Paul Auguste Chamaret est un orphelin, élevé par sa grand-mère. Devenu cascadeur, il sillonne l’Ouest de la France avec des forains où il se produit dans un Mur de la Mort lors de foires. Lors d’une halte à Lannilis, l’entreprise Tanguy cherche un chauffeur pour une livraison de bois. Paul Chamaret accepte la course et se voit proposer d’intégrer l’entreprise comme chauffeur à l’issue de celle-ci. Le mayennais choisit alors la sédentarisation et pose ses valises à Lannilis. Il y fait la connaissance d’une livreuse de pain, Jeanne Roudaut (1917-1996), qu’il épouse le 26 février 1938 à Lannilis. Lors du mariage, son témoin n’est autre que son employeur et ami, Claude Tanguy. De son union, naitront bientôt Marie-Claude (1939-2022), Paule (1941), Guy (1948-1994) et Monique (1958). La famille réside rue du Prat-Per avant d’emménager plus au centre du bourg de Lannilis, rue Audren de Kerdrel.
Nous ignorons le parcours de Paul Chamaret durant la Guerre 1939-1940, mais compte tenu de son âge, il a probablement été mobilisé.
Présent à Lannilis au second semestre de l’année 1943, Paul Chamaret travaille toujours pour la même société. Sa date d’entrée en résistance n’est pas clairement définie à ce jour. Selon le dossier du réseau Jade, conservé au Service historique de la Défense de Vincennes, le chauffeur de Lannilis aurait intégré son réseau en septembre 1943. Mais selon les mémoires du gendarme Jean-François Derrien, cela daterait plutôt de novembre 1943, au moment où le réseau eut besoin de transporter plusieurs aviateurs depuis Brest et Landerneau pour les acheminer vers la côte Nord du Finistère en prévision d’une évacuation maritime.
Hélas, la première opération est un échec et il faut ramener à Brest une partie des aviateurs en attendant un autre rendez-vous. Vers le 8 novembre, Jean-François Derrien sollicite son ami Claude Tanguy qui accepte de mettre à disposition une camionnette avec comme chauffeur, Paul Chamaret. Un second véhicule est nécessaire au transport, M. Bodiger met à disposition son taxi qui est lui conduit par son gendre Robert Gestin. Le transport se fera sans encombre et les aviateurs retrouvent leurs familles d’accueil dans la cité du Ponant.
La deuxième tentative n’est guère mieux. L’opération permet l’embarquement de quelques aviateurs mais la tempête qui s’abat en ce début décembre 1943, drosse à la côte deux chaloupes avec leurs aviateurs et les marins. Il faut de nouveau répartir les candidats malheureux sur Brest et dissimuler les marins anglais à Landerneau. Paul Chamaret se charge de ce transport et accompagné du gendarme Jean-François Derrien, ils se rendent auprès de Jean Person et Pierre Hentic à la gare de Landerneau.
En mars 1944, Claude Tanguy et Paul Chamaret sont de nouveau sollicités par Jean-François Derrien pour une mission de transport. Fini les aviateurs, cette fois il s’agit de se rendre dans le centre Finistère pour charger des armes parachutées le mois précédent afin de les ramener à Lannilis. Les transporteurs acceptent à nouveau de rendre service à la cause clandestine. Paul Chamaret, accompagné du gendarme et de trois brestois ; Francis Beauvais, Georges Dauriac et Yves Hall, se rendent le 9 mars 1944 dans la région d’Hanvec. Le chargement qui est estimé par le gendarme à 2.5 tonnes d’armement et munitions, est monté à bord du camion sans encombre.
Anecdote de Jean-François Derrien à propos du trajet retour :
En arrivant au Faou, place de la gendarmerie actuelle, sept ou huit Allemands nous font signe d’arrêter, mais ils n’ont pas leur fusil dans les mains. Je pense tout de suite qu’ils font de l’auto-stop. J’indique au chauffeur de ralentir jusqu’aux maisons qui font l’angle de la place pour leur faire croire qu’on va s’arrêter et aussitôt l’angle passé, je lui dis d’accélérer au maximum. Bien sûr, les Allemands se mettent à courir derrière nous. Mais ils ne peuvent nous rattraper... [1]
Paul Chamaret passe ensuite par Landerneau, Lesneven et Le Folgoët pour se rendre à Penmarc’h en Saint-Frégant. Presque arrivé, le camion intercepté par François Broc’h et Pierre Bernard qui annoncent que la ferme où le chargement devait être entreposé, est désormais occupée par les Allemands. Finalement, les armes et munitions sont déposées dans la cave d’un café-épicerie à Brendaouez en Guissény. La mission fièrement accomplie, Paul Chamaret et Jean-François Derrien rentrent à Lannilis avant le couvre-feu.
Le lendemain, 10 mars, le même binôme revient à Guissény pour récupérer les armes destinées à Lannilis et Ploudalmézeau. Au retour, en passant sur le pont du Paluden, un véhicule obstrue le passage, tandis que des sentinelles allemandes font des va-et-vient. La situation est critique, le gendarme descend discuter avec la sentinelle pendant que Paul Chamaret donne un coup de main à réparer le véhicule en panne. Au bout de vingt à trente minutes interminables, le véhicule repart et libère le passage. Les deux résistants déposent les armes de Lannilis à la ferme Lassouarn à Feunteun-Lez. Paul Chamaret rapporte au garage les armes de Ploudalmézeau, qui sont ensuite récupérées le jour même par le gendarme Joseph Grannec et le garagiste Gaston Boursier.
La suite du parcours de Paul Chamaret dans la résistance est plus nébuleux. Il a peut être rejoint les rangs des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I) à l’été 1944 dans la mesure où les camions de l’entreprise Tanguy furent utilisés pour déplacer les soldats sur les différents lieux de combats, notamment jusqu’à la poche allemande du Conquet puis sur Brest avant de les rapatrier sur Lannilis à la fin des combats. Son nom ne figure cependant pas sur les registres des effectifs du Bataillon F.F.I de Lannilis.
La sépulture de Paul Chamaret se trouve dans le cimetière communal de Lannilis [Carré 6, Rang 2, Tombe 11].