Raymond Eugène Louis Deshaies est fils de biscuitiers orléanais. Après des études classiques, il suit une formation d’ingénieur des Arts et Métiers. Il entre dans la Marine Nationale en 1923 ou 1924 à l’École des Élèves-Officiers mécaniciens. Alors ingénieur de 2ème classe mécanicien, Raymond Deshaies épouse Marie Vauthier (1912-1973), le 3 juin 1930 à Brest et de cette union naîtra un garçon nommé Bernard. L’ingénieur Deshaies change de corps et devient commissaire de la Marine (1ère classe). Après un temps à Bizerte, il est affecté à la direction d’intendance maritime de Brest en juin 1936. Il y est spécialement chargé des services techniques, sous les ordres du commissaire général Bourgain, directeur de l’Intendance maritime.
C’est là qu’il se trouve encore à la débâcle de juin 1940, qui voit l’arrivée des troupes allemandes à Brest et le début de l’Occupation. Après s’être vu refusé par ses supérieurs le 22 juin 1940, l’autorisation de s’échapper, il reste en poste à l’arsenal. La tension est palpable dans les magasins qu’il administre et bientôt une commission d’officiers allemands le somme de mieux se comporter. Il n’a bientôt plus le droit de pénétrer dans les magasins de la Marine mais avec l’aide des commis et ouvriers, il parvient à soustraire aux Allemands d’importantes quantités de matériel, qu’il fait acheminer vers Toulon et Toulouse. Ces opérations sont réalisées sous camouflage d’expéditions de déménagement.
Après des problèmes avec les Allemands au début 1941, son supérieur le commissaire en chef Émile Romé prend sa retraite. Raymond Deshaies le remplace à la tête du service de l’habillement. Dès lors, il crée des magasins clandestins en dehors de l’arsenal, pour stocker différents matériels. Il indique en avoir implanté 3 à Brest, 2 à Laval et Quimper, 1 à Morlaix, Lesneven, Braspart, Quimerc’h, Landerneau, Landivisiau et Plozévet.
Il semble avoir été nommé Chevalier de la Légion d’honneur en février 1941.
En septembre 1941, il prend également la direction du service des Approvisionnements de la Flotte. Il tente d’y instaurer le même esprit anti collaborationniste auprès du personnel. Son attitude fait naître des soupçons sur lui, qui bientôt lui valent d’être arrêté et interrogé en octobre 1942 puis mars 1943. Sur intervention du commandant de l’Unité Marine de Brest, auprès de l’Amiral allemand, Raymond Deshaies est relâché et placé en liberté surveillée. Son activité hostile semble se poursuivre en aidant son personnel à éviter de partir travailler en Allemagne.
Concernant son entrée dans une structure de la Résistance, il y a plusieurs versions discordantes, qu’il a lui même émises en 1945 et 1950 dans le cadre de démarches administratives pour obtenir une décoration et l’homologation de ses services.
Ainsi, Raymond Deshaies indique avoir collecté d’importants renseignements sur les croiseurs de bataille Scharnhorst & Gneisenau et croiseurs lourds Admiral Hipper & Prinz Eugen. Il ne précise cependant pas à qui il a transmis ses informations. Cette action de renseignement reste à étayer compte tenu du fait qu’il ne semble intégrer la Résistance organisée qu’en 1943, et que ces navires ont quitté définitivement Brest les 15 mars 1941 et 12 février 1942. Il ajoute avoir collecté des informations concernant les défenses et les effectifs allemands de la région brestoise ainsi que les mouvements des sous-marins, ce qui est déjà plus probable, mais bien plus tard quand il œuvrera pour un réseau.
Le commissaire brestois donne son adhésion à la Résistance en juillet 1943, depuis sa résidence secondaire de Kerivoal dans la région de Quimper où se sont retirés sa femme et son jeune fils pour fuir les bombardements sur Brest. Il est sollicité par la famille Le Guennec et Jacqueline Héreil pour intégrer le mouvement Vengeance. On lui propose alors de développer la structure clandestine dans la région de Brest en recrutant des agents de renseignements pour servir le service de renseignement Turma, rattaché au mouvement.
Par relations professionnelles, il se met en rapport avec les frères Pierre et René Guézenec du réseau Alliance mais les échanges sont rapidement coupés suite au démantèlement qui touche leur réseau dès septembre 1943. Raymond Deshaies est également approché par le mouvement Libération Nord (L.N) dans le second semestre de l’année 1943. Il est alors question de rapprocher les différents organes de la Résistance pour former l’embryon de l’Armée Secrète (A.S) du Finistère. Il côtoie et œuvre dans la clandestinité avec Mathieu Donnart et Roger Bourrières. Il mettra d’ailleurs son domicile de Kerivoal à leur entière disposition pour leurs missions dans le sud Finistère.
Fin 1943, l’Armée Secrète (A.S) de Brest devient tangible par le rapprochement des mouvements Libération Nord et Défense de la France. L’unification est alors la priorité et la question de la Marine Nationale est à l’ordre du jour au début 1944. L’approche du Commissaire Douillard par Libération Nord en février règle la question d’une coopération, s’ensuit une prise de contacts auprès du Capitaine de Corvette Jean Cloarec du réseau Marathon. Des ponts sont également établis avec le docteur Aristide Fichez du mouvement O.C.M pour améliorer les collectes et les transmissions des informations, notamment en recensant les marins de la côte-nord renvoyés dans leurs foyers par Vichy, afin de les recruter.
Il indique avoir participé au passage de jeunes gens en Angleterre en mars 1944, mais à ce jour nous n’avons aucune information à propos de cette action.
Raymond Deshaies devient le chef des F.F.I Marine avec pour mission de structurer et rassembler les groupes épars encore en activité à l’arsenal. La tâche de former une unité combattante avec du personnel de la Marine Nationale, revient au Groupe Narval du Capitaine de Corvette Jean Cloarec. À l’arsenal, Raymond Deshaies contacte l’Ingénieur des Directions de Travaux Principal Jean Aubert. Ce dernier reçoit pour mission d’accélérer le recrutement et d’unifier les groupes d’ouvriers patriotes sous sa bannière, au sein du Groupe Arsenal qui prend forme fin mars, début avril 1944. Également à partir de ce mois, il ravitaille au titre de Libération Nord des maquis dans les environs de Quimper en matériel divers. Toujours en avril 1944, Raymond Deshaies est coupé de son réseau Turma, il transmet alors les renseignements qui lui parviennent à Jean Cloarec du réseau Marathon.
À partir de mai 1944, la Résistance Marine détecte que des dispositions sont prises par les Allemands en vue d’une destruction éventuelle de l’arsenal en cas d’abandon de la ville. L’occupant prévoit de détruire les quais, bassins, engins et autres infrastructures portuaires. Le groupe de résistants informe alors sa hiérarchie de la Marine française et surtout la résistance pour qu’un contre-plan soit mis en place. Un inventaire des destructions prévues par les allemands est réalisé et des dispositions sont prises pour les contrarier au cas par cas.
Un mois après le débarquement en Normandie et dans la fébrilité des préparatifs de l’insurrection, son second fils Alain voit le jour à Brest le 17 juillet 1944.
Le siège de Brest et l’évacuation des civils ne permettront pas aux résistants de mettre en oeuvre les mesures de protections bien que quelques actions eurent lieux. À l’approche des troupes américaines, Raymond Deshaies quitte son poste et se met à l’entière disposition des F.F.I.
Il se rapproche du Capitaine de Vaisseau Pierre Lucas, parti de Cherbourg le 9 août 1944 pour prendre ses fonctions de Commandant du 2ème Arrondissement Maritime (Préfet Maritime de Brest). Le 13 août 1944, au plus près de la ligne de front au Vergez à Guipavas, Raymond Deshaies est confirmé dans son statut de chef des F.F.I Marine et nommé chef du 3ème Bureau (Opérations). Dès lors, cet état-major poursuit le rassemblement des effectifs de la Marine non affectés aux différentes unités F.F.I. La 1ère Compagnie F.F.I de Fusiliers-Marins prend forme avant d’être déployée dans les opérations de réduction de la poche allemande du Conquet.
Voulant jouer un rôle dans la prise de Brest, la Marine dépêche le 10 septembre 1944 Raymond Deshaies et deux autres officiers aux portes de la ville pour étudier le terrain. Déjà, la Cie F.F.I des Fusiliers-Marins se rapproche de Saint-Pierre-Quilbignon mais c’est dans les rues de Brest que Raymond Deshaies et le Section Spéciale (François) Pengam s’illustrent. L’engagement est violent et coûte la vie à deux français, Marcel Le Bail et Paul Bruera. Cependant, le commissaire Deshaies parvient à faire un bond dans les lignes allemandes de 350 mètres et obtenir la reddition de 53 allemands. Surpris, les Américains félicitent publiquement les F.F.I et acceptent qu’ils engagent des troupes à leurs côtés.
Raymond Deshaies retourne auprès de son état-major et prend la tête de deux sections de la 1ère Compagnie F.F.I de Fusiliers-Marins. Il s’engouffre dans les combats de rues à Brest, par la place Strabourg pour descendre dans l’axe de la rue Jean-Jaurès. C’est l’une des rares unités à avoir combattu dans les rues de Brest. L’engagement se déroule du 12 au 18 septembre 1944, date de la reddition complète de la garnison allemande de Brest. À 15 heures le pavillon français flotte sur les ruines de la Préfecture Maritime et à 16 heures les couleurs sont envoyées à la porte Tourville.
Promu commissaire en chef de 1ère classe dans les mois qui suivent la Libération, il devient le chef d’état-major du Préfet Maritime de Brest. Il quitte la cité du Ponant en 1947, pour prendre la fonction de directeur du Commissariat de la Marine au Maroc, à Casablanca. Il poursuivra sa carrière dans la Marine jusqu’à sa retraite et reviendra s’installer à Brest pour ses vieux jours.
Pour son action dans la Résistance, il est promu Officier de la Légion d’honneur en 1945. C’est le Général De Gaulle en personne qui le décore le 21 juillet 1945 à Brest lors de sa visite (voir portfolio). Il reçoit également la Médaille de la Résistance française en 1945, avec Rosette en 1947. Depuis 1998 à Brest, une rue porte son nom dans le quartier de Keraudren.
La sépulture de Raymond Deshaies se trouve dans le cimetière de Recouvrance à Brest [Carré 4, Rang 15, Tombe 19-20]