Christiane Aimée Geneviève Scheidhauer est la fille d’un militaire de carrière servant dans la Coloniale. Suivant son père dans ses différentes affectations, elle épouse André Magne, le 17 novembre 1930 à Rabat au Maroc et de cette union naîtront quatre enfants. Dans les années 1930, toute la famille revient sur Brest tout en alternant les séjours dans la Villa les Pins des Scheidhauer à Pentrez en Saint-Nic. Durant la débâcle, son époux est tué le 14 juin 1940 à Belval-en-Argonne ou Givry-en-Argonne dans la Marne alors qu’il servait comme Chef de bataillon au 43ème Régiment d’infanterie coloniale (43e RIC).
La jeune veuve de guerre indique avoir fourni de l’aide à la Résistance dès 1940. Il faut peut-être y voir un coup de main à son frère cadet Bernard Scheidhauer [1]. En effet, celui-ci parti en octobre 1940 depuis Douarnenez, à bord de la pinasse Petite Anna (Dz 3388), à destination de l’Angleterre.
L’on peine cependant à définir avec précision la datation d’entrée dans la Résistance de Christiane Magne, tout comme relater ses actions avec exactitude reste à ce jour complexe. De par leurs relations à Brest et à Saint-Nic, les Scheidhauer sont patriotiquement connus. En 1942, le préparateur du laboratoire municipal de Brest, Paul Masson, aurait contacté Michel Scheidhauer pour tenter d’évacuer l’aviateur Albert Leslie Wright [2]. Le militaire en retraite fait alors appel à la fille d’un ami, Herveline Le Guillou de Saint-Nic. L’aviateur pris en charge, parviendra à passer en Espagne pour rallier Gilbraltar d’où il sera transféré en Écosse en octobre 1942, grâce au réseau Pat O’Leary de Marseille.
Chose assez étonnante car en octobre 1942, Noël Le Guillou, le frère d’Herveline, se cache à Douarnenez après son évasion d’un camp de prisonniers de guerre. Il est en contact avec Victor Salez de Tréboul qui cherche à faire passer en Angleterre plusieurs personnes. Grâce aux Scheidhauer, et semble t-il particulièrement Ghislaine Niox, petite sœur de Christiane Magne, Le Guillou et Salez obtiennent un contact avec le réseau du père Barnsby. Ce dernier organise une filière de passage en Espagne depuis Saint-Pé-de-Bigorre.
Quelques mois plus tard, vers avril-mai 1943, plusieurs aviateurs alliés (lesquels ?) se trouvent hébergés à Saint-Nic dans l’attente d’une évasion. Certains sont d’ailleurs peut-être hébergés chez Christiane Magne qui a proposé à son père, d’accueillir des fugitifs en cas d’affluence. Michel Scheidhauer a lui de son côté fait prévenir Vladimir Bouryschkine, de la mission Oaktree (comment ? Par les Le Guillou ?) qu’il a plusieurs candidats à l’évasion. Les jours passent et finalement une information parvient sur une filière qui s’organise dans les Côtes du Nord. C’est le minotier Joseph Le Bec de Carhaix, qui œuvrait il y a peu pour Pat O’Leary et qui était en contact avec les Le Guillou, qui récupère les quatre aviateurs à Saint-Nic. Bouryschkine a cependant bien missionné un agent pour se rendre à Saint-Nic auprès des Scheidhauer et des Le Guillou pour prendre en charge les aviateurs. Cet agent n’est autre que Jean Tromelin de Plouguin, qui apprend sur place à la fin du mois de mai 1943, que l’information était périmée, avant de se rendre compte qu’il s’agit des mêmes aviateurs qu’il vient lui même de convoyer depuis La Pie en Paule près de Carhaix à Saint-Brieuc dans la seconde partie du mois de mai 1943. Cette filière depuis les Côtes du Nord est finalement reportée à l’automne 1943 et les aviateurs transférés sur Paris.
À la toute fin du mois d’août 1943, l’agent du B.C.R.A Jean-Claude Camors [3], qui tente de développer le réseau d’évasion Bordeaux-Loupiac depuis quelques mois, se présente à Plomodiern pour monter une filière maritime. Grâce à la famille Vourc’h de Plomodiern, dont il a eu connaissance grâce à l’un des fils parvenu en Angleterre, Camors parvient à monter une équipe tangible, s’étirant sur presque tout le Finistère, pour ces futures opérations. D’un peu partout en France, il fait acheminer par ses agents des aviateurs dans la région de Quimper entre septembre et octobre. Ils sont pris en charge par des guides, notamment Yves Vourc’h, Pierre Philippon et Ghislaine Niox. Dans la villa de Pentrez, Christiane Magne reçoit alors deux des aviateurs, conduits par Pierre Philippon. Malgré la perte de leur chef de réseau, abattu par les allemands le 11 octobre 1943 à Rennes, l’équipe de Plomodiern rassemble une trentaine d’aviateurs en prévision de leur embarcation sur le bateau Suzanne-Renée de Camaret. L’embarcation initialement prévue n’étant pas prête pour le départ matinal du 19 octobre 1943, l’équipe du se rabattre sur ce plus petit bateau, ne pouvant emporter tous les pilotes et leurs guides volontaires pour rallier l’Angleterre. Quatre aviateurs ne purent embarquer ce soir là, veille du départ. Cloîtrés dans la cale, les candidats à l’évasion durent patienter une semaine que la météo se calme pour pouvoir rallier l’Angleterre après avoir largué les amarres de Camaret le 23 octobre 1943.
Après ce départ, il restait dans les environs une dizaine d’aviateurs encore à évacuer. Christiane Magne en hébergeait encore deux à Saint-Nic et d’autres étaient en train d’être acheminés vers la pointe centrale du Finistère. Les opérations étant lentes à monter, une partie de ceux-ci et leurs guides locaux ne partiront que fin janvier 1944 à bord du Breizh Izel de Tréboul.
La famille Scheidhauer poursuit ses activités d’aide aux aviateurs. Ils entrent en contact avec le réseau Bourgogne qui tente de monter une structure similaire à celle de Bordeaux-Loupiac ou encore avec le réseau Jade, dont le responsable des opérations aériennes et maritimes, Pierre Hentic, tente lui aussi de créer une filière depuis la côte Nord du Finistère. Par manque de financement et de coordination Bourgogne ne put opérer et fit transférer ses aviateurs par d’autres voies, tandis qu’il fallut trois reprises à Jade pour réussir à la noël 1943 l’embarcation des aviateurs et de Ghislaine Niox. Au début 1944, d’autres aviateurs arrivent vers le Finistère. Dès lors, il fallait les transférer vers les Côtes du Nord pour être pris en charge par le réseau Shellburn.
Si l’activité principale de Christiane Magne se déroule à Saint-Nic, elle indique cependant avoir participé au ravitaillement et au convoyage d’aviateurs vers Brest. Au total, elle indique avoir eu sept aviateurs différents chez elle. Son jeune frère Bernard, membre des Forces aériennes françaises libres, sera capturé par les Allemands. Suite à la tentative d’évasion (qui inspirera le film La grande évasion, sorti en 1963), il sera fusillé le 29 mars 1944 en Allemagne. À l’approche de la Libération, elle fournira assistance aux F.F.I de son secteur, notamment à ceux du mouvement Libération Nord. Lors du siège de Brest, sa mère est tuée dans la catastrophe de l’abri Sadi-Carnot le 9 septembre 1944.
Après guerre, Christiane Magne travaille à la délégation de la reconstruction à Brest et réside au 78 rue Victor Hugo puis au 1 rue Neptune.
Pour son action clandestine en faveur de la Résistance, elle est décorée de la Medal of Freedom (U.S.A) en 1945, la Croix de Guerre 1939-1945 et la Médaille commémorative française de la guerre 1939-1945.
La sépulture de Christiane Magne se trouve dans le cimetière de Saint-Martin à Brest [Carré 24, Rang 12, Tombe 22]