic y gère au rez-de-chaussée du 37, une pharmacie et bientôt, la famille s’agrandit avec l’arrivée de son fils Jean (1910-1945). Quand la Première Guerre mondiale éclate, il est incorporé à l’Hôpital de Campagne n°33 de Vannes. Ses affectations successives l’approcheront du front. En tant que brancardier, il est blessé à l’épaule en portant assistance à des victimes dans un fort de Verdun en 1916. Cette action lui vaudra l’attribution de la Croix de Guerre 1914-1918. Après guerre, il reprend sa vie civile à Brest.
Sa date d’entrée en Résistance n’est pas clairement définie entre 1941 et 1942. Sans devenir un agent à part entière du réseau S.R Marine (P.O.4), Émile Allanic semble mettre son établissement à la disposition de ses employés Jean Saluden et Jean Le Gad pour leur mission de collecte de renseignements. Le 37 rue Jean Macé devenant ainsi, une sorte de boîte aux lettres pour les agents du réseau. Cette mise à disposition dure jusqu’à l’arrestation en août 1942 de Jean Saluden et la fuite vers la Zone Libre de Jean Le Gad.
Non inquiété lors de ce démantèlement, le pharmacien poursuit sa lutte clandestine avec le réseau Cohors ou plus simplement avec le mouvement Libération Nord (L.N). Il est fort probable que son adhésion se soit faite par l’intermédiaire des sœurs Marie-Corentine, Marie-Anne, Marie et Anna-Germaine Piriou. Ces dernières ayant elles aussi rejoint le mouvement après avoir travaillé clandestinement avec les deux employés d’Émile Allanic. Dans ce mouvement, le rôle et les actions d’Émile Allanic sont méconnus jusqu’à l’automne 1943 où il est établi qu’il héberge au moins deux aviateurs américains qui attendent une évacuation maritime par le nord Finistère. À cette période, Brest regroupe un grand nombre d’aviateurs alliés tombés en mission dans la région mais pas seulement. Les deux aviateurs dont Émile Allanic a la charge se nomment Vernon Edward Clark et Charles Peter Bronner. Ils appartiennent au 96 Bomb Group, 337 Bomb Squadron de l’U.S.A.A.F. Leur forteresse volante B17 a été abattue le 14 octobre 1943 au-dessus de la Meuse. Ils sont confiés à Émile Allanic par Daniel et Yvonne Phélippes de la Marnierre du réseau Jade.
En fin d’année 1943, l’heure est à l’unification des mouvements de la Résistance. Ces pourparlers permettent de poser les bases de l’Armée Secrète (A.S) du Finistère. Dans la foulée en janvier 1944, Victor Le Gorgeu effectue une tournée spéciale dans les quatre départements bretons pour réunir les membres des Comités de la Libération. A Brest, il organise une réunion chez le pharmacien Émile Allanic où sont présents : Jean-Louis Rolland, Charles Berthelot, Mathieu Donnart et Aldéric Lecomte. Au début février 1944, Jean Cadiou rencontre le pharmacien Émile Allanic pour évoquer longuement l’organisation de la résistance dans l’Arsenal de Brest. Le 12 février, poursuivant les objectifs d’unification des différents organismes de résistance du Finistère, Jean-Louis Rolland, Émile Allanic et Louis Dupoux se rendent à Kersaint-Landunvez chez le Commissaire Général Pierre Douillard pour régler certaines questions de coopération de la Marine Nationale.
Deux jours plus tard, le 14 février 1944, Émile Allanic est arrêté à son domicile par simple suspicion de la part des Allemands. Au même moment, Jean-Louis Rolland, Louis Dupoux et Ernest Salaün sont également arrêtés. Tous sont enfermés à Pontaniou avant d’être transférés au camp Marguerite à Rennes le 3 juin 1944. Avec l’avance des troupes américaines en Bretagne, le camp est évacué et les prisonniers dirigés par train vers l’Allemagne. Le convoi passe par Nantes puis remonte la Vallée de la Loire. A Langeais, les docteurs Le Duc de Morlaix et Lucas de Saint-Renan proposent à Émile Allanic de tenter une évasion.
Émile Allanic répondant aux docteurs puis aux allemands :
Si je m’évade avec vous, je risque de vous faire prendre, car mon âge ne me permet pas de courir assez vite. Partez, je couvrirai votre fuite.
[...]
Ils sont occupés à compter les morts qui sont étendus en cette cave. [1]
Le convoi repart ensuite, mais cette fois à pied vers Tours. De là ils sont transportés à Vierzon, Dijon, Dole, Vesoul et enfin Belfort. Quinze jours se sont écoulés depuis leur départ de Rennes. Sur place les Allemands font un tri et ne destinent à l’Allemagne que les présumés coupables, les autres sont relâchés. C’est à cette étape qu’Émile Allanic s’évade grâce à l’institutrice mademoiselle Roussy le 22 octobre 1944. Il gagne la Suisse où l’accueil est chaleureux. Finalement, un autocar le prend en charge et le ramène en France jusqu’à Pontarlier. Il regagne la région brestoise pour y découvrir que son officine et son logement ont été détruits durant le siège de la ville en août et septembre 1944.
Le 3 octobre 1944, par arrêté du commissaire régional de la République Victor Le Gorgeu, la fusion de Lambézellec, Saint-Pierre-Quilbignon et Saint-Marc avec Brest est prononcée. Les conseils municipaux et délégations spéciales sont dissous, remplacés par une nouvelle délégation spéciale en charge de l’administration du Grand-Brest. Parmi les membres de cette nouvelle équipe de gestion, figure Émile Allanic et d’autres résistants.
Composition de la délégation spéciale du Grand-Brest :
– Victor LE GORGEU (Président absent)
– Jules LULLIEN (Président par intérim - Brest - Négociant)
– Émile ALLANIC (Brest - Pharmacien)
– Gaston CHABAL (Brest - Architecte)
– Jeanne GOASGUEN (Brest - Infirmière)
– André LE ROY (Brest - Employé des P.T.T)
– Guillaume MESSAGER (Brest - Professeur du Lycée de Brest)
– Jean RIOUALLEC (Brest - Cheminot)
– Victor SAGET (Brest - Directeur des vapeurs brestois)
– Antoine SALAUN (Brest - Médecin)
– René SALAUN (Brest - Commerçant)
– Michel SCHEIDHAUER (Brest - Colonel de Réserve)
– Louis SALIE (Brest - Contremaître à l’école pratique)
– Yves TANGUY (Brest - Publiciste)
– Pierre TOULLEC (Brest - Instituteur)
– Andrée ANDRIEUX (Lambézellec - Pharmacienne)
– Emmanuel COLIN (Lambézellec - Cultivateur)
– Alain CORRE (Lambézellec - Ouvrier à l’arsenal)
– Edouard RIBAN (Lambézellec - Capitaine)
– Joseph LUSLAC (Lambézellec - Cultivateur)
– Charles DANIEL (Saint-Pierre-Quilbignon - Pharmacien)
– Michel FLOC’H (Saint-Pierre-Quilbignon - Ouvrier à l’arsenal)
– Jean JULIEN (Saint-Pierre-Quilbignon - Instituteur)
– Jean LUCAS (Saint-Pierre-Quilbignon - Médecin)
– François GLOANEC (Saint-Marc - Retraité)
– Yves JAOUEN (Saint-Marc - Expert comptable)
Après cette période de transition, le pharmacien s’établit alors à Carantec et reste y vivre pour sa retraite. Pour son engagement clandestin, il reçoit la médaille de la Résistance française, avec rosette en 1946 et la Croix de Guerre 1939-1945. Émile Allanic était également Chevalier de la Légion d’honneur.