PIROU Marcel

Marcel Pirou est le fils d’une cigarière et d’un cordonnier. Des neuf enfants de la famille, sept décèderont prématurément. En 1915, le jeune Marcel Pirou a également la douleur de perdre sa mère. Dans les années 1920, il réside à Brest au 14 rue Neuve et bénéficie du statut de pensionné de la Marine. Marcel Pirou épouse Anne-Marie Nellonéo (1911-1980), le 12 septembre 1928 en mairie annexe de Recouvrance à Brest. Le couple s’installe alors au 28 rue de la Fontaine (près de la belle famille, sise au n°1) et donne bientôt naissance à leur fils unique, lui aussi prénommé Marcel (1934-2001). Outre son activité de président des syndicats des locataires, il siège au tribunal des pensions de Brest. Marcel Pirou est de surcroît très engagé dans son quartier de Recouvrance, sur le plan sportif avec le patronage laïque et l’Association sportive brestoise (A.S.B) mais également en tant que président du comité des fêtes dans les années 1930. À cette même période, la famille déménage au 73 rue Vauban, toujours à Recouvrance.

À la déclaration de la Seconde Guerre mondiale en 1939, Marcel Pirou n’est pas mobilisé de par son statut de réformé définitif. Il reste à Brest où il poursuit ses activités malgré l’arrivée des troupes allemandes et le début de l’occupation. En 1942, il est le secrétaire adjoint du conseil de direction de l’Office des sports de la ville de Brest, représentant la société des patronages laïques municipaux en tant que président de la section sportive. Enfin, Marcel Pirou s’active également à cette période comme vice-président du comité régional de Bretagne de l’Union sportive et gymnique du Travail (U.S.G.T). En 1944, il officie en tant que chef du 2ème secteur (Recouvrance) de la Défense passive (D.P) de Brest.

Ses débuts dans la lutte clandestine contre l’occupant restent méconnus à ce jour. Plusieurs témoignages laissent à entendre que Marcel Pirou serait entré en Résistance en mars 1942. Les motifs de son engagement ne sont pas connus tout comme nous ignorons l’organisation clandestine à laquelle il s’était affilié. Il est d’ailleurs souvent désigné comme le chef du Groupe Deumars - laissant à penser qu’il s’agissait d’un groupe autonome fondé par lui-même - ou comme le chef du Groupement de Brest-Ouest des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I). Ce dernier étant bien sous son commandement, mais seulement à compter de l’année 1944, il y a donc anticipation à évoquer ce groupement F.F.I comme actif en 1942.

Il dégage également de ce personnage de la vie publique de Recouvrance, comme une impression d’entre-deux ; une sorte de passerelle entre les mouvements communistes P.C.F & F.T.P) et gaullistes de l’Armée secrète (A.S) & Défense de la France (D.F). Cela peut s’expliquer par sa position sociale assez centrale dans son quartier, l’amenant à côtoyer les autorités et fonctionnaires tout comme il fréquente les milieux populaires de Recouvrance et de l’arsenal. Pour le mouvement D.F, Marcel Pirou a d’abord appartenu aux F.T.P en 1942, avant de devenir l’un des leurs en 1943. Pour autant, dans ses ouvrages listant les membres et sympathisants des milieux communistes brestois, l’auteur Eugène Kerbaul n’évoque jamais Marcel Pirou comme l’un des leurs.

Dans ce brouillard historique, il faut aussi garder à l’esprit que la mémoire de Marcel Pirou a pu être instrumentalisée dans les datations de son entrée en Résistance. Une datation plus précoce pouvant bénéficier à certains anciens résistants, afin d’allonger fictivement la durée de leurs luttes clandestines pour renforcer leurs dossiers devant être soumis à des commissions d’homologations après guerre.

Outre ces problèmes de datation et d’affiliation, les actions clandestines de Marcel Pirou sont également nébuleuses. On lui prête l’organisation de destructions de matériels à l’arsenal ainsi que des coups de mains (sans précision de date). Il semble bénéficier de renseignements d’ordre militaire à compter du printemps 1942, grâce au Groupe Maudire de l’arsenal, mais sans que l’on sache à qui ses informations sont transmises. Vers mai 1942, Marcel Pirou semble également recevoir des renseignements par Jean Goalès, lui aussi membre du comité des fêtes de Recouvrance dans les années 1930.

Marcel Pirou recrute au fil du temps des patriotes dans son quartier de Recouvrance puis à Saint-Pierre-Quilbignon. Par son énergique investissement dans la clandestinité, il s’impose légitimement comme chef de la résistance à Recouvrance. Parmi ses recrues, citons le gendarme Jean Coriou en octobre 1943.

Dans le second semestre de l’année 1943, il se met en coopération avec le mouvement Défense de la France (D.F). À noël 1943, une réunion se tient à Brest entre les mouvements (D.F) et Libération-Nord qui s’accordent à œuvrer de concert contre l’occupant. C’est la naissance de l’Armée Secrète pour le Finistère et la création du premier état-major départemental. Brest devient l’un des cinq arrondissements du département, sous le commandement d’Edouard Riban.

Dans cette hiérarchie militaire naissante, découpant l’arrondissement de Brest en cantons, Marcel Pirou est conforté à son poste de chef du canton Brest Ouest. Outre son fief de Recouvrance, plus une partie du centre ville de Brest, sa zone d’influence comprend Saint-Pierre-Quilbignon, une partie de Lambézellec et les communes le long du littoral, de Plouzané au Conquet. L’objectif est d’élargir le recrutement, former les volontaires et tempérer les initiatives.

Début 1944, Edmond Calvès rencontre Marcel Pirou. Ce dernier lui propose d’intégrer son groupe mais Edmond Calvès décline en expliquant être déjà fort occupé avec un réseau. Les deux hommes restent néanmoins en contact.

À 14 heures le 10 mai 1944, une réunion de l’État-major des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I) de l’arrondissement de Brest se déroule à l’étude de Joseph Garion en présence de Paul Fonferrier, Henri Provostic, Pierre Beaudoin, François Broc’h et Marcel Pirou.

Le 1er juin 1944, André Daveau conduit en voiture Joseph Garion et Marcel Pirou en sécurité à Pont-de-Buis. Cette mesure préventive fait suite à la vague d’arrestations qui ébranle la Résistance du Nord Finistère. Dès le 4 juin, Marcel Pirou semble de retour à Brest. Il reçoit la visite de François Broc’h qui l’informe que pour toucher l’État-major F.F.I de Brest, il faudra passer par l’agente de liaison Jeanne Raould.

Le 7 juin 1944, suite au débarquement en Normandie et l’arrestation du chef d’état-major départemental des F.F.I, des réorganisations majeures sont apportées par Mathieu Donnart. Le capitaine Joseph Garion est promu Chef de bataillon et reçoit le commandement des F.F.I des deux arrondissements de Brest (Urbain & rural). Jacques Pouille devient le responsable de Brest urbain suite à l’arrestation d’Edouard Riban, et prend comme responsables militaires les deux sous-arrondissements :

  • Canton Brest Est (dit Bataillon Georges Bernard ) - Commandé par Alexandre Morillon
  • Canton Brest Ouest (dit Bataillon Marcel Boucher ) - Commandé par Marcel Pirou

Au début du mois de juin 1944, Sébastien Ségalen est pressenti par Marcel Pirou, pour prendre le poste de chef communal de Saint-Pierre-Quilbignon pour les F.F.I, supplantant ainsi Pierre Hall qui occupait jusqu’alors la fonction.

Toutes les 48 heures, un compte rendu est fait par Marcel Pirou à sa hiérarchie, qui depuis son nouveau poste de commandement établi chez madame Gourmelon (pas très loin de chez lui), est en étroite relation avec l’État-major F.F.I de Brest grâce à sa femme et Jeanne Raould qui servent d’agentes de liaisons. Les F.F.I, qui s’activent depuis plusieurs mois, entrent dans la partie la plus sensible des préparatifs. Marcel Pirou doit poursuivre les efforts de recrutement, d’organisation de son bataillon en tenant compte d’un manque d’armes évident et d’une excitation des F.F.I qui ne demandent qu’à passer à l’action.

Dans son rapport n° 8 du 15 juillet 1944, Marcel Pirou indique disposer de 4 groupes à Saint-Pierre-Quilbignon, 8 groupes à Recouvrance et que d’autres sont en voie de formation. Il affirme également que les F.T.P de Brest vont se joindre aux F.F.I ; information intéressante - car démontrant les difficultés locales d’unification des forces combattantes de la Résistance.

Dans les deux rapports qui lui sont attribués (n°8 & 9), Marcel Pirou attire l’attention de ses supérieurs sur des cas litigieux à traiter : Georges Dauriac est comparé à un trafiquant d’armes tandis que Georges Laurent est assimilé à un traitre, responsable de plusieurs arrestations à Brest ainsi qu’à Ploudalmézeau. Il précise enfin que ce dernier serait sur Brest et aurait touché de l’argent par la gestapo. Si l’accusé est bien revenu sur Brest, à cette date il est encore interné à Brest avant d’être transféré sur Rennes. Cela démontre l’aspect incertain des renseignements disponibles par les F.F.I à propos de cas litigieux. Plus sérieux encore, Marcel Pirou demande l’autorisation de faire abattre 5 collaborateurs notoires.

Fin juillet 1944, le Bataillon Brest Ouest de Marcel Pirou est en ordre de bataille, il comprend la Compagnie Dixmude de Sébastien Ségalen, la Compagnie Jean-Marin de Pierre Hall, la Compagnie Marcel Boucher de Marcel Pirou et une section spéciale (corps franc) d’une vingtaine d’hommes, dont l’identité du commandant n’est pas connu. Hélas, les armes se font toujours attendre et Marcel Pirou réclame un largage aérien à l’État-major F.F.I de Brest sans quoi il ne pourra pas livrer combat.

Dans la nuit du 2 au 3 août 1944, alors que les américains viennent d’entrer en Bretagne et filent sur Brest, un parachutage d’armes est enfin prévu pour les hommes de Marcel Pirou à Locmaria-Plouzané, près de la ferme de Kerzévéon sur le terrain codé Vénus. L’avion est bien au rendez-vous mais le pilote jugeant la zone trop dangereuse, annule le largage, au grand désespoir de la centaine de résistants (dont Marcel Pirou) venus de tout le secteur et de Brest.

Le vendredi 4 août 1944, Marcel Pirou tente d’entrer en contact avec Joseph Garion, mais ne rencontre que François Broc’h, qui l’informe de la tenue d’une réunion à Gouesnou le lendemain. À l’heure fixée, le responsable de Brest Ouest accompagné de Sébastien Ségalen et Jean Coriou, se présentent rue de la Gare à Gouesnou et pénètrent dans le Café de l’Alliance de Jean Castel. Y sont présents les principaux chefs de la Résistance de l’arrondissement de Brest, l’État-major F.F.I de Brest et son 2ème Bureau (renseignement), l’équipe Jedburgh Horace et des officiers de la 2ème Compagnie du 3ème Régiment de chasseurs parachutistes (S.A.S). L’ordre est donné de se battre.

Sitôt revenu sur Brest, Marcel Pirou met en alerte ses groupes. La question de l’armement devient critique, chaque jour des hommes sont envoyés sur le terrain mais aucun largage n’est effectué. Le 6 août 1944, Marcel Pirou fait coller les affiches annonçant le siège de Brest. Le 7 août, avec Paul Dreyer, ils libèrent 20 prisonniers (d’où ?) et les dirigent vers la caserne de Kervéguen probablement pour les intégrer au dispositif. Le 8 août, son domicile du 73 rue Vauban, qui lui servait d’ailleurs de P.C, est brûlé. Il reçoit l’information que les Alliés sont à 2 ou 3 kilomètres de Lambézellec. À défaut de pouvoir entrer pleinement dans l’action, il effectue une patrouille en ville et prend des nouvelles à différents postes des F.F.I.

Le 9 août, il rencontre André Le Roy, membre du Comité local de Libération de Brest, pour aviser les personnes prévues de prendre leurs fonctions au moment de la Libération. L’idée est de maintenir une continuité dans l’administration municipale, ainsi que dans les différents services (police, gendarmerie, etc..).

Après plusieurs jours d’attente et sous la menace d’un enfermement complet dans un Brest assiégé, les F.F.I doivent se résigner à déclencher l’insurrection dans la ville. Ordre est alors donné de se mêler aux civils qui quittent la ville pour reformer des unités à l’extérieur. Le 14 août 1944, le Bataillon Brest Ouest se disloque, suit la voie d’évacuation menant à Saint-Renan et gagne en ordre dispersé le maquis de Tréouergat.

De là, l’unité part s’installer au château de Kergroadez en Brélès. Ils y retrouvent les F.T.P de la Compagnie Michel. Le 17 août 1944, des dissensions éclatent entre les différents officiers. L’effectif implose, le gendarme Sébastien Ségalen forme sa propre compagnie qu’il nomme Dixmude et se range aux côtés du Bataillon F.F.I de Ploudalmézeau. Pierre Hall de son côté, rejoint avec une partie des effectifs (principalement ceux du détachement Jean-Marin) la compagnie F.F.I de Saint-Renan et forme ainsi la 1ère section de cette unité. Du reste, Marcel Pirou voit son bataillon fondre et se résumer à une compagnie, qu’il nomme simplement Brest-Ouest.

Avec ce qui lui reste d’effectif, et s’associant avec la Compagnie F.T.P Michel, Marcel Pirou reçoit finalement des armes et de l’équipement le 21 août 1944. Dès le lendemain, les hommes gagnent la ligne de front et participent à la réduction de la poche allemande du Conquet.

Les deux compagnies participent aux combats à Ploumoguer et notamment à la prise du camp fortifié de Kervélédan fin août 1944. Le 2 septembre 1944, la compagnie s’établit au manoir du Plessis. Dans les jours qui suivent, l’avance à l’Ouest se concrétise encore.

Dans la matinée du 6 septembre 1944, alors que son unité se trouve dans le secteur de Kerivin-Vao en Plougonvelin, les compagnies Brest-Ouest et Michel sont surprises par le feu ennemi. Six F.F.I sont tués dont Marcel Pirou et son beau-frère Noël Nellonéo tandis que plusieurs blessés sont également à déplorer.

Tués lors de cet accrochage :
 LE BIHAN Jean
 LE FLEM Maurice
 NÉLLONÉO Noël
 PIROU Marcel
 ROUDAUT Roger
 SAILLOUR Léon

Les corps seront envoyés à l’hôpital Le Jeune de Saint-Renan. Le lendemain de son décès, son nom et celui de ses camarades tombés sont inscrits sur le registre d’état civil de Saint-Renan. Cela aurait du être fait à Plougonvelin, leur lieu de décès, mais la commune n’était pas encore libérée, rendant impossible la démarche administrative. À titre provisoire, les corps sont inhumés à Saint-Renan. Le gendarme Jean Coriou prend la tête de la Compagnie Brest-Ouest. L’unité est mise au repos avant d’être réengagée dans les derniers jours des combats à Brest.

À titre posthume, Marcel Pirou est homologué au grade de Capitaine en 1946 et pour son engagement clandestin, il reçoit la médaille de la Résistance française en 1986. Une rue porte son nom dans le quartier des Quatre Moulins. Son nom figure également sur la stèle F.F.I du Cosquer en Plougonvelin, où se déroule chaque année - début septembre, une cérémonie commémorative pour rendre hommage aux F.F.I tués lors des combats de la Libération.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Stèle F.F.I du Cosquer à Plougonvelin
La stèle commémorative des F.F.I tués aux combats pour la Cie de Saint-Renan et des autres combattants tués à Plougonvelin, se situe Place des F.F.I, Cosquer Village à Plougonvelin (29217)
Crédit photo : Gildas Priol

Sources - Liens

Remerciement à Françoise Omnes pour la relecture.