Joseph Garion s’engage volontairement dans l’armée en 1908. Il combat lors de la première guerre mondiale et monte en grade rapidement grâce à ses actions de bravoure. Alors qu’il est sous-lieutenant, il est cité à l’ordre de l’Armée en 1917, obtenant la Croix de Guerre 1914-1918. Durant l’une de ses permissions, il épouse Jeanne Le Foll, le 5 juillet 1917 à Brest et de cette union naît leur fille Josette (1919-2008). Joseph Garion termine la guerre avec le grade de Capitaine, pas moins de cinq citations et se voit nommé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur en 1920. Avec sa famille, il réside au 108 rue Jean-Jaurès à Brest.
Il ne tarde pas à débuter une carrière d’avoué et se voit nommé auprès du tribunal de première instance de Brest en 1925. Son étude se situe au 12 rue de la Mairie. En 1939, il est mobilisé et repart sur le front belge à la tête d’une compagnie. Lors de sa démobilisation, en octobre 1941, il semble avoir eu des démêlés avec Vichy, l’obligeant à se faire discret. Il aurait également tenté un départ pour l’Angleterre, en vain.
Bien que cela ne soit pas clairement établi, Joseph Garion a très certainement été recruté dans la résistance par Henri Provostic, notaire à Ploudalmézeau. Joseph Garion prend dès lors comme pseudonyme Somme-Py, du nom d’une bataille auquel il a participé au dernier conflit mondial. Le notaire connaissant les qualités militaires de l’avoué brestois, il veut en faire son chef militaire pour le canton de Ploudalmézeau. L’intéressé accepte mais ne peut s’installer à Ploudalmézeau tout de suite, maintenu à Brest par ses affaires. Chose non problématique dans la mesure où l’action ne peut être envisagée qu’au moment de l’insurrection. Joseph Garion participe alors à l’organisation clandestine et recrute comme agente de liaison Jeanne Raould à Brest, entre mai et juin 1943.
Le 11 octobre 1943, le jeune Pierre Bernard [1] le rencontre à Brest. Garion accepte que son étude devienne une boîte aux lettres pour le mouvement. Il devient dès lors une des plaques tournantes de la résistance brestoise.
Dans le cadre d’une organisation para-militaire territorial, Garion, qui doit prendre fonction à Ploudalmézeau, rencontre le chanoine Marcel Kerbrat, chef d’état-major du mouvement Défense de la France du Finistère. Cette rencontre se déroule en automne 1943 alors que le chanoine rencontre les futurs chefs militaires de Lannilis, Guissény, et Lesneven.
Le 22 ou 23 décembre 1943, se déroule à Brest une rencontre clé entre les principaux dirigeants des mouvements de résistance Libération-Nord et Défense de la France pour sceller l’organisation de l’Armée Secrète (A.S) dans le Finistère. Dans l’attente de prendre sa fonction à Ploudalmézeau, Joseph Garion remplace provisoirement le chanoine Marcel Kerbrat, à la tête du secteur de Brest.
L’avoué reçoit et centralise des informations dont il fait profiter les réseaux en relation avec les F.F.I, notamment à partir de fin avril-début mai 1944 grâce à des informations transmises par Jean Le Gall de Lanildut. À 14 heures le 10 mai 1944, une réunion de l’état-major de l’arrondissement de Brest se déroule à l’étude de Garion en présence de Paul Fonferrier, Henri Provostic, Pierre Beaudoin, François Broc’h et Marcel Pirou. Quelques jours plus tard, François Broc’h vient lui annoncer l’arrestation de Pierre Bernard à Rennes au début mai 1944.
Fin mai 1944, une vague d’arrestations touche la résistance de l’arrondissement de Brest. Joseph Garion rencontre le 1er juin 1944 François Broc’h qui revient de Paris après avoir rétabli les contacts suite à d’autres arrestations sur Rennes. André Daveau est également présent et se voit confié par Garion la mission, avec François Broc’h, de tenter de renouer les contacts avec tous les groupes de résistants du pays de Brest. Cette même journée, André Daveau conduit en voiture Joseph Garion et Marcel Pirou, dit Deumars, en sécurité à Pont-de-Buis. Le cinq juin, Garion est en déplacement à Landivisiau, il y rencontre un nommé Le Pape qui joue un rôle important dans la résistance locale. Le débarquement en Normandie, le lendemain, pousse les deux chefs de la résistance de Brest à retourner en ville. Il faut préparer l’insurrection des Forces Françaises de l’Intérieur.
Après les nombreuses arrestations, tout l’organigramme de l’état-major F.F.I est à réorganiser. Le 7 juin, sur désignation de Mathieu Donnart Joseph Garion est promu Chef de Bataillon. En outre, il n’est plus question qu’il devienne le chef d’état-major F.F.I de Ploudalmézeau, il est promu Responsable de l’arrondissement F.F.I de Brest, confirmant sa fonction clandestine de ces derniers mois. Dès lors, et malgré la traque des allemands à son encontre, il met tout en oeuvre pour réorganiser les unités militaires de l’arrondissement. L’infériorité numérique et le manque cruel d’armement empêchent un soulèvement insurrectionnel. A défaut, les F.F.I s’organisent afin d’être prêts à entrer en action dès que les troupes des Alliés entreront dans l’arrondissement. Le 20 juin, nouveau coup dur pour la résistance brestoise, le chef du sous-arrondissement urbain des F.F.I, Edouard Riban, est arrêté pour la seconde fois. Trop exposé, Joseph Garion décide de le remplacer et propose son poste à Pierre Beaudoin mais ce dernier refuse. Le poste revient dès lors au capitaine Jacques Pouille.
Le problème des armes est en passe d’être réglé, le responsable départemental Mathieu Donnart fait savoir à Joseph Garion, par une lettre datée du 26 juin, qu’il est en contact avec le Morbihan pour organiser des parachutages. Au cours de cette opération, il sera arrêté, plongeant à nouveau l’organisation de la résistance dans la pénombre.
L’arrestation de Mathieu Donnart fin juin 1944 pousse Paul Jacopin à organiser une réunion à Lesneven où sont présents le Commandant Garion, François Broc’h, Francis Nédélec, Pierre Nicolas, Augustin Salou, Jean Larvor et Yves Quéré. Il est décidé lors de cette réunion clandestine que Pierre Nicolas devient le responsable cantonal de la Résistance du canton de Lesneven et qu’il mènera la Compagnie F.F.I de Lesneven au combat. La Compagnie F.F.I de Ploudaniel revient à Augustin Salou.
Le 8 juillet 1944, Garion fait enlever par des membres d’un corps-franc, un usurpateur se faisant passer pour le chef de la résistance. L’homme est amené à Guipavas et se fait recadrer. Passé ce menu fretin [2] Garion doit s’occuper urgemment de l’armement de ses troupes. Il attend une équipe de la mission Jedburgh (team Horace) pour la nuit du 17 juillet à Saint-Frégant. Le parachutage ayant fortement dévié, un temps précieux est perdu et il faut attendre plusieurs jours pour que Joseph Garion puisse enfin nouer le contact avec ces agents le 26 juillet. Le lendemain, l’opérateur radio de la mission transmet le message suivant :
Le leader de Brest (ndr : Somme-Py) nous dit qu’il peut prendre Brest et sécuriser les installations portuaires s’il obtient des armes.
Il y aura bien des parachutages dans la nuit du 2 au 3 août, mais seulement sur quatre terrains, au nord de l’arrondissement, au lieu des dix initialement demandés. De surcroît, la quantité d’armes parachutées est bien faible, ne permettant d’équiper qu’environ 1 500 hommes. A cette date, au moins le double de F.F.I étaient sous les ordres de Joseph Garion dans l’arrondissement. Le 5 août 1944, l’importante réunion de coordination des principaux chefs de la résistance de l’agglomération brestoise se déroule à Gouesnou. L’ordre d’entrer en action directe à compter de ce jour est donné par Joseph Garion. Les américains sont en route vers Brest, l’insurrection doit être déclenchée à compter de ce jour pour faciliter l’avancée Alliés. Des affiches signées Somme-Py, sont placardées à Brest, déclarant l’état de siège (voir portfolio ci-dessous).
Tant bien que mal, Joseph Garion mène sa mission au bout, faisant activement participer à la libération du territoire les unités combattantes F.F.I. Après les libérations de leurs cantons, du Nord, les unités seront principalement employées dans la poche du Conquet en première et seconde ligne sur le secteur Guipavas/Plougastel. Une partie de l’effectif sera ensuite dirigée sur la poche de Crozon et menée au combat par Garion lui même. Peu d’éléments participeront à la prise concrète de la ville de Brest.
Pour son action clandestine, il reçoit la médaille de la Résistance en 1946 et se voit élevé au rang d’Officier de la Légion d’honneur avec une nouvelle Croix de Guerre 1939-1945. Peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, une maladie l’emporte.
La sépulture de Joseph Garion se trouve dans le cimetière de Saint-Marc à Brest [Carré 23, Rang 12, Tombe 21]
En 1961, la ville de Brest lui rend hommage en donnant son nom de guerre à une rue de Brest ; rue du Commandant Somme Py près de Kerichen.