PRIGENT Yves

Yves Marie Prigent est adopté comme pupille par la Nation en 1923, après le décès de son père en 1919 suite à une longue maladie contractée en service. Il réside dans sa jeunesse au 90 rue Yves Collet à Brest avant de déménager au 10 rue André Portail. Après sa scolarité, il obtient son diplôme d’ajusteur en juin 1932. De la classe 1936, son passage au service militaire est ajourné. Yves Prigent travaille alors comme ouvrier fraiseur à l’arsenal de Brest et adhère en 1936 aux Jeunesses communistes (J.C). Il s’y investit en participant à la fondation du cercle brestois Henri Barbusse.

En 1938, il part faire son service militaire dans la Marine nationale et s’y trouve encore au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Affecté comme mécanicien sur le cuirassé Lorraine, Yves Prigent est peut être démobilisé après le rapatriement d’une partie de l’équipage suite à l’opération Catapult. Yves Prigent est en tout cas de retour à Brest à l’automne 1940. Entre 1939 et 1940, il déménage à nouveau et s’installe non loin, au 22 rue André Portail. Il concrétise son union avec Louise Petton (1919-2002), en l’épousant le 22 novembre 1940 à Brest. Le jeune couple s’installe alors au 51 rue Jules Guesde.

Dès son retour à Brest, Yves Prigent reprend son poste à l’arsenal et renoue les liens avec le Parti communiste français (P.C.F), désormais clandestin depuis son interdiction suite au pacte germano-soviétique. Il participe à la diffusion de la propagande du parti puis à celle du Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France (F.N) à partir de son instauration à Brest. En mai 1941, avec Mathurin Le Gôf, ils fabriquent des affichettes "Aller en Allemagne, c’est trahir".

En août 1941, le triangle de direction de la branche arsenal du P.C.F est refondu. Yves Prigent, Charles Cadiou et Mathurin Le Gôf en prennent la direction en remplacement de Jules Lesven, désormais patron avec Jeanne Goasguen, du P.C.F de Brest. Parmi les tâches qui lui incombent ; la récupération des cotisations des adhérents de l’arsenal, comme par exemple celle de Louis Le Guen. À l’été 1941, il suit de près la reformation d’un groupe de la Jeunesse Communiste à Brest. Il y fréquente notamment Jean Kerautret, André Berger, Jean Ansquer et Guy Drogou. Avec Jean Kerautret, ils seraient parvenus à assommer un officier allemand à Brest pour lui dérober son arme de poing. Par résonance aux exécutions de Châteaubriant et Nantes, Yves Prigent, Mathurin Le Gôf et Charles Cadiou organisent une grève à l’arsenal le 25 octobre 1941.

Yves Prigent relate l’organisation de cette grève :

« Je me souviens avoir passé la nuit du 23 au 24 chez Louis Le Guen à calligraphier des affiches appelant à la grève, et une bonne partie de la nuit du 24 au 25 à les punaiser avec le camarade Guy Drogou à l’intérieur du plateau des Capucins (mécanique, fonderie, électricité).

Ce mouvement de grève a été suivit à 100% à l’atelier des machines, mais il fut de brève durée car les Frisés investirent rapidement les ateliers en interdisant la sortie ou l’entrée à qui que ce fut. Heureusement ils avaient oublié un certain tunnel qui nous permettait de quitter l’atelier pour rester en contact, à la Centrale électrique, avec Charles Cadiou qui, en fait, était à la tête de l’organisation. » [1]

Une seconde grève est organisée en décembre 1941. Ce même mois, son premier fils, Maurice (1941-2002), voit le jour. Fin décembre 1941, une réorganisation s’opère à la tête du P.C.F. Trop exposés, Jeanne Goasguen et Jules Lesven sont remplacés par les membres du triangle de direction du parti de l’arsenal : Charles Cadiou, Mathurin Le Gôf et Yves Prigent. Pour les épauler, Carlo De Bortoli leur est adjoint. De fait, un nouveau triangle est également à mettre en place à l’arsenal.

Pour la partie militaire de la lutte, il est décidé en janvier 1942, la création d’un triangle pour diriger les groupes de l’O.S de Brest. Jules Lesven, Pierre Corre et Lucien Kerouanton en deviennent alors les responsables. Ces modifications tendent à mieux compartimenter l’action de la propagande.

Une des premières décisions d’Yves Prigent et ses deux camarades du triangle, est de diviser Brest en trois secteurs avec à leurs têtes, un référent. Charles Cadiou s’occupe particulièrement de l’arsenal, André Vadaine de Brest Ouest et Carlo De Bortoli, probablement de Brest Est. La diffusion de la propagande se poursuit tandis que les deux triangles coopèrent et organisent bientôt une série de sabotages à l’arsenal. Le 26 mars 1942, Yves Prigent fait équipe avec Guy Drogou et Albert Rolland pour le sabotage des sous-stations électriques de l’arsenal.

Le triangle d’Yves Prigent aide au mois d’avril 1942, les femmes communistes à organiser une manifestation des ménagères, prévue pour le 28 avril 1942. C’est d’ailleurs durant cette soirée, alors qu’il se rend chez Henri Moreau avec Carlo De Bortoli, Charles Cadiou et Mathurin Le Gof, qu’Yves Prigent est arrêté par deux policiers brestois ; Jean Blaize [2] et Jules Guivarc’h [3].

Il subit un interrogatoire musclé et une perquisition de son domicile par la police française qui tente de lui arracher des informations. Après quoi, il est livré à l’armée allemande avec ses camarades. Interné dans un premier temps à Pontaniou, il est traduit devant le Conseil de Guerre allemand de Brest en mai 1942. Carlo De Bortoli est condamné à mort tandis qu’Yves Prigent est condamné à un internement administratif au camp de Compiègne. Du 19 mai au 1er juillet 1942, il est interné avec ses compagnons à la prison de Pontaniou avant son transfert en région parisienne.

En novembre 1942, un rapport de police évoque son appartenance au parti, sans pour autant parvenir à déterminer la réelle implication d’Yves Prigent. Rejugé en décembre 1942 par le tribunal spécial français de Rennes, il reste interné à la suite du jugement. Enfin, il passe une troisième fois devant un tribunal, en août 1943 à Paris. Acquitté ou condamné à une peine déjà purgée (la détention provisoire comptant), Yves Prigent est libéré en septembre 1943.

Il retrouve alors sa femme réfugiée à Château-du-Loir dans la Sarthe. Il y trouvera du travail, dans la Faïencerie Emile Tessier à Malicorne-sur-Sarthe en 1944. Après guerre, il reste à l’arsenal jusqu’en 1947 puis se tourne vers l’enseignement technique à Villeurbanne, Angoulème et Nantes. Le couple aura également un second fils, Daniel, en 1949.

Pour son engagement clandestin, Yves Prigent est décoré de la Croix du combattant volontaire et de la Croix du combattant volontaire de la Résistance.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Sources - Liens

  • Famille Prigent, informations et iconographie (2022).
  • Archives municipales de Brest, registres d’état civil (1E255 et 2E185), recensement de 1936 (1F88) et liste électorale de 1939 (1K92).
  • Archives départementales du Finistère, rapport de police du 24 novembre 1942 (200 W 70).
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier Procès des FTP de Brest (GR 28 P 8 57 29), aimablement transmis par Brigitte Snejkovsky (2023).
  • Le Maitron, notice biographique d’Yves Prigent.
  • Wikipédia, article sur le cuirassé Lorraine.
  • KERBAUL Eugène, 1270 militants du Finistère (1918-1945), édition à compte d’auteur, Paris, 1985, pages 240 et 241.
  • KERBAUL Eugène, Cahier de mise à jour - 1485 militants du Finistère (1918-1945), édition à compte d’auteur, Paris, 1986, page 50.
  • KERBAUL Eugène, Chronique d’une section communiste de province (Brest, janvier 1935 - janvier 1943), édition à compte d’auteur, Paris, 1992.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de résistant d’Yves Prigent (GR 16 P 491378) - Non consulté à ce jour.
  • Service historique de la Défense de Caen, dossier d’interné résistant d’Yves Prigent (AC 21 P 651328) - Non consulté à ce jour.
  • Archives départementales du Finistère, dossier individuel de combattant volontaire de la résistance d’Yves Prigent (1622 W) - Non consulté à ce jour.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.

Notes

[1LE BOTERF Hervé, La Bretagne dans la guerre - Tome 2, éditions France Empire, 1970, pages 197 et 198.

[2Né à Saint-Nic le 20 juillet 1898, sera abattu par Georges Mélou en 1944.

[3Né à Crozon le 20 juillet 1903, décédé à Chantepie le 16 février 1979.