TROMELIN Jean

Jean Louis Marie Tromelin, dit Yannick, est le fils des minotiers Marie Le Got et Jean Tromelin. Il a deux grandes sœurs, Marie et Yvonne ainsi qu’une petite sœur Paule [1]. Il suit des études au Collège de Lesneven de 1935 à 1941, où il passe la première partie de son baccalauréat. Jean Tromelin poursuit ensuite ses études au Collège de Saint-Pol-de-Léon, de 1941 à 1942, pour la seconde partie de son baccalauréat (philosophie). En juillet 1942, il termine ses études et reste avec sa famille à Plouguin.

Fin septembre 1942, les Tromelin hébergent l’aviateur américain Gilbert Graham Wright [2] durant deux mois, dans l’attente de trouver une filière pour le rapatrier en Angleterre. Durant ce temps, il est hébergé à Plouguin mais également à Plouguerneau chez une tante Tromelin. Après le débarquement des Alliés le 8 novembre 1942 en Afrique du Nord (Maroc et Algérie), Jean Tromelin s’adresse à son ami Charles Jourde pour obtenir de l’aide à propos de l’aviateur. Ce dernier s’adresse alors à l’ancien Sous-secrétaire d’État aux Travaux publics Pierre Mazé (1893-1946), qui accepte de concourir à l’évacuation de cet aviateur lors de son prochain séjour à Vichy. Gilbert Graham Wright quitte ainsi les Tromelin le 3 janvier 1943. C’est Marie Tromelin, la sœur de Yannick qui l’accompagne jusqu’à Rennes par le train. Pierre Mazé et son fils Jacques, candidat pour rallier la France libre, prennent alors en charge l’aviateur.

Quelques temps plus tard en mars 1943, Jacques Mazé se présente à Pont Ours en Plouguin chez les Tromelin. Il indique que seul l’aviateur a pu passer en Suisse mais qu’une fois sur place, il s’est fait refouler très vite. De plus, avec les mesures en place pour traquer les réfractaires au Service du travail obligatoire (S.T.O), il éprouve de grandes difficultés à se déplacer. Il requiert alors l’aide de Yannick, non soumis à cette législation car trop jeune, pour tenter une nouvelle fois d’évacuer Gilbert Graham Wright, qui se cache désormais à la frontière Suisse. Le jeune plouguinois accepte et avec l’aide financière de ses parents, se rend auprès de l’aviateur américain. Une fois retrouvé, Jean Tromelin fait d’abord prendre en hébergement l’aviateur par la veuve du peintre Armand-Émile Mathey-Doret à Besançon, avant de partir tenter sa chance à la frontière Suisse, en vain. Le breton ne désespère pas et cherche d’autres alternatives. Mais auparavant, Jean Tromelin envoie un courrier à Plouguin pour obtenir du ravitaillement pour l’aviateur et sa logeuse, ce qui sera fait.

Le jeune breton retrouve le pilote et ensemble ils se rendent à Lyon. Sur place, il leur est conseillé d’aller à Paris et de remettre à la Croix-Rouge l’aviateur. Non satisfait de cette réponse, Jean Tromelin tente sa chance à Lons-le-Saunier, Toulouse ou à Saint-Girons, non loin de la frontière des Pyrénées. Les informations des autochtones s’avèrent souvent fausses et l’argent dont il dispose s’amenuise de jour en jour. Jean Tromelin doit souvent se déplacer à pieds et dormir à la belle étoile.

Résigné mais pas démotivé, Jean Tromelin monte à la capitale comme on le lui a conseillé à Lyon, pour prendre contact avec M. Hellstern de la Croix-Rouge, au 39 rue du Colisée dans le 8ème arrondissement. Cette piste s’avère être en fait un vrai réseau d’évasion d’aviateurs. On lui indique que l’organisation peut prendre en charge l’américain sur Paris. Lui est conseillé également d’obtenir un costume d’ecclésiastique pour faciliter le transport. De retour à Besançon, le plouginois se rend auprès du vicaire général de l’archevêché de Besançon et parvient à obtenir ce qu’il désire. Déguisé en prêtre, le pilote Gilbert G. Wright et Jean Tromelin se rendent à Paris vers la fin mars 1943. Ils sont mis en relation par Mr. Hellstern avec M. Detournay et Robert Aylé qui œuvrent pour le réseau d’évasion Comète.

L’aviateur américain est bien pris en charge par le réseau. Leur filière transitait par Saint-Jean-de-Luz et Saint-Sébastien en Espagne où les aviateurs étaient remis au consulat. Malheureusement, tous ces efforts seront réduits à néant au début avril 1943. Alors qu’il était à un rendez-vous en gare de Montparnasse à Paris pour être évacué, Gilbert Graham Wright est arrêté, suite à une dénonciation. Il sera déporté en Pologne jusqu’à la fin de la guerre.

De son côté, Jean Tromelin retourne à Plouguin mais à peine rentrée, la famille Tromelin prend en charge un autre aviateur, tombé en Plouguin le 16 avril 1943. Cette fois ci, c’est un anglais, Peter William Lefevre fils du maire de Canterbury. C’est Yannick qui le convoie en sécurité chez de la famille à Plouguerneau après une nuit au moulin à Pont Ours. Entre le 18 et le 22 avril (date incertaine), Jean Tromelin monte à Paris prévenir Mr Detournay qu’il a un nouvel aviateur à évacuer. Ce dernier le met en relation avec Vladimir Bouryschkine, dit Val Williams / Guillaume [3], de la mission Oaktree, qui monte une filière d’évasion pour le compte du MI9 (S.I.S) à Paris. Ceci avec l’appui du réseau Mithridate [4], pour évacuer les aviateurs alliés depuis les côtes bretonnes de la région de Saint-Brieuc. Le réseau consent à s’occuper de l’évasion du pilote Peter William Lefevre. Mais avant, Jean Tromelin est présenté par Bouryschkine, à Mr Lanlo de Saint-Quay-Portrieux, dans un café parisien. Le costarmoricain est accompagné de deux pilotes américains, de l’anglais Roland E Turenne et du canadien Richard Martin. Il est en partance pour la Bretagne, Jean Tromelin fait le voyage avec eux. Le Finistérien les quitte à Saint-Brieuc, pour aller récupérer Peter William Lefevre.

Fin avril 1943, l’aviateur Lefevre et Jean Tromelin se rendent au lieu de rendez-vous, à Saint-Quay-Portrieux chez Mr Lanlo. Sitôt arrivé, Jean Tromelin est mis à profit début mai pour aller chercher à Rostrenen quatre aviateurs [5] à convoyer sur Saint-Quay-Portrieux. La mission remplie, le jeune finistérien est envoyé dans la foulée à Paris pour prendre en charge quatre nouvelles personnes [6]. De retour à Saint-Quay-Portrieux, il y a désormais entre 17 et 19 aviateurs en attente d’une évasion maritime. Jean Tromelin participe au convoyage de ce groupe jusqu’à Étables-sur-Mer où il sera pris en charge par le fils du maire Jérôme Camard. Jean Tromelin reste avec eux, dans l’espoir de pouvoir embarquer à destination de l’Angleterre. L’amirauté britannique reporte l’opération, il faut patienter. Jean Tromelin rentre alors chez lui chercher des vivres pour aider au ravitaillement car de plus en plus d’aviateurs sont rassemblés. Une partie sera d’ailleurs hébergée par Roberta Mauduit au château de Bourblanc à Paimpol.

Dans la seconde partie du mois de mai 1943, profitant de son retour en Finistère pour le ravitaillement, il est demandé à Jean Tromelin de se rendre auprès du minotier Joseph Le Bec de La Pie en Paule près de Carhaix, qui œuvrait pour le réseau Pat-O’Leary. Il y a quatre nouveaux aviateurs à convoyer vers les Côtes-du-Nord. Cependant, l’évasion maritime semble compromise et l’attente devenant longue et dangereuse, il est décidé de reprendre la filière Espagnole depuis Paris. Jean Tromelin fait partie du groupe de guides qui amènent une dizaine d’aviateurs [7] à la Capitale. Le soir même, Jean Tromelin est dans le train du retour pour Saint-Brieuc avec du courrier pour Mr Lanlo.

Il est ensuite chargé de se rendre à Brest pour y rencontrer Michel Scheidhauer qui a fait prévenir Vladimir Bouryschkine (par l’intermédiaire d’Herveline Le Guillou ?) qu’il y aurait des aviateurs bloqués à Saint-Nic. Probablement dans l’espoir de monter un départ local, Jean Tromelin amène l’aviateur Roland Turenne avec lui. Après un entretien à Brest avec Michel Scheidhauer, le binôme gagne Plouguin pour y passer trois jours. Il y fait le plein de provisions et de fausses pièces d’identité grâce à son père. Le binôme se rend à Saint-Nic auprès de Herveline Le Guillou puis de son frère Noël Le Guillou à Chateaulin. Finalement, l’information était périmée, il s’agissait des quatre aviateurs récupérés mi mai par Joseph Le Bec et convoyé par Jean Tromelin dans les jours qui suivirent.

Après une halte chez Joseph Le Bec sur le retour, Jean Tromelin et Roland Turenne sont de retours dans la région de Saint-Brieuc fin mai 1943. L’opération maritime n’est toujours pas en vue, plusieurs aviateurs gagnent la capitale avec Georges Jouanjean. Par la phrase codée Denise est morte émise à la B.B.C, la filière d’évasion maritime est reportée à l’automne 1943. Ne pouvant attendre, le reste des aviateurs est transféré sur Paris le 31 mai 1943, en prévision d’un départ pour l’Espagne. Il y a environ une dizaine d’aviateurs convoyés, notamment par Jean Tromelin et Jean Camard. Sur le trajet, le plouguinois s’arrête à Rennes dire adieu à ses sœurs (elles y font leurs études). Le 1er juin 1943, après un court séjour chez Elizabeth Barbier au 72 rue Vaneau, le groupe se rend en gare d’Austerlitz pour prendre le train de nuit à destination de Bordeaux.

Le périple se poursuit à Dax, Orthez, Pau et Oloron-Sainte-Marie où les attend un agent du réseau. Jean Tromelin passe en Espagne le 5 juin 1943 et parvient à gagner Gibraltar le mois suivant, après un temps d’internement. Cela lui évitera bien des tracas, car le 20 juin 1943, Jacques Bonneron et Jean Camard, avec qui il a travaillé dans la clandestinité, sont arrêtés à Paris dans une souricière au 72 rue Vaneau. D’autres arrestations s’enchaînent et bientôt la famille Tromelin est dans le collimateur. Son père Jean Tromelin est arrêté à Plouguin le 5 juillet 1943, semble t-il suite à l’obtention par les allemands d’informations auprès de la famille Camard.

Jean Tromelin, parvenu à Londres avec 19 autres compagnons (dont Edward Roland Turenne et Peter William Lefevre [8]), souscrit un engagement volontaire dans les Forces françaises libres, le 18 août 1943. La famille Tromelin apprendra par la B.B.C que leur fils Yannick Larvor, est bien arrivé en Angleterre. Affecté sous les couleurs des Forces aériennes françaises libres (F.A.F.L) à la R.A.F anglaise, Jean Tromelin débute l’instruction militaire. Le 28 avril 1944, il est muté au Canada pour une année afin de poursuivre son apprentissage. Il obtient son grade d’aspirant et son brevet de pilote de chasse le 29 mars 1945. De retour en Angleterre il ne participe pas aux combats aériens au dessus de l’Allemagne. De retour en France, il est affecté à Meudon avant d’être démobilisé en décembre 1945.

Pour son engagement clandestin, Jean Tromelin obtient la médaille des évadés ainsi que la médaille de la Résistance française en 1945, la Medal of freedom (U.S.A) en 1946 et la King’s Medal for Courage in the Cause of Freedom (U.K) en 1949.

Jean Tromelin repose au cimetière de Briec de l’Odet, dans la caveau familial de son épouse, née Rolland.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Jean Tromelin et l’aviateur canadien Edward R. Turenne
Crédit photo : Famille Tromelin - Tous droits réservés
Jean Tromelin au Canada durant sa formation de pilote
Crédit photo : Famille Tromelin - Tous droits réservés
Yannik Tromelin dans la province de Saskatchewan (Canada)
Le finistérien pose devant une North American T-6 Texan.
Crédit photo : Marie-Annick Renaud

Sources - Liens

  • Famille Tromelin et Renaud, renseignements et iconographie.
  • Centre de généalogie du Finistère, registres d’état civil, aimablement communiqués par Gilles Cardinal.
  • Archives départementales du Finistère, dossier individuel de combattant volontaire de la résistance de Jean Tromelin (1622 W) et témoignage de Jean Tromelin (père) en 1945 (1 J 788).
  • Ordre de la Libération, registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 30/03/1945).
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de Résistant de Jean Tromelin (GR 16 P 578820), aimablement communiqué par Edi Sizun (2018).
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de contre-espionnage de Jean Tromelin (GR 28 P 2 361), aimablement communiqué par Julie Loarer (2022).
  • Francaislibres.net, notice synthétique de Jean Tromelin.
  • France-Crashes 39-45, notices des crash d’aviateurs alliés en France.
  • Evasioncomete.be, notice de Gilbert Graham Wright.
  • American Air Museum in Britain, notice biographique Gilbert Graham Wright.
  • Le-Fever.org, notice biographique de Peter William LeFevre.
  • KEITH Janes, They Came from Burgundy : A Study of the Bourgogne Escape Line, 2017, page 53.

Notes

[1Qui épousera Jean Madec dans l’après-guerre.

[2Lieutenant américain engagé dans la Royal Air Force Volunteer Reserve (R.A.F.V.R). Son Spitfire s’est écrasé après avoir consommé tout son carburant lors d’une mission d’escorte de bombardiers au dessus de Morlaix.

[3Parachuté le 20 mars 1943 en forêt de Rambouillet.

[4Les deux postes émetteurs étant H.S à l’atterrissage, Bouryschkine passera par ce réseau pour communiquer avec Londres.

[5Robert E Kylius, Clairborne W Wilson, Robert Edward Biggs et un canadien

[6Jack O Luehrs, Brian Barker (navigateur anglais) et deux autres non identifiés

[7Peter Lefevre, Charles E Mac Donald (à confirmer), Lee (non identifié), Retchinold (non identifié), Borden Carrick Dennison, Vancouver (non identifié), Howard (non identifié) et trois autres non identifiés

[8Il sera abattu en vol, le 6 févier 1944 au dessus de L’Aber Vrac’h par la D.C.A. Sa dépouille tombée en mer ne sera jamais retrouvée.