Lucien Fernand Emery est originaire de l’Eure-et-Loir. Requis à Chartres le 2 décembre 1942, il est dirigé vers le canton de Ploudalmézeau avec tout un groupe de son département. Ils sont employés sur les chantiers de la Todt du secteur de Saint-Pabu. Malgré ce travail forcé pour l’Armée allemande, quelques libertés sont accordées aux travailleurs. Ils peuvent visiter les environs et ainsi sympathiser avec les locaux, notamment lors de matchs de football. C’est particulièrement le cas pour Lucien Emery qui est venu avec son accordéon. Il se fait rapidement remarquer et ses talents de musicien sont forts appréciés.
Le 16 juin 1943, après une journée de travail sur les bunkers allemands de Saint-Pabu, l’officier allemand annonce aux travailleurs requis que tous ceux des classes 40-41-42 doivent préparer leurs affaires pour partir le lendemain sur Brest. Suspicieux, Lucien Emery pense qu’il s’agit plutôt d’un départ pour aller travailler en Allemagne. Réfractaire, il s’échappe avec Robert Lhemery dans la nuit, profitant d’un moment d’inattention de la sentinelle. Les deux réfractaires n’emportent que quelques affaires et victuailles, laissant le reste à leurs copains.
De fermes en abris de fortune, ils vagabondent durant une dizaine de jours dans les environs de Ploudalmézeau. Ils maintiennent quelques contacts avec leurs amis toujours requis à la Todt, non envoyés à "Brest". Parvenus à trouver refuge contre labeurs dans une ferme, les deux comparses vivent au rythme des fermiers. A plusieurs reprises, Lucien et Robert doivent passer la journée camouflés dans la campagne car des allemands, accompagnés de gendarmes français fouillent les environs à la recherche de réfractaires. Le 11 juillet 1943, ils apprennent que deux copains, réfractaires eux aussi, se sont fait ramasser par des gendarmes et qu’ils viennent de partir pour l’Allemagne.
Tout en pensant que l’on nous recherche, on se sentait libres.
Le 25 juillet 1943, toujours à la ferme, Lucien retrouve son accordéon qu’apporte un de ses amis. Cette situation de réfractaire, travaillant pour survivre grâce à l’aide de patriotes fermiers, va perdurer jusqu’en décembre 1943. Tout ce temps, c’est à la ferme de Kergoff, en Tréouergat chez les Le Gall qu’ils sont hébergés.
C’est en décembre 1943 qu’il est contacté par la Résistance locale qui voit en ce réfractaire une potentielle recrue pour l’Armée Secrète qui se forme dans tout le canton. Il intègre alors l’embryon du futur Bataillon F.F.I de Ploudalmézeau. Cette démarche s’accompagne d’un changement de ferme car en attendant l’instruction militaire et l’insurrection, il faut faire profil bas tout en évitant d’être ramassé par les gendarmes ou les allemands. Pour faciliter la vie de Lucien Emery dans la clandestinité, on lui fournit une fausse carte d’identité au nom d’Yves Coadou (voir portfolio).
De décembre à fin mars 1944, il est hébergé dans la ferme Kermarec de Kerouleau à Guipronvel puis de mars à août 1944, il revient à Tréouergat mais cette fois dans la ferme des Bléas de Pont-ar-Bleiz. Début août 1944, le Bataillon F.F.I de Ploudalmézeau a bien grossi et le parachutage d’armes dans la nuit du 2 au 3 août 1944 permet de l’équiper en grande partie. Les maquisards et réfractaires sont répartis dans des unités combattantes. Pour sa part, Lucien Emery est affecté au 2ème Groupe de la 2ème Section de la 1ère Compagnie.
Composition de son groupe de combat
– CALVARIN Jean
– CLOÂTRE Joseph (chef de groupe)
– CONQ Louis
– EMERY Lucien
– FLOCH Eugène
– GARCIA-FORTUNY Juan
– INIZAN Joseph
– JACOB René
– JAFFRÈS Emmanuel
– KÉRAMPRAN Henri
– L’HOSTIS Michel
– PETTON Ernest
– VENNEUGUÈS François
Avec son unité, il participe aux opérations de Libération du canton de Ploudalmézeau avant d’être engagé dans la réduction de la poche allemande du Conquet jusqu’au 10 septembre 1944. Lors d’une halte à Trébabu, il est pris en photo avec une partie de son groupe au château de Kermorvan (voir portfolio).
Il est démobilisé le 30 septembre 1944, à la dissolution de son unité combattante. Après la Libération, il rejoint son département natal et y fonde une famille. Lucien aimait notre région, tous les ans ou presque, il y revenait en vacances. L’occasion pour lui de retrouver ses connaissances faites sous l’occupation. Son vrai nom était presque inconnu de tous, pour ceux qui l’ont connu, il était Lulu, tout simplement.