CALVÈS André

André Calvès nait le 6 février 1920 à Brest. Son père, Mathurin, est officier de Marine Marchande. Sa mère, Jeanne Goasduff est sans profession. Son père, par sa profession est longtemps absent. Le jeune André est proche de ses oncles Henri, un socialiste, et Marcel, un communiste, qui pendant la guerre d’Espagne est engagé sur un navire de France-Navigation, une compagnie écran du Komintern pour ravitailler en armes les républicains espagnols.

André racontera les péripéties des voyages clandestins vers l’Espagne de son oncle. Déchargement à Alicante d’essence pour l’aviation, achetée au Mexique. Interception au retour par les nationalistes et conduit à Ceuta. Relâché enfin. Marcel fera plusieurs voyages, les armes arrivant de Mourmansk vers l’Espagne républicaine, en méditerranée.

En 1932, il entre aux éclaireurs de France, où il se lie d’amitié avec Gérard Trévien, André Darley et Lucien Mérour. Ce dernier se noiera en août 1939 dans la baie des Trépassés (Finistère). Les amis poursuivront leur engagement au sein du Centre laïque des auberges de jeunesse.

Ayant adhéré aux jeunesses socialistes après les grèves de mai-juin 1936, il rejoint les jeunesses du Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (P.S.O.P), de Marceau Pivert (1939). Pacifiste, il s’oppose à la guerre et distribue un tract avec Gérard Trévien contre la guerre impérialiste. Mais la direction du P.S.O.P ne peut tenir le parti qui s’effondre rapidement. André et Gérard Trévien rencontrent un trotskiste, Alain Le Dem, bourrelier-sellier, qui va les orienter vers la Quatrième Internationale et assurer un début de formation.

André Calvès perd son père en novembre 1939, mort d’une péritonite, alors qu’il venait de prendre sa retraite. Après des études non abouties au Lycée de Brest, il s’inscrit à l’école de navigation, puis travaille sur un vapeur faisant la liaison Brest-Le Fret, en rade de Brest. Il se trouve enrôlé au début de 1940 sur un petit pétrolier ravitailleur, le Suroît, armé d’un seul canon, qui fait du cabotage sur la côte atlantique. André y passe six mois avant de mettre sac à terre.

En juin 1940, il est mobilisé et part à Bordeaux. Transféré dans les Bouches-du-Rhône, il est démobilisé et envoyé dans les nouveaux Chantiers de la Jeunesse française (C.J.F), ouverts par le régime de Vichy. Il se trouve au camp St Louis, dans la forêt du Rouet, non loin de Roquebrune-sur-Argens. Au printemps 1941, il revient à Brest, muni d’un certificat de bonne conduite négatif.
Son esprit rebelle l’amène à créer un Parti communiste révolutionnaire, qui publie un Bulletin ouvrier et paysan, devenu La Bretagne Rouge, en juillet 1941. Le petit groupe s’est étoffé par l’arrivée d’Yves Bodénez :

Nous avons, enfin, pris contact avec des camarades de Paris qui ont reconstitué le Parti ouvrier internationaliste (P.O.I) et publient La Vérité clandestine, chaque mois. Nous prenons donc le nom de P.O.I. Il y a une cellule à Brest, avec Gérard Trévien, ouvrier de l’Arsenal et ancien routier, André Darley, ouvrier photographe et ancien routier, Micheline Guérin qui épousera Gérard, Marguerite Métayer, ajiste, plus deux gars dont je n’ai connu que les pseudos. Autour de nous, un noyau de sympathisants plus ou moins actifs. La cellule de Kerhuon, animée par Yves Bodénez, charpentier, se compose de André Floch, de Paul Bienvenu tous deux ouvriers du bâtiment et de deux autres gars que je n’ai pas connu.

A l’été 1941, André Calvès part travailler à Paris. Il entre en contact avec le Parti ouvrier international et intègre une cellule du parti. Il est embauché dans une entreprise fabricant des rideaux de défense passive. Au printemps 1942, André qui dit avoir souffert d’une grande solitude à Paris, revient à Brest. Il se fait embaucher comme manœuvre aux Laminoirs et Tréfileries de Paris (LTP), au port de commerce. L’entreprise travaille pour des marchés de la TODT, organisation allemande qui dirige l’ensemble des travaux de fortifications de la région. Puis il devient pointeur (ou pointeau), chargé de contrôler l’embauche et la débauche sur les chantiers.

Il participe au travail de la cellule de Brest du P.O.I, qui diffuse un petit journal ronéoté, Front Ouvrier. Sur son chantier, du nom de « Pi Park Hafen », Il travaille avec deux camarades, Jean Mallégol, un ancien du PCF et son ami Robert Cavallo.

Il tape les stencils et effectue le tirage sur une ronéo, cachée dans un abri construit dans le jardin familial. En octobre 1942, face aux menaces d’envoi d’ouvriers de l’arsenal en Allemagne, le groupe du P.O.I rédige un tract, dénonçant les déportations et appelant à s’organiser, sans s’opposer radicalement à toute déportation (l’heure n’étant pas à la formation d’hypothétiques maquis). Ce tract sera repris dans le bulletin intérieur du P.O.I, puis dans le journal La Vérité, au risque d’attirer l’attention des Allemands sur les militants brestois. La Vérité est diffusé dans le premier cercle des militants, Front Ouvrier, dans les milieux ouvriers de l’arsenal et du port de commerce. Le groupe dispose désormais de deux ronéos, dont une empruntée à la LTP.

Le 25 mars 1943, il se marie à Claire Roger. Le même mois arrivent de Nantes Robert Cruau, Georges et Henri Berthomé. « Robert est d’une activité débordante. C’est souvent ainsi quand on commence à être un tout petit peu hors la loi. Il constitue une seconde cellule et recrute, trop vite de l’avis (peut-être timoré) des militants brestois. » écrira André Calvès.

Surtout, Robert Cruau donne une impulsion décisive au projet de fraternisation avec les soldats allemands, le Travail Allemand. Ce travail, très dangereux est confié à très peu de camarades, autour de Robert Cruau, le rédacteur des tracts et du journal en Allemand, Arbeiter im Westen, tiré à une centaine d’exemplaires. En septembre 1943, il participe à la collecte de fonds pour la famille de Charles Vuillemin, militant communiste fusillé le 17 septembre 1943, et des autres familles touchées par la répression.

En juin 1943, André Calvès est convoqué à la base sous-marine pour toucher sa paye. Comprenant qu’il risque d’être raflé, après s’être présenté, il décide de ne plus travailler à la LTP. Il se fait embaucher sur un chantier, mais il décide de demander une permission fin septembre jusqu’au 13 octobre et projette de rejoindre une amie en Belgique.

A Paris, il apprend que ça va mal à Brest. Quelques heures à Paris chez Maurice Nadeau. Il a entendu parler d’un coup dur à Brest, mais manque de détails. J’ai peine à croire que ce soit important et j’embarque [pour Brest]. Sur le quai de la gare de Brest, il croise à 11 heures. Conrad Leplow, soldat allemand du groupe de Arbeiter im Westen. Celui-ci lui donne rendez-vous chez André Darley à 14 heures.

Je passe à la Coop où travaille et mange Yolande Guérin, sœur de la femme de Gérard Trévien. Elle me regarde comme un revenant. Elle n’a pas le temps de m’expliquer quelque chose, Micheline Trévien arrive et m’embrasse en pleurant. Gérard est arrêté et bien d’autres copains dont Marcel Baufrère arrivé de Paris. Robert Cruau a été tué. On ne sait s’il a cherché à s’évader ou si la Gestapo l’a tué délibérément. J’explique que Conrad m’a donné rendez-vous chez Darley. Micheline dit « C’est Conrad qui a trahi. Il a participé aux perquisitions. Il y a une souricière chez Darley. C’est là que Gérard a été arrêté..

Il est hébergé par la secrétaire de la LTP au Relecq-Kerhuon, où il prend le train pour Morlaix, puis le train pour Paris. Yvan Craipeau lui donne mission de retourner à Brest en novembre : il se cache au refuge des auberges de jeunesse à Daoulas, après avoir pris le train de Quimper. Là il attend un contact. Son frère lui apporte nourriture et nouvelles. Conrad Leplow a participé aux perquisitions à la maison des Calvès. Jean Mallégol le contacte aussi. Après un passage à Brest, il retourne à Paris confirmer que le réseau brestois a été trahi.

A Paris, il collabore au journal La Vérité, qui va bientôt devenir le journal de l’unité trotskiste. Le P.O.I se transforme en mars 1944 en un Parti Communiste Internationaliste (P.C.I). Il prend contact avec des militants communistes.

Il entre dans la compagnie Saint-Just des Francs-Tireurs et Partisans (F.T.P) en mars 1944. Il participe à la récupération d’armes de poing sur des soldats allemands et des policiers français. Après avoir mené à bien la protection de deux manifestations, le groupe est versé dans les exécutions de collaborateurs et de miliciens. Le 21 juin 1944, André Calvès participe à l’attaque et l’incendie d’un garage allemand, rue de Picpus (12e). Le 24 juin le groupe exécute un milicien, rue Félix Voisin (11e). Le 10 juillet 1944, un commando de quatre hommes est chargé d’exécuter le maire de Puteaux, Georges Barthélémy, ancien S.F.I.O, anticommuniste et collaborationniste. André Calvès l’abat dans un square. Il est promu lieutenant F.T.P et chef de groupe. Le 26 juillet, il participe à l’exécution d’un agent de la Gestapo, rue des Goncourt (11e) en compagnie de Guy Dramart, sous-lieutenant, et de Jo Guell, adjudant.

Le 18 août 1944, avec Jo Guell, a lieu une première tentative d’exécution de Jean-Marie Clamamus, sénateur de la Seine, ancien député du P.C.F et maire de Bobigny. Il avait rompu avec le P.C.F en septembre 1939 rallié le Parti Ouvrier et Paysan Français. Le 26 août aura lieu une seconde tentative menée par un autre groupe. Le 19 août, premier jour de l’insurrection, la compagnie Saint-Just est chargée d’occuper la poste principale du XIXe arrondissement. Il participera ensuite à l’attaque du poste allemand, rue d’Hautpoul (19e), de la mairie du XIXe où il tue un milicien, d’un convoi allemand sur l’avenue Jean-Jaurès (19e). Au total, il affirme avoir abattu 5 soldats allemands au cours des diverses actions de son groupe F.T.P.

Après le regroupement des membres de la compagnie à la caserne de Reuilly (12e), il est incorporé dans la colonne Fabien, début septembre 1944, formée par les F.T.P pour aller se battre sur le front. Un millier d’hommes au total. La colonne Fabien, formation irrégulière, participera à la campagne d’Allemagne et sera intégrée à l’armée. André Calvès quitte la colonne Fabien et revient à Paris.

Il participe à quelques actions extra-légales : Un petit noyau de la Saint-Just et de la Guy-Mocquet est resté ensemble quelque temps. Nous avons fait quelques descentes chez des collabos. Des collabos économiques. Ils n’avaient porté aucun uniforme, ni écrit d’articles antisémites.

André Calvès reprend contact avec le Parti Communiste Internationaliste, où il tient la permanence du parti. Il reçoit des nouvelles de Brest par Gérard Trévien, apprend les morts du groupe brestois. De retour à Brest, il est candidat sur la liste présentée dans le Finistère par le P.C.I aux législatives de juin 1946. Sur le bulletin de vote il apparaît comme rédacteur à la Vérité, F.T.P de la compagnie Saint-Just, lieutenant au groupe tactique de Lorraine (colonne Fabien). Aux élections du 10 novembre 1946, il est second sur la liste proposée par le P.C.I. On souligne sa responsabilité à Brest dans le travail clandestin (Front ouvrier) jusqu’en octobre 1943 et sa participation à l’insurrection parisienne dans le 19e arrondissement.

Il apparaît comme le pivot de la rédaction du journal Le Militant, bulletin interne du P.C.I de la région Bretagne. Dans le numéro 2 du journal – 31 décembre 1946 – il est le responsable régional du P.C.I. Il vend le journal avec les frères Trévien, distribue des tracts sur Brest. En juillet 1948, il fait part de son expérience dans la colonne Fabien. André Fichaut, dans son ouvrage Sur Le Pont évoque André Calvès : Concernant la formation théorique, nous avions beaucoup de chance [au Mouvement révolutionnaire de la jeunesse] Un camarade du P.C.I brestois, André Calvès, qui disposait de beaucoup de temps libre, se chargeait, et avec quel talent, de tous les problèmes philosophiques et historiques. (En mars 1949).

Il décède à Brest le 13 janvier 1996, après une vie militante au sein d’organisations issues du trotskisme, son dernier engagement est au sein de la Ligue Communiste Révolutionnaire (L.C.R).