DONNART Mathieu

Mathieu Guillaume Donnart est fils d’un tailleur de pierre. Il fait ses études à Lesneven puis à l’I.C.A.M [1] de Lille d’où il sort ingénieur. Il effectue son service militaire au 512e Régiment de chars de combat, dans l’E.O.R, il en sort Lieutenant de réserve et major de sa promotion. Ses premiers emplois le conduisent à Nantes, Saint-Brieuc, Trémuzon, Figeac et Poullaouen. Le 15 septembre 1930, alors qu’il réside à Saint-Brieuc, il épouse Jeanne Gourvennec à Brest. Le couple s’installe alors à Brest, au 78 rue Jean-Jaurès, dans l’immeuble mitoyen de la famille Gourvennec. Il entre par la suite comme ingénieur au Service des Eaux et de l’Ozone de la ville et en deviendra le directeur régional en 1933. Bientôt la famille s’agrandit avec la naissance de leurs fils Jean-Yves (1934-2022) et Alain (1939-2015). Mathieu Donnart donne également dans la politique, il est d’ailleurs élu conseiller municipal en 1935.

À la déclaration de guerre en 1939, il est mobilisé et intègre le 27e Bataillon de chars d’assaut du 505e Régiment de chars de combat, l’unité est alors commandée par un certain Charles De Gaulle. Le 27e Bataillon s’illustre dans les combats, Mathieu Donnart est nommé Capitaine pour son dynamisme et ses actes de courage aux combats. Il échappe à la captivité et parvient à regagner Brest et sa famille. Il met sa famille à l’abri à Plougonvelin, près du Trez-Hir, pour la protéger des bombardements anglais qui touchent Brest. Plus tard, il déplacera sa famille du côté d’Huelgoat. Quand son activité clandestine lui permet, il rend visite à sa famille, souvent déguisé et en pleine nuit. Son fils se souvient être régulièrement réveillé en pleine nuit pour dire bonjour à son père, qu’il ne reconnaît pas tout de suite du fait de son accoutrement.

Lors d’un réveillon, alors qu’il dîne au restaurant de l’hôtel des voyageurs à Brest, des allemands présents dans la salle poussent la chansonnette. Donnart supporte sans broncher. Sitôt leur récital achevé, les allemands enjoignent poliment les français présents dans la salle, à faire de même. Mathieu Donnart entonne alors une vibrante Marseillaise. Moment d’angoisse dans l’établissement jusqu’à ce que l’officier allemand le plus gradé applaudisse. Soulagement et applaudissement général dans la salle.

Il entre en résistance en 1942 dans le mouvement Libération Nord (L.N) sur proposition d’Aldéric Lecomte, ingénieur également mais aux Ponts et Chaussées de Brest. Rapidement, Donnart s’impose en fer de lance de la lutte clandestine. Lui échoit la partie militaire du mouvement. Recherché activement par l’occupant, il se déplace le plus souvent à bicyclette dans tout le département. Ses premiers contacts sont à Brest, Landerneau, Morlaix, Carhaix, Châteaulin, Lesneven et Saint-Pol-de-Léon. Il s’adjoint en novembre 1942, les précieux services du Secrétaire Principal de la police brestoise, François Queffélec.

C’est le Général Audibert, commandant de la région Ouest de l’Armée Secrète (A.S) qui désigne Mathieu Donnart, lors d’une rencontre à Vannes en 1943 [2], comme responsable départemental de l’A.S du Finistère. Pour aider Donnart basé à Brest, on lui adjoint Ferdinand Le Floch de Quimper. Ces deux résistants seront les grands artisans de l’unification des mouvements de résistance dans le département.

Profitant que sa famille est mise à l’abri, il héberge un ou plusieurs aviateurs dans son appartement vide de la rue Jean-Jaurès. Ses camarades de L.N en feront de même, permettant ainsi aux aviateurs tombés dans la région brestoise d’être évacués à noël 1943 par le réseau Jade sur la côte nord du Finistère.

Le 22 ou 23 décembre 1943, alors chef de l’A.S du Finistère, Mathieu Donnart rencontre à Brest, au magasin d’alimentation Au Bon Verger dans la rue Jean-Jaurès, les principaux responsables du mouvement Défense de la France (D.F) pour s’assurer de leur coopération.

Janvier 1944, Mathieu Donnart est présent à la réunion chez le pharmacien Yves Allanic, rue Jean Macé, pour préparer le Comité de la Libération (C.D.L Finistère). La réunion est menée par Aldéric Lecomte, sont présents Jean-Louis Rolland et Charles Berthelot.

Sur un plan national, au début février 1944, l’Armée Secrète fusionne avec l’O.R.A et les F.T.P, devenant ainsi les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I). Dans le Finistère la fusion avec les F.T.P est complexe, ils acceptent de travailler conjointement mais en gardant une autonomie militaire. Le Finistère est découpé en cinq arrondissements. Mathieu Donnart supervise le Finistère avec comme adjoint et chef d’état-major des F.F.I, le Colonel brestois Paul Fonferrier.

Fin février 1944, il se rend à Lannilis en compagnie de Paul Fonferrier, Baptiste Faucher et François Broc’h pour rencontrer Jean François Derrien qui administre la résistance dans le canton de Lannilis. Ce dernier fait son rapport sur le recrutement, les effectifs et son état-major. Mathieu Donnart lui expose ensuite que des armes destinées à l’arrondissement de Brest sont à récupérer près du Faou. Il charge le gendarme Derrien du rapatriement de la cargaison avec pour aide, des membres du groupe Action Directe de Brest. Ces armes sont importantes, elles doivent permettre l’instruction des moins initiés au maniement des armes dans les différents cantons de l’arrondissement.

Au début mars 1944, Poussin et Rossignol, et quelques cadres de la résistance, effectuent une tournée dans les différents cantons de l’arrondissement de Brest, pour organiser le recrutement, l’armement, l’entraînement et les recherches de terrains de parachutage. Ils termineront leur revue des troupes par une visite à Kersaint-Landunvez, chez le commissaire principal Douillard [3], afin de mettre au point les relations avec la Marine qui, de son côté, s’organise. Le 13 mars Mathieu Donnart est à Huelgoat avec Fonferrier pour régler avec les responsables locaux l’unité de plusieurs factions de la résistance. S’ensuit un passage à Carhaix des deux brestois pour mettre en place le commandement militaire du canton qui revient à Paul Guézennec.

Courant avril, Mathieu Donnart organise une nouvelle réunion à Brest chez Pierre Beaudoin du mouvement Défense de la France. Les principaux chefs de la résistance brestoise sont présents.

Le 18 Mai le duo Poussin & Rossignol doit se rendre à Kergoat dans la région de Carhaix. Suite à l’arrestation de Paul Guézennec cinq jours plus tôt, il faut nommer un remplacement ; François Le Maigre, photographe est choisi. Dans la semaine du 19 au 22 mai 1944, Le Poussin et Rossignol sont en déplacement dans le Morbihan. Ils y rencontrent le Délégué Militaire Régional (D.M.R) Valentin Abeille, dit Méridien. À cette occasion, ils font la connaissance de Jeanne Bohec, envoyée de Londres pour instruire les saboteurs. Après avoir œuvré en Bretagne, on lui confie la mission d’instruire les maquisards Finistériens. Le 25 mai, le D.M.R, les deux responsables de la résistance Finistérienne et Jeanne Bohec se rendent en voiture à Carhaix pour y rencontrer les responsables locaux. Puis l’inspection achevée, Fonferrier repart en train à Brest et le D.M.R sur Paris [4]. Mathieu Donnart et Jeanne Bohec rejoignent Quimper et son P.C à Kerfeunteun [5]. Il confie l’instructrice en sabotages à Berthaud et remonte sur Brest où une vague d’arrestations ébranle profondément le secteur.

Plusieurs chefs cantonaux et cadres de la résistance de l’arrondissement sont appréhendés. Son chef d’état-major, Paul Fonferrier également. Mathieu Donnart échappe de peu à une arrestation et doit se mettre au vert. Peu avant le débarquement, Mathieu Donnart refait surface et reprend les contacts avec les différents secteurs.

Lendemain du débarquement en Normandie, Mathieu Donnart est à Landerneau où il s’entretient avec François Broc’h. Il indique vouloir prendre à sa charge le commandement militaire des opérations pour remplacer Fonferrier. À cette date, il estime avoir plus de 2 700 hommes prêts à se battre immédiatement dans l’arrondissement de Brest. Ne manquent que les armes et c’est hélas une généralité pour tout le département. Le jour même, il se rend à Le Fumé puis à Pleyber-Christ avec Yves Rousvoal [6] et M. Gueguen de Sainte-Sève, pour mettre au point un programme d’actions et de parachutages. Mathieu Donnart file ensuite vers Berrien.

Le 27 ou 28 juin 1944, avec les gendarmes Jean Jamet et Pierre Mourisset de Quimperlé, il quitte le Finistère pour retourner prendre contact avec les parachutistes SAS du Morbihan. Mathieu Donnart a besoin de radios pour demander des parachutages d’armes. Le radio Robert Jourdren, dit Bob, est ainsi affecté auprès de Poussin. Du matériel radio et des armes sont chargés dans la voiture qui repart sur Quimper.

Au final, deux voitures suivent la route et tombent à Saint-Trémeur en Bubry sur un barrage allemand. La première voiture passe sans encombre mais celle où se trouve Donnart, avec six autres occupants, éveille les soupçons des allemands qui font arrêter le véhicule. Les occupants sont priés de sortir et la voiture est inspectée, le matériel militaire est trouvé. Arrêtés, ils sont conduits à l’école primaire supérieure de Pontivy, transformée en prison.

Les résistants sont torturés lors d’interrogatoires. Pour ne pas parler ou pour tenter une évasion par le biais d’une hospitatisation, Mathieu Donnart tente de se donner la mort en s’ouvrant les veines un soir. Il est sauvé par un co-détenu qui s’en aperçoit et le soigne. Le 3 juillet, Berthaud n’ayant plus de nouvelle de Donnart, le remplace à la tête des FFI du Finistère. La détention de Mathieu Donnart dure un mois, sans que les allemands ne se rendent compte de la personnalité qu’ils ont arrêté.

Le 29 juillet 1944, tôt dans la matinée, neuf détenus condamnés à mort pour actes de résistance sont extraits du lycée de Pontivy. Ils sont amenés près d’une ferme de Pluméliau, Le Rodu, où des coups de feu avaient été tirés quelques jours auparavant. Le peloton d’exécution est composé de soldats allemands et de supplétifs français du S.D, portant l’uniforme allemand pour l’occasion. Les neuf résistants, dont Mathieu Donnart et Jean Jamet sont abattus par des mitraillettes Sten anglaises, confisquées aux parachutistes SAS arrêtés dans le Morbihan.

L’un des premiers hommages rendu à Mathieu Donnart est le baptême de la compagnie FFI n°2 de son nom de guerre : 2e Cie F.F.I - Le Poussin, lors des combats du siège de Brest. Sa dépouille est rapatriée le 4 février 1945 à Brest. La veillée s’effectue dans la salle du Patro des filles à Saint-Martin, le lendemain les obsèques se déroulent à l’église Saint-Michel avant l’inhumation au cimetière de Saint-Martin [7]. Huit mois plus tard, en octobre 1945, le conseil municipal de Brest donne son nom à une rue menant de Kerigonan à Kérinou. Dans la rue, se trouvera quelques temps après un centre de rééducation fonctionnel pour enfants, qui prendra le nom du résistant. À Landerneau, sa commune natale, une rue porte également son nom. À Lesneven, c’est sur la plaque commémorative des anciens de Saint-François victimes de la guerre, que son nom est gravé.

Au Rodu, est inaugurée le 21 juillet 1947 par le Général De Gaulle (voir portfolio), le monument commémoratif à l’emplacement où les neuf résistants furent fusillés.

Le 14 juillet 1950, devant une foule compacte et après un défilé de la Marine et des anciens résistants et F.F.I du Finistère, une plaque en son hommage est apposée devant l’entrée de son ancien domicile au 78 rue Jean-Jaurès (voir portfolio). La plaque en marbre de Perros Guirrec, comporte un médaillon de bronze sculpté par Bacchini de Lyon à l’effigie de Mathieu Donnart. À cette occasion, son fils aîné, Jean-Yves, reçoit la médaille de la Résistance, avec rosette, décernée à son père à titre posthume (voir portfolio). Il sera nommé Lieutenant-Colonel à titre posthume et élevé au rang de Chevalier de la Légion d’honneur.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Mathieu Donnart en partance pour le maquis
Collection du Musée de la Fraise à Plougastel, tous droits réservés.
14 juillet 1950, Jean-Yves Donnart reçoit la médaille de la résistance décernée à son père à titre posthume
Mathieu Donnart et son fils Jean-Yves en août 1935
Mathieu Donnart durant son service militaire
21 juillet 1947, inauguration du monument du Rodu (56)
Plaque commémorative au 78 rue Jean-Jaurès à Brest
Inscription sur la sépulture de Mathieu Donnart, cimetière Saint-Martin à Brest
Monument des neufs fusillés du Rodu à Pluméliau

Sources - Liens

  • Famille Donnart, souvenirs et documents iconographiques.
  • Archives municipales de Brest, dossier biographique de Mathieu Donnart (4BIO64), dossier des monuments brestois (1M187) et liste électorale de 1936 et 1939 (1K80 & 1K90).
  • Ordre de la Libération, mémoire de proposition de décoration, aimablement transmis par Mathieu Blanchard (2023) et registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 17/05/1946).
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de résistant de Mathieu Donnart (GR 16 P 189260), aimablement transmis par Edi Sizun.
  • Archives F.F.I du Finistère.
  • La Dépêche de Brest, éditions du 22 juillet 1934.
  • Musée de la Fraise et du Patrimoine de Plougastel, iconographie.
  • BROC’H François, alias Florette, J’avais des camarades - ou "Souvenirs" de quatre années de résistance dans le Finistère, août 1940 - août 1944, éditions Le Télégramme, Brest, 1949.
  • FAUCHER Baptiste, Activité des formations de la résistance de l’Arrondissement de Brest - 29/N, rapport tapuscrit, 1974.
  • BOHEC Jeanne, La plastiqueuse à bicyclette, éditions Mercure de France, 1975.
  • HUGUEN Roger, Par les nuits les plus longues, éditions Les presses bretonnes, Saint-Brieuc, 1976.
  • THOMAS Georges-Michel & LE GRAND Alain, Le Finistère dans la guerre - tome 1, éditions de la Cité, Brest-Paris, 1979.
  • THOMAS Georges-Michel & LE GRAND Alain, Le Finistère dans la guerre - tome 2, éditions de la Cité, Brest-Paris, 1981.
  • DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994.
  • KERVELLA André, Brest Rebelle, éditions Skol Vreizh, 1998.
  • HAMON Kristian, Agents du Reich en Bretagne, éditions Skol Vreizh, Morlaix, 2011.
  • CISSÉ Gérard, Rues de Brest - de 1670 à 2000, éditions Ar Feunten, Brest, 2012, page 199.
  • SÉNANT-LOSSOUARN Michelle, Saint-François de Lesneven, un collège au cœur de la Seconde Guerre mondiale, éditions Montagnes noires, Gourin, 2020.
  • LE BRAS Joël, La rencontre du Bon Verger (décembre 1943), tapuscrit non daté.
  • Brest métropole, service des cimetières - sépulture de Mathieu Donnart.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture.

Notes

[1Institut Catholique des Arts et Métiers

[2Nous ne disposons pas de la date précise de cette entrevue. Elle ne peut néanmoins avoir lieu avant mai 1943 ; mois de prise de fonction du Général Louis-Alexandre Audibert à la tête de l’A.S.

[3Le 12 février 1944, une première réunion de défrichage avait eu lieu avec des responsables du C.D.L Brest).

[4Où il sera arrêté le 31 mai 1944. Blessé lors de l’arrestation, il décède de ses blessures le 2 juin 1944.

[5Poste de Commandement des F.F.I du Finistère, implanté en mars 1944, Donnart y trouve refuge lors de la vague d’arrestations à Brest.

[6Dit Georges, chef militaire cantonal de la résistance à Huelgoat.