PIRIOU Marie-Corentine

Marie-Corentine Piriou fait partie d’une fratrie de six enfants, quatre sœurs et deux frères. Ses sœurs aînées Marie et Marie-Anne gèrent depuis la fin des années 20, la pension de famille faisant également office de restaurant Au Bon Goûter situé au 56 rue Jean Macé à Brest. Corentine embrasse pour sa part la carrière d’institutrice. Professeure titulaire au Collège Moderne de Brest, elle réside également à la pension de la rue Jean Macé. Seule la cadette, Anna-Germaine, employée des Postes, télégraphes et téléphones (P.T.T), ne réside pas à la pension puisque mariée depuis 1932 à Jérome Bizien, lui aussi des P.T.T.

Déjà en janvier 1941, les sœurs Piriou, en bonnes patriotes, contribuent de manière naturelle à lutter contre l’occupant en fournissant du ravitaillement à Jeannette Barré. Cette jeune femme originaire de Plomodiern, résidant à Recouvrance, héberge durant près de deux semaines le résistant nantais Paul Bocq, évadé de la prison de Pontaniou avec Henri Adam et Louis Costard. La même année, depuis le mois de mars, les sœurs Piriou sont en relation avec les employés Jean Le Gad et Jean Saluden de la pharmacie d’Yves Allanic, dont l’officine se trouve non loin du Bon Goûter, au 37 rue Jean Macé. Les deux préparateurs en pharmacie appartiennent au Service de Renseignement Marine d’origine polonais, en liaison avec l’Intelligence Service anglais. En plus de venir prendre un bon repas Au Bon Goûter avant leurs missions de liaison à Paris pour le compte de leur réseau, les deux hommes y trouvent également des renseignements fournis par les sœurs Piriou, notamment sur l’arsenal ou la base du Poulmic. Voilà le genre d’aides que les brestoises peuvent offrir tout en poursuivant leurs activités professionnelles.

L’entrée officielle de Corentine Piriou dans une organisation de Résistance date de juin 1942. A cette époque, le mouvement Libération Nord (L.N), ou plutôt son réseau de renseignement Cohors, s’implante dans la région brestoise. L’identité du recruteur des sœurs Piriou est méconnu mais il pourrait s’agir de Mathieu Donnart ou d’Aldéric Lecomte, clients fréquentant l’établissement. Grâce à leur clientèle et à leurs relations, les sœurs collectent des informations qu’elles ne manquent pas de remonter à leur contact. Le lieu se prête également pour les rencontres clandestines. En septembre 1942, les sœurs Piriou, ou au moins Corentine, viennent en aide à Jean Le Gad pour le soustraire aux recherches allemandes et l’aider à passer en Zone libre.

L’année 1943 voit s’étendre les activités clandestines. En juin 1943, Mathieu Donnart met René Salaun dans la confidence et lui indique qu’il peut Au Bon Goûter, établir en toute confiance des contacts au besoin. Chose qu’il fait dès le mois de septembre sur demande d’Edouard Riban pour transporter et héberger des clandestins hostiles à l’Armée allemande. Cet hébergement se matérialise par l’accueil et la prise en charge d’aviateurs alliés pour le compte du réseau Bordeaux-Loupiac. Leur intermédiaire est alors Ghislaine Niox, à qui les sœurs Piriou fourniront un plan complet des installations allemandes dans la région du Poulmic, récupéré auprès d’un ingénieur client du restaurant.

Les activités de ce réseau sont néanmoins rapidement stoppées par plusieurs arrestations. Dans la continuité, les sœurs Piriou poursuivent l’assistance aux aviateurs à partir de novembre 1943 et jusqu’à noël. Elles apportent désormais de l’aide au réseau Jade Fitzroy pour l’hébergement d’aviateurs alliés dans l’attente d’une évacuation maritime depuis la côte nord du Finistère. Les contacts se font auprès des résistants Andrée Virot et Jean Person.

De part ces nouveaux contacts mais également des rapprochements sérieux entre les mouvements Libération Nord et Défense de la France en fin d’année 1943, de nouvelles perspectives d’actions s’offrent aux restauratrices. Amélie Balé ainsi que les sœurs Andrée et Marie Boulaire déposent au Au Bon Goûter des exemplaires du journal clandestin de ce nouveau mouvement, que les gérantes diffusent auprès de leurs connaissances à la fibre patriotique. Des réunions s’y tiennent et l’on héberge, le temps d’un passage à Brest, des pointures comme Maurice Prestaut.

La collecte de renseignements se poursuit et divers échanges, de fonds ou de fausses pièces d’identités, se déroulent au restaurant à l’abri des regards. Avec l’unification des forces et la création de l’Armée Secrète (A.S) et des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I) pour le Finistère et Brest, d’autres réunions s’y déroulent. Corentine et sa sœur Anna Bizien deviennent ensuite des agentes de liaison entre le P.C du sud Finistère et Brest pour les l’État-major départemental des F.F.I du Finistère.

Si depuis le début de leurs activités clandestines les sœurs Piriou étaient parvenues à se faire discrètes, le 23 mai 1944 se produit un concours de circonstance fatale à leurs activités de résistantes. Remontant du sud Finistère, Anne Corre et Jacqueline Razer se dirigent sur Brest où elles doivent renouer avec la Résistance, en se présentant Au Bon Goûter. Hélas, les deux jeunes femmes sont traquées par le supplétif français Émile Guilcher, du Sicherheitspolizei-Kommando (S.D). Localisées à Brest, elles sont arrêtées par les Allemands au Café des Voyageurs. S’ensuit un interrogatoire qui déclenche une perquisition de trois heures au restaurant des sœurs Piriou. Rien de probant n’est trouvé sur place mais Marie-Anne et Marie Piriou sont arrêtées. Conduite en voiture à l’école Bonne-Nouvelle en Kérinou, siège de l’Aussenkommando Brest du S.D, les deux sœurs sont interrogées avant d’être internées au commissariat de Saint-Martin, transformé pour l’occasion en prison des femmes. Elles vont y côtoyer Anna et Yvonne Kervella, Éliane Riou et d’autres résistantes de Brest et de tout l’arrondissement.

De son côté, Corentine échappe à l’arrestation. L’apprenant, elle quitte Brest sur le champ et se réfugie à Pleyben auprès de sa famille. Corentine retrouve ses deux soeurs à Pleyben après leur expulsion de Brest le 9 juillet 1944. Relâchées faute de preuve, la famille reste néanmoins suspecte et sous la menace d’une nouvelle arrestation. L’arrivée des Alliés dans le Finistère est synonyme de liberté retrouvée pour les sœurs mais avec le siège de Brest en août et septembre 1944, leur commerce et lieu d’habitation sont totalement détruits.

Tout en continuant sa carrière d’enseignante, Corentine s’engage politiquement par la suite. Elle milite au Rassemblement du Peuple Français (R.P.F) d’abord, puis à l’U.N.R. A partir de 1947 elle devient maire adjointe de Brest et sert sous plusieurs municipalités. Elle sera la première femme élue au Conseil Général en 1951.

Pour son engagement dans la Résistance française, Marie-Corentine Piriou reçoit la Légion d’honneur, la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile d’argent et la Medal Of Freedom en 1947.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Corentine Piriou
Crédits photo : Le Télégramme de Brest

Sources - Liens

  • Archives municipales de Brest, iconographie (2Fi03870).
  • Archives départementales du Finistère, dossier individuel de combattante volontaire de la résistance de Marie-Corentine Piriou (1622 W).
  • HUGUEN Roger, Par les nuits les plus longues, éditions Les presses bretonnes, 1976.
  • PICHAVANT René, Clandestins de l’Iroise (1940-1942), éditions Morgane, 1982.
  • KERVELLA André, Brest Rebelle, éditions Skol Vreizh, 1998.
  • CISSÉ Gérard, Au Bon Goûter - Vie quotidienne ordinaire sous l’Occupation, Les Cahiers de l’Iroise (n°189), janvier 2001.
  • FALIGOT Roger et ROBET Alain, La fille au carnet pourpre, éditions Steinkis, 2016.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossiers individuels de Résistante de Marie-Corentine Piriou (GR 16 P 480116 et GR 28 P 4 238 39) - Non consultés à ce jour.

Remerciement à Françoise Omnes pour la relecture.