BROC’H François

Jean François (prénom usuel) Marie Broc’h est originaire du village de Croas ar Gall. Il fait des études à l’école primaire de Skol an Aod à Guissény, puis au collège Saint-François de Lesneven. Chrétien pratiquant, organiste à Guissény, il entre au petite séminaire avant de changer de voie. Son frère est prêtre et économe de l’école professionnelle de Guissény tandis que sa sœur tient un café - épicerie au village de Brendaouez. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, François Broc’h est mobilisé comme élève-aspirant au 318ème Régiment d’artillerie lourde tractée (318e R.A.L.T).

François Broc’h est réformé temporaire au début 1940 suite à un accident survenu à Bordeaux. Il est mis en convalescence à Guissény avant d’être reconnu apte à réintégrer les rangs le 12 mai 1940. Il attend chez lui son ordre de rappel qui tarde à venir. Convoqué à Bordeaux le 22 juin 1940, il ne peut s’y rendre par suite de l’arrivée des troupes allemandes dans la région brestoise. Convoqué le 23 ou 24 juin 1940 à la caserne du Château de Brest pour régulariser sa situation [1], le guissénien ne s’y rend pas.

Il vient néanmoins à Brest en septembre 1940 pour obtenir du bureau de recrutement, un certificat attestant sa situation militaire régulière. Ceci afin de pouvoir passer le concours d’adjoint technique des Ponts et Chaussées. C’est lors de ce court séjour à Brest qu’il retrouve une connaissance, Georges Bernard, qui œuvre déjà au sein du Groupe Élie. Ce dernier après quelques échanges, parvient à convaincre François Broc’h d’entrer en résistance contre l’occupant.

Les deux hommes se revoient après les fêtes de la Toussaint, il est alors demandé au guissénien de renseigner le groupe sur l’état d’esprit de la population et les activités allemandes dans la région comprise entre Lannilis et Saint-Pol-de-Léon. Fin février 1941, lors d’un rendez-vous à Brest avec Georges Bernard, il apprend que le Groupe Élie a désormais un contact avec Londres [2]. Son ami brestois lui demande également d’essayer de falsifier des papiers. François Broc’h pense d’abord se rapprocher du secrétaire de mairie de sa commune pour cette tâche, mais timide, il hésite à plusieurs reprises.

En mai 1941, il a l’opportunité de se faire embaucher par la mairie de Guissény en raison de la charge supplémentaire de travail qu’impose l’occupant. Le 19 juin 1941, alors qu’il a rendez-vous à Brest avec Georges Bernard, il apprend l’arrestation de ce dernier, le coupant ainsi du Groupe Élie. Poursuivant son emploi, il y fait la connaissance d’une dactylo, Bernadette Quillévéré (1922-2007), qu’il épouse le 18 novembre 1941 à Guissény.

En juillet 1942, l’abbé Lespagnol [3] lui demande une fausse pièce d’identité pour un jeune homme de Brest qui se trouve dans le besoin. Le faussaire amateur accepte et débute ainsi une longue série. En janvier 1943, il ajoute à sa lutte individuelle contre l’Occupant, le détournement de tickets d’alimentation. À la fin de ce même mois, il est approché par l’abbé René Ramon (1911-2001) pour obtenir des tickets d’alimentation. Ce dernier, mis au parfum par l’abbé Lespagnol, cherche à améliorer le quotidien de ses pensionnaires, dans lesquels figurent des personnes ayant refusé la conscription obligatoire mise en place à l’automne 1942. François Broc’h lui vient en aide, en retour, l’ecclésiastique lui donne le cachet de la mairie de Kerlouan [4].

Le 30 mai 1943, il se rend auprès du Dr Jaouen de Kerlouan, qu’il sait être patriote. François Broc’h espère trouver par son intermédiaire, une organisation active dans la Résistance. Mis en relation avec son fils Hervé Jaouen [5], ils se rendent à Brest le 7 juin 1943 pour rencontrer Suzanne Chevillard. Absente, ils sont cependant dirigés vers la biscuiterie du 3 rue Volney où ils rencontrent Georges Lacroix, œuvrant pour le réseau Alliance. Ce contact n’aboutit à rien de concret pour François Broc’h, excepté le fait d’être à nouveau en lien avec la Résistance. Deux jours plus tard, nouvelle rencontre, cette fois le biscuitier est plus enclin à recruter le secrétaire de mairie de Guissény. François Broc’h n’est pas considéré comme un agent à part entière du réseau Alliance, il fait partie des patriotes qui gravitent autour de la structure clandestine, rendant ici et là des services.

Les 13 et 14 juillet 1943, François Broc’h reçoit à son bureau de Guissény, la visite de son cousin Ambroise Beyer. Ce dernier introduit Pierre Bernard et Jean Senellier, étudiants requis dans le cadre du S.T.O, cherchant à obtenir de fausses pièces d’identité. Outre ces aspects, ils sont également membres du mouvement Défense de la France (D.F) et proposent au guissénien d’en être également. François Broc’h accepte la proposition, il est alors chargé de développer la structure dans son secteur, notamment par la diffusion du journal du mouvement. Tâche qu’il accomplit avec l’aide de Pierre Bernard dans la région de Guissény-Plouescat en août 1943. Il noue ou renoue plusieurs contacts, notamment avec Joseph Barach qu’il recrute pour servir de chef militaire dans la région de Guissény-Plouescat.

Le 30 août 1943, Pierre Bernard et François Broc’h se rendent à Lesneven pour y rencontrer Alice Coudol dont ils ont eu le contact par Paul Masson à Brest quelques jours plus tôt. La jeune foraine est déjà bien active et dispose depuis avril 1943, de nombreuses relations clandestines dans le Nord Finistère mais également à Brest. Déjà à cette époque, des recrutements assez conséquents s’opéraient par les membres de ses groupements, pour former les prémices d’unités combattantes. L’heure n’était cependant pas à la lutte armée et il s’agissait plus d’inscriptions théoriques que d’actions réelles. Alice Coudol consent néanmoins à allier ses troupes théoriques au mouvement D.F.

En septembre 1943, Pierre Bernard et François Broc’h décident de créer un petit journal local de propagande gaulliste. Ils sont aidés par l’abbé René Ramon qui fournit sa machine à écrire pour rédiger les stencils et Sœur Marie de l’Assomption qui fournit une ronéotypeuse pour la duplication de ce tract-journal répondant au nom du Patriote. Fin septembre 1943, François Broc’h apprend l’arrestation de Jean Senellier mais aussi celle de Georges Lacroix. Il fait alors prendre en charge Pierre Bernard par Henri Launois, directeur de l’aérium de Saint-Frégant. Dans les jours qui suivent, la branche brestoise du réseau Alliance est totalement démantelée.

Le 4 octobre 1943, François Broc’h rétablit le lien avec le groupe de résistants de Lesneven, par l’intermédiaire d’André Berder et Jean Cadiou, alors réfugiés chez son oncle Guillaume Broc’h. Il est alors confié la succession de la zone de Lesneven à Henriette Berder, mère d’André, déjà pleinement investie dans la lutte clandestine. Grâce à cette dernière, Défense de la France arrive à maintenir une structure organisée dans le Nord Finistère. Le 7 octobre, il se rend au débotté à Lannilis pour tenter de renouer là encore le lien avec le groupe fondé par Alice Coudol. Malgré le fait qu’il ignore l’identité du responsable local, il parvient par hasard à son but en s’ouvrant au gendarme Jean Derrien, qui se trouve être la personne qu’il recherche. Forts de ce ralliement ; Broc’h et Bernard se rendent le 10 octobre 1943 à Ploudalmézeau. Ils y rencontrent Gaston Boursier, Joseph Grannec et le notaire Henri Provostic qui malgré leur méfiance, acceptent de se joindre au mouvement.

Dans la seconde partie de ce mois, il aurait rencontré Mathieu Donnart de Libération Nord (L.N) ainsi qu’Albert Lazou et Adolphe Golhen du réseau Confrérie Notre-Dame. Le 22 octobre, François Broc’h approche le chanoine Marcel Kerbrat, chef de bataillon de réserve en retraite à Lesneven, pour lui proposer de devenir le responsable militaire du mouvement Défense de la France. En novembre et décembre 1943, il donne un coup de main à l’évacuation maritime d’aviateurs par le réseau Jade sur la côte nord. À cette même période il entre en relation avec le groupe de Paul Moguérou à Saint-Pol-de-Léon.

La fin de l’année 1943 voit le rapprochement concret entre Libération Nord (L.N) et Défense de la France (D.F), dotant ainsi le Finistère d’une ossature d’Armée Secrète. Dans la première semaine de janvier 1944, François Broc’h, désormais affecté au service de renseignement - futur 2ème Bureau, adresse une circulaire questionnaire à toutes les formations du secteur pour connaître l’importance des forces ennemies dans les cantons.

Le 9 mars 1944, François Broc’h et Pierre Bernard sont au point de rendez-vous à Saint-Frégant pour réceptionner et dissimuler un stock d’armes. Celui-ci est convoyé par camion grâce au chauffeur Paul Chamaret, le gendarme Jean-François Derrien, Yves Hall, Georges Dauriac et Francis Beauvais. Les armes sont finalement déposées à Brendaouez en Guissény, chez la sœur de François Broc’h, gérante d’un café-épicerie. Le triage et la répartition des armes sont faits dans la nuit, avec le renfort de Joseph Barach et du père de François Broc’h. Dans la nuit du 11 au 12 mars, Joseph Barach, Pierre Bernard et François Broc’h quittent leurs domiciles avec les archives compromettantes et se mettent au vert à Brendaouez après une suspicion de traque par les allemands.

Celle-ci pousse François Broc’h à prendre des mesures de sauvegarde et à démissionner de son poste à la mairie de Guissény, le 12 mars 1944. Avant de partir, il recommande au maire d’embaucher à sa place Sezny Gac. Ce départ met fin à l’activité de faussaire de François Broc’h. Il revendique alors avoir réalisé 9872 fausses pièces d’identité depuis ses débuts. Ce chiffre est à prendre avec des pincettes tant il paraît extravagant et impossible à réaliser [6]. Ce même mois, c’est la fin du journal clandestin local Le Patriote.

Retiré à Brendaouez, il reçoit fin mars ou début avril 1944 [7], la visite de l’abbé Lespagnol et de Francis Ricou qui lui confirment être sous la menace d’une arrestation. L’information provient d’Hippolyte Kerdraon. Dans cette même période, Georges Dauriac lui adresse les résistants Francis Beauvais, Claude Gandin, Guy Hennebaut et Jean Morvan pour leur procurer de faux papiers et un refuge suite à des arrestations à Brest.

Le 2 avril 1944, les allemands sont sur sa trace et perquisitionnent son domicile. François Broc’h n’est pas inquiété mais décide de changer de cachette une nouvelle fois. Il s’installe un temps à Trégarantec avant de poser ses valises chez un cousin, à Berven en Plouzévédé. Ce même mois, il indique à André Pichard de se mettre en relation avec le gendarme Jean-François Derrien pour obtenir les informations qu’il cherche sur les navires allemands mouillant à l’Aber-Wrach. Le 18 avril 1944, il se rend à Saint-Pol-de-Léon et apprend par le vicaire Baptiste Egaret, l’arrestation d’Yves Simon, Moguérou et Joseph Le Moign. Le 22 avril 1944, une rafle se déroule à Guissény par les allemands qui cherchent à mettre la main sur Joseph Barach et François Broc’h. Le 27 avril 1944, François Broc’h se trouve à Berven, où il cherche à dénicher une maison qui doit servir de planque pour Paul Fonferrier. Il trouve satisfaction auprès de madame Du Penhoat au château de Tronjoly en Cléder.

D’aprés ses souvenirs le 3 mai 1944, mais plus certainement le 10 mai 1944, François Broc’h assiste à une réunion de la résistance à Brest, en l’étude de Joseph Garion. Sont présents également Paul Fonferrier, Henri Provostic, Pierre Beaudoin et Marcel Pirou. Le soir il rentre au manoir de Penmarc’h à Saint-Frégant et se rend auprès de Joseph Barach et Jean Derrien qui s’y cachent. Quelques jours plus tard, François Broc’h se rend à Brest pour rencontrer Adolphe Golhen dans l’espoir que ce dernier puisse l’informer de ce qu’est devenu Pierre Bernard, porté absent depuis quelques jours. Après quelques coups de fils, Adolphe Golhen lui apprend que Pierre Bernard a été arrêté le 5 mai 1944 à Rennes. François Broc’h prévient également Joseph Garion et Paul Fonferrier de cette triste nouvelle.

Suite aux arrestations de Rennes, François Broc’h est envoyé sur Paris, accompagné d’un agent du réseau C.N.D-Castille pour rétablir des liaisons avec les hautes instances. Ce voyage dure plusieurs jours, le temps de renouer les contacts. Il indique y avoir rencontré au moment de la Pentecôte ; Jean-François Clouët des Pesruches puis Valentin Abeille, en charge de la Région militaire M (Normandie, Bretagne, Anjou) pour le compte du B.C.R.A. Ceci est mis en doute par Patrick Veyret, historien ayant étudié avec attention le Bureau des opérations aériennes (B.O.A) dont Clouët des Pesruches était le chef pour la région M.

De retour dans la région brestoise au début juin 1944, François Broc’h apprend les arrestations de nombreux résistants par l’intermédiaire de Joseph Garion. Il faut à nouveau rétablir les liaisons entre les différents résistants des cantons de l’arrondissement de Brest. François Broc’h s’en charge avec l’aide d’André Daveau qui lui sert de chauffeur. Ils se rendent à Guipavas, Gouesnou, Lesneven, Saint-Frégant, Ploudalmézeau, Brest et Landivisiau.

Juste après le débarquement de Normandie, François Broc’h tente de renouer les liens avec Mathieu Donnart dont il est sans nouvelle depuis plus d’un mois. Durant la première quinzaine du moins de juin 1944, François Broc’h effectue surtout des liaisons pour le compte de l’État-Major des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I) de Brest. Avec les différents responsables F.F.I de l’arrondissement, il prend part aux préparatifs en prévision de l’insurrection. François Broc’h est gravement blessé lors d’un accident de moto le 27 août 1944 à Ploumoguer, lui provoquant une double fracture de la jambe gauche et une de la main gauche. Mis au repos. Évacué sur Lesneven, il y reçoit des soins avant d’être transféré à Landerneau où il reste en convalescence jusqu’en janvier 1945.

En 1949, il publie aux éditions Le Télégramme, l’ouvrage J’avais des camarades, relatant son parcours durant la guerre. Ce livre fait partie des premiers du genre à évoquer l’action clandestine dans le pays de Brest. Bien que très détaillé et citant un grand nombre de résistants et d’actions, des erreurs temporelles et des exagérations sont commises par l’auteur. L’ouvrage, bien que rentré dans l’historiographie de la Résistance, doit être lu avec un certain recul.

Après guerre, il tient un café rue Kérivin à Brest, avant de se former sur Paris pour devenir comptable. François Broc’h s’installe un temps à Quimper puis s’établit dans les Pyrénées. Expert-comptable à Clermont-Ferrand, il passe aussi par Le Mans avant de s’établir à Tours pour sa retraite.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

J’avais des camarades..., par François Broc’h (1949)

Sources - Liens

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.

Notes

[1Les soldats qui s’y rendront seront faits prisonniers puis dirigés sur l’Allemagne pour être internés en Stalag.

[2Le contact est noué entre René Drouin et Gilbert Renault (C.N.D), en novembre 1940.

[3(1889-1957) Vétéran de 14/18, ancien officier et vicaire des Carmes à Brest. Nouveau recteur de la paroisse de Guissény au printemps 1942.

[4Qu’il avait dérobé pour falsifier les papiers de ces pensionnaires clandestins

[5(1923-1986) Entré à l’École navale en 1942 à Toulon, il rallie l’Afrique du Nord où il intègre l’École navale de Casablanca. Hervé Jaouen finira sa carrière au grade d’Amiral.

[6Cela ferait 16 fausses cartes par jour, sans interruption...

[7Dans ses mémoires il note la date du 16 mars mais cela semble impossible compte tenu de la chronologie des faits.