GILLET Léon

Léon Gillet est le fils de Marie Despouy et de Sébastien Gillet, Chef de Bataillon des troupes de Marine, d’origine lorraine. Il effectue sa scolarité à l’école Jean-Baptiste Say à Paris et obtient son certificat d’études. Le 30 octobre 1893, il s’engage à son tour dans l’Infanterie de Marine et participe à sa première campagne de guerre au Tonkin. Rengagé comme sous-officier, il devient élève-officier à Saint-Maixent puis sous-lieutenant le 23 mars 1901. Après une autre campagne de guerre au Tonkin en 1905, il effectue une nouvelle campagne de guerre au Congo avant d’épouser Alix Simottel, le 5 juillet 1909 à Brest.

Simone leur premier enfant voit le jour le 1er avril 1910 à Brest. Elle accompagne ses parents à Saint-Louis-du-Sénégal en janvier 1911. En mai 1911, Léon est à nouveau en campagne de guerre au Maroc et y reçoit des félicitations pour son comportement comme agent de liaison de la colonne Mazillier. En juin 1914, la famille Gillet est au Tonkin, à Moncay, où Maurice Gillet est né. En septembre 1917, Léon est de retour à Brest, au 9 allée du Cimetière avant d’être affecté sur le front dans le 2° Corps d’Armée Colonial. Là il se distingue à plusieurs reprises, notamment le 23 juillet 1918 où il confirme sa réputation de Trompe-la-Mort et d’entraîneur d’hommes :

« Soumis pendant la fin de la préparation d’artillerie à un bombardement assez intense, le bataillon Gillet débouchait à 5h30 du bois de la Gaune, avec un élan admirable ; les hommes joyeux partaient à l’assaut comme à une fête. »

Léon Gillet poursuit en Allemagne avant de retrouver sa famille à Brest en juillet 1919. En janvier 1920, la famille Gillet est à Pékin où Léon Gillet commande le détachement de la garde de la Légation de France. En mars 1923, c’est le retour en France avant un nouveau départ familial en juillet 1925 pour Casablanca ; Léon y laisse sa famille pour combattre au Maroc. En décembre 1926, Léon part sans sa famille en Tunisie et revient en métropole en janvier 1928, avant un nouveau départ en famille pour le Cambodge en novembre 1928. Le 17 juin 1930, sa fille Simone Gillet épouse à Phnom-Penh André Desgeans. En janvier 1933, Léon s’installe à Aix-en-Provence avec sa femme puis prend le commandement des détachements coloniaux des Alpes en mai. En septembre 1933, devenu Colonel, il commande le régiment d’infanterie coloniale du Maroc. Le 20 septembre 1934, atteint par la limite d’âge, après une cure pour soigner hépatite et paludisme, Léon prend sa retraite.

En avril 1936, restant fidèle au quartier de l’église Saint-Martin à Brest, le couple Gillet loue un appartement au 102 rue Jean Jaurès. Le 26 août 1939, Léon est mobilisé, puis rayé des cadres le 28 septembre 1939. Il veut combattre, et s’engage comme volontaire pour la durée de la guerre mais le 28 décembre 1939, il est définitivement renvoyé dans ses foyers.

Décorations de Léon Gillet en 1939 :
 Commandeur de la Légion d’honneur
 Croix de guerre 1914-1918, avec palmes
 Croix de guerre des Théâtres d’opérations extérieurs, avec étoile d’argent
 Médaille Coloniale, agrafes Congo, A.O.F, Maroc
 Médaille de la Victoire 1914-1918
 Médaille commémorative de la guerre 1914-1918
 Commandeur de l’ordre royal du Cambodge
 Chevalier de l’ordre du Dragon de l’Annam

En septembre 1939, sa fille Simone Desgeans repart pour le Cambodge en laissant aux soins de ses parents ses fils : Yannick atteint par la poliomyélite et Jacques. Le 19 juin 1940, les Allemands entrent dans Brest, les Gillet se réfugient dès lors chez René Simottel (père) au Créac’h Gwen en Porspoder. Après le mariage de leur fils Maurice avec Marie Maistre, ils laissent l’usage de leur appartement brestois au jeune couple.

En avril 1941, selon René Simottel (fils), qui a décliné la proposition pour lui-même, Maurice Gillet devient un agent de renseignement au profit du Service de renseignement de la Marine de l’État français [1]. Dès lors, le militaire à la retraite devient tout naturellement le conseiller militaire de son fils et le reste quand Maurice devient chef du sous-secteur Chapelle du réseau Alliance, en juillet 1942. Sans connaître le détail de ses actions, on peut affirmer qu’il a contribué à l’évasion de militaires américains et britanniques comme en atteste la citation de sa Medal of Freedom, à titre posthume.

Le samedi 24 septembre 1943, contre son avis, son épouse Alix donne asile à Joël Lemoigne, l’ami de leur fils, qui est recherché par les agents de l’Aussenkommando Brest du Sicherheitspolizei-Kommando (S.D). Trois jours plus tard, Le lundi 27 vers 6 heures du matin, les Allemands font irruption au Créac’h Gwen et arrêtent Léon, Alix, leurs trois petits enfants, leurs deux bonnes et Joël Lemoigne qui se présente sous l’identité de Delmas. Tous sont amenés à Brest, au siège du S.D à l’école Bonne-Nouvelle à Kérinou. Les deux bonnes sont rapidement libérées, les trois petits enfants ne le seront qu’après le transfert de leurs grands-parents à Rennes.

Le 29 septembre 1943, Léon Gillet est transféré à la prison Saint-Jacques de Rennes en compagnie de son épouse Alix, de son fils Maurice, de sa belle-fille Marie, de sa belle-sœur Amélie Simottel et de onze autres personnes du réseau : André Guyomard, Joël Lemoigne identifié mais non encore reconnu comme appartenant au réseau, René Jamault, Georges Lacroix, Marie Le Bacquet, des époux René et Marguerite Prémel, de Pierre et René Guézenec, de Clara Machtou et de Pierre Letullier. À Rennes, Jeanne Maistre avant son arrestation, puis Marie-Thérèse Delalande, ont pu lui assurer une alimentation complémentaire et des vêtements. Madame Delalande dans une lettre à Annie Maistre du 27 mars 1944, décrit son bon moral affiché :

« Le vieux professeur écrit à sa femme des lettres désopilantes. Il mène la vie de château. Trop à manger. Bref, ça va, c’est bien lui. »

L’enquête cependant se poursuit. Le S.D pense dans un premier temps que le colonel Gillet est le chef du sous-secteur, avant de comprendre qu’il s’agit en fait de son fils Maurice Gillet. Cette conclusion est le résultat des recoupements des bribes d’informations recueillies durant les interrogatoires. Dans son rapport du 23 mai 1944, le S.D de Rennes précise :

« Il est le père de l’agent principal Gillet – il était au courant de l’activité de son fils, il ne savait soi-disant pas pour quelle organisation il travaillait, ni dans quel rôle. Il savait également que son fils possédait un émetteur avec lequel il transmettait des renseignements à Londres. Lui même nie avoir eu à faire avec l’organisation. »

Le 31 mai 1944, Léon Gillet est transféré à Fresnes avec son fils Maurice, Pierre et René Guézenec, Jeanne Maistre, Georges Roudaut, Fernand Yvinec, Jacques Stosskopf, Pierre Letullier et Auguste Régent. Tous sont alors classés comme détenus Nacht und Nebel (N.N). Le 14 juillet 1944, c’est le départ de Fresnes pour Strasbourg où l’anthropométrie de Léon est relevée, sous le numéro 369/44. Le 17, il arrive à Schirmeck où les hommes sont enfermés dans le block 10 et les femmes dans le Garage. Certains détenus sont enfermés dans les cellules individuelles du Bunker. La vie dans le block 10 a été décrite dans l’ouvrage Mémorial de l’Alliance. On y découvre des trésors d’inventivité pour tenir les esprits alertes ou venir en aide après les séances de tortures. En ce qui concerne les brestois, le rapport final de Strasbourg est daté du 2 août 1944. Pour Léon Gillet, il conclue par :

« Des poursuites pénales contre lui sont donc à déconseiller. À son encontre ne seront retenues que des poursuites du ressort de la Gestapo. »

Autrement dit ; un séjour en camp de concentration de niveau non précisé, sans nécessité d’un jugement. Mais devant l’avance des Alliés, la décision d’éliminer tous les prisonniers d’Alliance est prise. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, Léon Gillet et 106 membres du réseau Alliance ainsi que 35 maquisards du G.A Vosges sont abattus et incinérés au Struthof.

À titre posthume, Léon Gillet est reconnu agent P2 du réseau Alliance et obtient la mention Mort pour la France. Il est également décoré de la médaille de la Résistance Française, de la medal of Freedom, de la médaille de la déportation et de l’internement pour faits de Résistance ainsi qu’un certificat de Service signé par le Maréchal Montgomery. Son nom est inscrit sur le mémorial du Struthof.

Publiée le , par BRUN, mise à jour

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Sources - Liens

  • Famille Gillet-Brun, archives et iconographie familiale.
  • Service historique de la Défense de Vincennes (GT 7 YE 4023 et GR 5 YE 138419).
  • Service historique de la Défense de Caen, dossier de déporté de Léon Gillet (AC 21 P 455 499).
  • Ordre de la Libération, registre des médaillés de la Résistance Française (J.O du 13/07/1947).
  • Livre d’or de la France combattante et résistante, éditions Gloire, 1948.
  • Association Amicale Alliance, Mémorial de l’Alliance - dédié aux 432 membres d’un Service de Renseignements militaires, morts pour la France sous l’Occupation allemande, 1940-1945, à compte d’auteur, 1948.
  • FOURCADE Marie-Madeleine, L’Arche de Noé, éditions Fayard, 1968.
  • BRUN Bernard, Marie Maistre et Maurice Gillet, à compte d’auteur, 2019.

Notes

[1Au début 1942, selon le S.D. Strasbourg