Jean René Thénénan Marie Sizorn réside à Landerneau au 28 rue de Ploudiry. Trop jeune pour être mobilisé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, il travaille dans l’entreprise familiale comme sellier-bourrelier. Sur son temps libre, il fréquente les jeunes du patronage des Gars d’Arvor. Jean reprend la direction de la petite entreprise après le décès de son père le 28 juin 1941, à seulement 41 ans.
Dans les derniers mois de l’année 1942, au fil de discussions, Jean Sizorn entre en relation avec des landernéens désireux d’agir contre l’occupant. La concrétisation de ces rencontres aux allures clandestines, se déroule en janvier 1943 par la création d’un groupe emmené par d’anciens militaires du 48ème Régiment d’infanterie (48ème R.I) ; Henri Lambert et Marcel Briand. Outre Jean Sizorn, figure également Marcel Peucat parmi les membres fondateurs.
Bien qu’avide d’agir, le groupe va d’abord se structurer. Dès lors Jean Sizorn met partiellement son activité professionnelle en pause pour se consacrer à la lutte clandestine. Les premiers mois sont consacrés à l’organisation, aux repérages, à la diffusion de tracts et journaux clandestins ainsi qu’au recrutement de volontaires.
Au mois de mars 1943, le groupe a triplé et comporte une douzaine de membres. La récupération de matériels débute et des vols sont commis dans des carrières pour obtenir des explosifs. On vole également des bottes et quelques armes pour les futures opérations et l’instruction des jeunes. Au mois d’avril, Jean Sizorn prend du galon et se voit nommé chef de groupe. L’un des premiers sabotages est effectué sur l’élévateur de pâte de la boulangerie de la Grande Palud, qui fabrique du pain pour la Kriegsmarine. Les semaines s’égrainent et les contacts se nouent avec les Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P) de Brest, notamment André Lagoguet puis ceux du Groupe Giloux. Malgré les divergences nationales, la camaraderie et les connaissances locales permettent de se côtoyer ou s’allier le temps d’une action, avec le docteur Jean Le Bras du mouvement Défense de la France (D.F), Joseph Radenac de l’Organisation de la Résistance de l’Armée (O.R.A) ou encore avec Mathieu Donnart, responsable de l’Armée Secrète (A.S).
Depuis octobre 1943, le groupe prépare son premier sabotage ferroviaire. Les résistants optent pour la ligne reliant Quimper à Landerneau. Pour cette action, les landernéens s’adjoignent l’aide précieuse de Marcel Boucher et René Hascoët de Brest. Les deux brestois arrivent par le dernier train de Brest et sont récupérés par Jean Sizorn et Marcel Peucat. Le rendez-vous est pris à 22 heures à l’endroit choisi, les jeunes saboteurs s’y rendent à vélo. Dans leurs affaires, les brestois ont apporté les clés S.N.C.F. pour déboulonner les éclisses et les traverses. Henri Lambert a déployé pour cette opération des hommes dans les environs pour palier aux éventuels problèmes et a même convenu que les hommes du docteur Jean Le Bras soient de la partie. Le sabotage est effectué en 45 minutes puis le commando s’éclipse dans la nature. Certains dormiront dans le bois de Pencran jusqu’au lever du couvre feu. Jean Sizorn, Marcel Peucat et les deux brestois descendent jusqu’à la rue de Ploudiry pour passer le reste de la nuit dans l’atelier Sizorn. Le 5 décembre à 00h30, le train PV Q14 s’engage sur la voie et déraille en partie avec deux machines et deux wagons hors piste. La voie sera immobilisée une journée et demi.
Dans les jours qui suivent, Henri Lambert est appelé à dispenser une instruction militaire au maquis de Saint-Yvieux à Plerguer en Ille et Vilaine. Il s’y rend avec Marcel Briand et Marcel Peucat. La direction du Groupe Lambert revient alors à Jean Sizorn. Dans la nuit du 18 décembre 1943, le jeune landernéen organise un nouveau sabotage ferroviaire entre Landerneau et Dirinon, faisant dérailler vers 4h30 le lendemain, une locomotive et un wagon venant de Brest. Ce même 19 décembre 1943, ses trois camarades sont capturés au maquis de Saint-Yvieux. Jean Sizorn et André Lagoguet deviennent alors les chefs de groupe. Il poursuit les recrutements et maintient un contact régulier avec les responsables F.T.P. La nuit du 3 au 4 février, il héberge à son domicile Marcel Boucher, André Garrec et Guy Raoul, qui reviennent de Trédudon en Berrien après avoir abattu un officier allemand et son ordonnance. Les trois brestois ne s’attardent pas et quittent Jean Sizorn dans l’après-midi. Sur le chemin qui doit les ramener à Brest, ils tombent sur un barrage à la sortie de Landerneau et dans la fusillade qui s’ensuit, les trois jeunes maquisards sont tués.
Le Groupe Lambert, loin de se dégonfler, poursuit la lutte et semble changer de nom pour devenir le Groupe Primas [1]. Cela fait sûrement écho à l’organisation militaire des F.T.P instaurant des détachements (sections) et des groupes portant les noms de fusillés. Les résistants de ce groupe sont numérotés de 68 à 79. Toujours en février 1944, il rejoint Quimerc’h avec André Lagoguet pour retrouver Yves Autret. Ce dernier a découvert un conteneur d’armes perdu lors du parachutage destiné au groupe Vengeance. Deux mitraillettes sont alors données aux landernéens. Deux nouveaux sabotages ferroviaires s’ajoutent aux actions du Groupe Lambert ; le 18 et 27 février 1944 entre Dirinon et Landerneau puis une nouvelle le 16 mars à Quimerc’h. Les actions se multiplient dans la région de Landerneau, les hommes de Sizorn s’attaquent également aux pylônes électriques et de T.S.F. En mars 1944, Jean Le Rousic quitte Brest et fait une halte à Landerneau pour y récupérer deux postes radio auprès de Jean Sizorn. Ils seront acheminés à Plonévez-du-Faou. Le mois d’avril 1944 sonne le glas du Groupe Lambert. Leurs nombreuses actions ne sont pas passées inaperçues et les services de la sûreté allemande de Rennes enquêtent et débarquent à Landerneau, accompagnés d’un supplétif français.
Le Sonderführer (K) Herbert Schaad déclare à ce sujet :
" La première opération à laquelle j’ai assisté à Landerneau a été l’arrestation de Millour, de Bourhis, des deux frères Daniel [2] et les recherches de Lagoguet, de Sizorn, de Keryell, Malgorn, Goulaouic. Cette opération s’est effectuée sur ordre d’un envoyé de la S.D de Rennes qui s’est présenté au capitaine de la Kommandanture pour lui expliquer les raisons de sa venue à Landerneau. Il a prétexté qu’il ne connaissait pas la ville et le capitaine m’a désigné pour que je l’accompagne. L’envoyé de Rennes m’a expliqué par la suite qu’il venait dans le but d’effectuer des arrestations. Il était accompagné d’un civil qui, disait-il, devait lui fournir toutes les indications nécessaires. Il m’a indiqué le nom de ce civil, mais par la suite j’ai appris qu’il s’agissait d’un nommé Guilcher [3] domicilié dans l’immeuble du Chêne Vert, rue de Brest à Landerneau." [4]
C’est pour ainsi dire la naissance du Kommando I.C 343, dit Kommando Schaad, qui mènera la vie dure à la Résistance du Nord et du Centre Finistère. Ne trouvant pas Jean Sizorn, les allemands arrêtent le 17 avril 1944 sa mère et sa sœur, toutes deux prénommées Marguerite. Elles seront déportées à Ravensbrück et sa mère n’en reviendra pas. Jean Sizorn parvenu à s’enfuir, gagne Lesneven où le docteur-maire Duterque le confie à son secrétaire Yves Quéré pour le convoyer jusqu’à la ferme de Jean-Louis Pichon. Le résistant l’accueille, l’héberge et le nourrit durant quelques temps avant de l’emmener à Locmaria-Berrien pour lui permettre d’intégrer le maquis dans la région de Plonévez-du-Faou et Le Cloître-Pleyben.
Il retrouve son compère André Lagoguet, qui s’est rapproché d’Albert Yvinec de Brest et des quelques hommes qui l’accompagnent. Afin de ratisser plus large, ce groupe se scinde. Yvinec part de son côté avec l’embryon Giloux pour la région de Scrignac. André Lagoguet reste lui sur place et avec les quelques résistants qui l’accompagnent dont Jean Sizorn, prennent le nom de maquis de l’Étoile Rouge. Bien entouré, le petit groupe va prospérer en effectuant quelques actions contre l’occupant dans la région de Plonévez-du-Faou. L’annonce du débarquement en Normandie en juin 1944, favorise également le recrutement. Le groupe se transforme et devient la Compagnie F.T.P Corse. Les armes restent en quantité insuffisante pour un engagement frontal avec l’occupant. Albert Yvinec reprend le contact avec l’unité de Lagoguet en Juillet 1944 pour lui proposer de partager les armes qu’ils attendent d’un parachutage. Ce parachutage sera hélas avorté mais un autre équipera solidement la compagnie et par émulation, donnera naissance à une seconde compagnie nommée France.
Les actions contre les troupes d’occupation augmentent en juillet 1944 et au tout début d’août, les hommes de Lagoguet participent au harcèlement des parachutistes allemands qui se replient sur Brest. Après l’arrivée des blindés américains dans les jours suivants et la libération du secteur, les deux compagnies F.T.P participent au nettoyage de la zone avant de remonter au Nord, vers Landerneau. Une fusion s’opère alors avec les résistants F.T.P originaires de Landerneau, rescapés du Groupe Lambert, ainsi que certains brestois repliés après l’évacuation générale de la mi-août 1944. Ce rassemblement donne naissance au Bataillon F.T.P Georges Le Gall. Jean Sizorn prend la tête de la 4ème Compagnie, réorganise ses effectifs fin août et début septembre 1944 puis participe aux opérations de réduction des poches de Brest, Plougastel et de Crozon.
Après la Libération du secteur, il souscrit un engagement dans l’Armée française et participe à la reconstitution du 19ème Centre d’infanterie divisionnaire (C.I.D 19), comme Lieutenant commandant la 4ème Compagnie André-Garrec. Jean Sizorn épouse Jeanne Travel, rencontrée au maquis en 1944, le 29 mars 1945 à Belle-Isle-en-Terre, avec qui il aura deux enfants, Jean-Pierre en 1945 et Michelle en 1948. Revenu à la vie civile, Jean Sizorn dirigera l’entreprise familiale jusqu’à sa retraite.
Pour son engagement clandestin, Jean Sizorn est cité à l’ordre du Régiment et reçoit la Croix de Guerre 1939-1945, avec palmes et la médaille de la Résistance française. En 1949, il est élevé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur.