HALL Yves

Yves Louis Hall entre comme apprenti ajusteur tourneur à l’arsenal de Brest en 1938. Issu d’une famille modeste, il a une sœur et un frère et réside chez ses parents au 17 rue du Guelmeur. À la déclaration de guerre, il est trop jeune pour être mobilisé, il poursuit son travail à l’arsenal jusqu’au début de l’occupation. Il tente de partir par Le Conquet pour fuir l’arrivée des Allemands mais il loupe de peu le navire. Ne souhaitant pas être à la botte des allemands, il quitte l’arsenal et aide ses parents dans le commerce d’alimentation qu’ils tiennent depuis 1938, au 41 rue Saint-Marc.

En février 1942, Jeanne Bohec, une bonne cliente de ses parents chez qui Yves avait l’habitude de livrer les commissions, lui demande de faire une course à Tréflez. Yves a pour mission de convoyer jusqu’à la ferme de Jean-Louis Pichon, des lettres de parents dont les enfants ont pu passer en Angleterre en 1940. Il recommencera à plusieurs reprises ces expéditions.

Yves Hall

Mon désir était toujours d’aller aussi en Angleterre, du moment que le courrier y allait, il n’y avait pas de raison que je ne puisse y aller moi aussi.

Hélas la réponse est négative, Yves Hall est déçu. Le fermier le rassure et lui dit qu’ici il y aura besoin aussi de volontaires. Yves en fait part à Jeanne Bohec. Plus tard, entre fin 1942 et début 1943, elle lui présente Marcel Dufosset, policier d’état, résistant comme elle et Monsieur Pichon, du réseau Alliance. Yves et le brigadier sympathisent et bientôt le jeune Yves sillonne le Finistère pour servir d’agent de liaison entre Concarneau, Quimper et Brest. Yves ramène à Marcel Dufosset les plans des ouvrages du mur de l’Atlantique relevés par les agents de la police Tréhin et Coic.

Au fil du temps, Marcel Dufosset confie à Yves Hall la mission de faire de même dans le Nord Finistère. Il sillonne alors la côte, jusqu’à Lannion, se faisant passer pour un représentant en assurance en utilisant les papiers de son père.

Un soir, je revenais de la côte à Lannion. Ça faisait trois jours que je courrais la côte, ma serviette d’assurance sur le guidon de mon vélo. J’avais passé deux nuits à la belle étoile. Je voulais rejoindre Brest le lendemain matin et j’avais envie de dormir dans un lit, mais tous les hôtels étaient occupés parles allemands ou complets. Il était déjà plus de 11 heures et le couvre feu était à cette heure là. Tant pis, j’allais retourner sur la campagne pour dormir dans les champs ou un tas de paille quand, dans une rue, je me trouve devant deux feldgendarmes. Il m’était impossible de faire demi tour pour me sauver. Je traversais la rue, mon vélo à la main, et allais à leur rencontre. Je leur expliquais que je faisais des courses pour les assurances et que j’avais fait toute la ville pour chercher un hotel, mais que je ne trouvais rien et ne savais pas où aller dormir. Ils me conduisirent à la feldgendarmerie. J’avais une espèce d’angoisse en pensant qu’ils allaient éplucher mes papiers dans la serviette. J’aurais été bien embarrassé pour leur donner des explications. Ils restèrent un moment parler avec leur chef. Je ne comprenais rien. Quand l’un d’eux me dit de venir avec lui, je ne savais pas encore où il m’emmenait, mais il était seul, et cela me donna confiance. Un moment, j’ai été sur le point de sauter sur mon vélo et de le lâcher, mais je pensais que si je ne prenais pas assez de vitesse au départ, il me rattraperait. Il me conduisit dans un hôtel réquisitionné où l’on me donna une chambre. J’étais le seul français dans cet hôtel à part le personnel. Je le remerciais, et il me souhaita une bonne nuit. Je n’en croyais pas mes yeux.

Le 15 mai 1943, avec Marcel Morvan et Michel Toullec, ils cambriolent la chambre d’un officier de l’organisation Todt. Après vérification que l’individu est absent, la serrure est sautée à coup de pioche et barre à mine. L’équipe fourre tout ce qu’ils trouvent dans une valise et ressortent rapidement. De retour à leur planque, prêtée par Pierre Rivière, ils font l’inventaire de leur butin : uniformes, ravitaillement, un pistolet 7.65 et deux chargeurs qui reviennent à Yves Hall.

Yves Hall continue de servir ainsi le réseau Alliance quelques temps. Il est également contacté en juillet 1943 par Georges Dauriac, par l’intermédiaire de Paul Le Chapelain, qui monte un groupe d’action contre l’occupant. Ce groupe deviendra quelques temps après le groupe Action Directe, corps franc du mouvement de résistance Défense de la France. L’objectif de ce nouveau groupe est de s’armer pour commettre des coups de main contre l’occupant.

Durant l’été, le 15 juillet, c’est le logement d’un officier serbe de l’organisation Todt qui est la cible du groupe. Michel Toullec, Marcel Morvan, Francis Beauvais et Yves Hall se présentent rue de la République. pour délester l’officier des papiers, armes et munitions ainsi que du ravitaillement dont il dispose. Le 2 août dans la rue Bailly, c’est le domicile d’un inspecteur allemand, chef du ravitaillement de la Kriegsmarine, qui reçoit la visite de Francis, Yves Hall et Pierre Rivière. les brestois emportent des armes et uniformes.

Fin septembre, début octobre 1943, Marcel Dufosset vient le voir et lui annonce que le réseau Alliance est en train de tomber. Marcel craint pour sa sécurité et passe des consignes à Yves Hall pour qu’en cas d’arrestations, il puisse récupérer les plans cachés des installations allemandes. Marcel Dufosset lui indique également de se mettre en contact avec Sébastien Bathany, un autre agent de police, faisant également partie du réseau.

Quelques temps après, Yves Hall se présente au commissariat, on lui apprend que Marcel a été arrêté le 3 octobre. Grâce à Sébastien Bathany, Yves Hall récupère près de 3 kilos de plans, il ne sait que faire avec. La filière de Tréflez et Brest est coupée. Yves Hall pense alors emporter lui même en Angleterre les documents. Il cherche un embarquement à Camaret mais un marin-pêcheur lui pose un lapin. Finalement, c’est l’agent Tréhin de Concarneau qui vint à Brest récupérer les documents, au grand soulagement d’Yves.

Totalement coupé d’Alliance, n’étant pas parvenu à deux reprises de rejoindre l’Angleterre, Yves Hall va alors participer à presque toutes les opérations du groupe Action Directe. La montée en puissance est spectaculaire et désormais, ce sont les dépôts allemands et les mairies qui sont visés pour y enlever les tickets d’alimentation au profit de la résistance. Le 15 novembre les bureaux de l’O.B.L Nord rue de la République sont visités, le 20 novembre la mairie de Guilers et le 17 décembre 1943, avec Francis Beauvais et René Le Grill, ils montent à Lesneven en vélo pour voler les tickets d’alimentation. L’opération se déroule sans accroc, les tickets sont enlevés chez le garde-champêtre qui se montre coopératif.

Le groupe n’est pas d’une grande discrétion et les résistants sont repérés et traqués. Ils doivent alors quitter leurs foyers et utiliser des planques. C’est à cette occasion que Yves Hall fera la connaissance de Marie-Anne Stéphan. Le groupe déjà recherché doit se montrer encore plus discret après l’assassinat fortuit d’un membre éminent du Parti Populaire Français (P.P.F) en décembre par Marcel Morvan et Michel Toullec.

En février 1944, il est temps de reprendre les activités avec pas moins de trois opérations : Mairie de Brest, mairie de Saint-Pol-de-Léon et un dépôt allemand à Brest. En mars, une mission périlleuse est confiée par Yves Hall et le groupe Action Directe. Il s’agit de récupérer des armes parachutées en février dans le centre Finistère et de les ramener dans l’arrondissement de Brest. Ces armes doivent servir à l’instruction des groupes de résistance en formation un peu partout dans la région. Il doit aussi servir à muscler l’action du corps franc de Brest pour préparer l’insurrection générale en cas de débarquement.

Si la mission est un succès, à Brest c’est la catastrophe, le lieu de stockage des armes de la rue Victor Hugo est perquisitionné et plusieurs arrestations ébranlent le groupe, dont celles de Marie-Anne Stéphan et sa nièce. La formation se disloque temporairement et se fait oublier de nouveau. Mais l’inaction pèse à Yves Hall et ses camarades. Le 29 mars avec son ami Francis Beauvais ils parviennent à faire évader la nièce de Marie-Anne Stéphan. Le groupe réitère l’opération quelques jours plus tard avec Mme Stéphan mais c’est une souricière tendue par les allemands.

Yves Hall évoque la tentative de libération d’Anne-Marie

Elle est à peine à quinze mètres de moi, elle a le temps de me jeter un regard que j’ai compris. C’est la dernière fois que je la vois, car les allemands ayant compris que leur piège est déjoué, ne la laisseront pas à Saint-Martin, mais nous savons qu’elle a été torturée. Je jure qu’ils vont le payer cher ou ils auront ma peau.

Le groupe est activement traqué mais de nouvelles opérations sont mises au point. La fin avril 1944 sera houleuse. Aux aurores le 26 avril, Yves Hall et le groupe enlèvent 600 kilos de munitions et grenades d’un dépôt allemand à la mairie de Gouesnou. A peine revenus à Brest, Yves Hall et Francis se dirigent au port de commerce, au dépôt pétrolier des usines Jupiter. Grâce aux indications de Georges Hamon, les deux résistants font sauter les cuves, volatilisant plus de 250 000 litres de carburant destiné à l’armée allemande. Le 28 avril à 0h45 un commando de cinq résistants se dirige vers le port pour faire sauter cette fois les grues. Hélas, le groupe rencontre trois agents de police à vélo au niveau de la place de la Liberté. Malgré une discussion appuyée, la situation tourne au vinaigre. Le groupe ouvre alors le feu pour tenter de faire fuir ou neutraliser les policiers. L’un des agents est touché au mollet, ses collègues ripostent. Les trois résistants aux prises avec les agents parviennent à se replier tandis que des marins allemands en patrouille s’ajoutent à la fusillade. Le commando du groupe Action Directe parvient à s’enfuir en empruntant la rue Yves Collet. Dans l’échange de tirs, Yves Hall est blessé par un ricochet de balle, Pierre Rivière est lui touché à l’omoplate et François Laot au talon. Henri Mazéas et Francis Beauvais s’en sortent indemnes.

Le 25 mai 1944 à l’aube, Pierre Beaudoin monte sur Ploudalmézeau avec Yves Hall et y retrouve Pierre Rivière. L’opération consiste cette fois à enlever l’inspecteur Louis Fagon des renseignements généraux de Brest, résidant au bourg de Ploudalmézeau. Ce dernier semble enquêter activement sur les membres du groupe Action Directe, les résistants veulent donc lui mettre un coup de pression. A bord d’une Citroën traction, les trois résistants guettent non loin du domicile. Vers 7h45 l’individu sort de chez lui, il est aussitôt menacé d’une arme avec la consigne de les suivre. Mais l’opération échoue, l’inspecteur crie et parvient à s’enfuir, trop exposés les résistants n’insistent que quelques mètres pour tenter de l’appréhender avant de rebrousser chemin et regagner Brest en voiture.

Quelques jours plus tard, de nouvelles arrestations touchent encore le groupe. Le débarquement en Normandie donne un signal fort à la résistance. Des consignes sont données un peu partout pour se préparer à l’insurrection. Il est désormais temps de donner le coup de grâce aux collaborateurs et leur rendre coup pour coup. Le 16 juin, Yves Hall abat dans la rue du Télégraphe le collaborateur Marcel Dimech. Le 27 juin, le groupe prend d’assaut le commissariat de Saint-Martin pour faire évader les membres féminines retenues en attente de leur procès. Le 28 juin c’est un colonel allemand qui est visé par un cambriolage dans la rue Félix Le Dantec. Le 29 Yves Hall et son groupe traquent et abattent deux collaborateurs dans un café de la rue de la Mairie (rue de Lyon désormais).

Le 5 juillet les résistants tendent une souricière à l’interprète alsacien de l’Aussenkommando de Bonne-Nouvelle, Julien Origas. L’opération est un fiasco. Une fusillade éclate, plusieurs résistants sont blessés et le groupe doit se replier dans une cache de la rue Arago, chez Thérèse Coatéval. Hélas, les allemands suivent les traces de sang et remontent la piste. L’opération coûte la vie à deux résistants : Guy Van de Weghe et Georges Hamon. Dans l’après-midi, le groupe a l’opportunité d’enlever un autre agent de l’Aussenkommando. La fille est malmenée mais non torturée, pour obtenir de précieuses informations. Mais le groupe est désormais entièrement grillé et activement pourchassé. Les résistants se terrent quelques jours puis le 15 juillet ils évacuent la ville en direction d’un maquis de la région de Saint-Thois.

Yves Hall décrit leur départ de Brest
Pour ma part, c’est dans l’après-midi avec Jean Riou. Nous avons juste un sac à dos et quelques affaires. En descendant la route de Quimper, une traction nous croise et s’arrête derrière nous : c’est encore la gestapo. Nous plongeons la main dans la poche. La voiture redémarre en trombe ; nous avons eu le temps de reconnaître à l’arrière Alice David, une des principales collaboratrices de la gestapo. Nous retournons à Saint-Marc. Ce n’est plus la peine de partir aujourd’hui, nous avons eu chaud, même pas une arme sur nous mais, le lendemain, quand nous avons remis le départ, j’embarque mon lüger, tant pis pour les ordres.

Parvenu dans le centre Finistère, ils intègrent alors le 2ème Bataillon Stalingrad. A l’arrivée des américains, la plupart du groupe remonte sur Brest pour participer aux combats dans les environs de Plabennec et Gouesnou. Yves Hall se bat encore avec son groupe et subit de nouvelles pertes ; Ghislain Gyssels est tué ainsi que trois blessés. Yves Hall poursuit son action jusqu’à la fin du siège de Brest puis en presqu’île de Crozon au sein d’une unité américaine. Avec cette unité, il traversera la France pour se battre au Luxembourg et en Allemagne.

Yves Hall reviendra à Brest et y restera jusqu’à sa mort en 1975. Il se n’est jamais marié et n’a pas eu de descendance. Lors du 40 anniversaire de la libération, la ville lui rendra hommage en donnant son nom à une rue le 15 septembre 1984.

La sépulture de Yves Hall se trouve dans le cimetière de Saint-Pierre à Brest [Carré 02NC, Rang 1, Tombe 6]

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Commémoration d’après guerre
Date et lieu de cette cérémonie à définir. Possiblement prise à l’inauguration de la stèle des F.F.I de Tréouergat.
Crédit photo : Famille Faucher
Inauguration de la rue Yves Hall - 15 septembre 1984
Crédits photos : Archives de Brest
Article sur l’évasion de Noélie Jaouen
La Dépêche de Brest
Sabotage du dépôt pétrolier Jupiter le 26 avril 1944
Photo conservée aux Archives de Brest - Fond 51 S
Repas de l’Amicale de Défense de la France à Brest (26/01/75)

Sources - Liens

  • HALL Yves, témoignage manuscrit, non daté, recueilli par Roger Pétron.
  • Archives municipales de Brest, registre d’état civil (1E269).
  • Archives départementales du Finistère, dossier de combattant volontaire de la résistance (1622 W 10).
  • Archives municipales de Brest, fonds Défense de la France (51S).
  • DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994.
  • Brest métropole, service des cimetières - sépulture d’Yves Hall.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier d’homologation des faits de résistance (GR 16 P 283828) - Non consulté à ce jour.

Remerciement à Françoise Omnes pour la relecture.