CARAËS Joseph

Joseph Caraës s’engage volontairement dans la Marine nationale en octobre 1929. Il épouse Jeanne Falhun, le 20 septembre 1934 à Landéda et de cette union naîtront quatre enfants. Nous ignorons son parcours militaire durant la guerre 1939-1940 ainsi que sous l’occupation. Il est néanmoins probable qu’il se trouvait en Zone libre puisqu’après le sabordage de la flotte française à Toulon, il est mis en congés d’armistice. Il se retire alors à Landéda où il retrouve sa famille.

En septembre 1943, Jean-François Derrien sonde ses relations à Landéda pour trouver un futur responsable local de la Résistance. De par la famille Falhun, gérants d’un commerce dans le bourg, le gendarme de Lannilis approche le premier maître fusilier en congés d’armistice. Joseph Caraës accepte et bientôt se tient une réunion de coordination avec le premier maître Claude Merceur, lui aussi en congés d’Armistice. Ce dernier devient alors l’adjoint de Joseph Caraës ; le recrutement théorique de volontaires prêts à se battre quand le débarquement interviendra débute. Les deux marins ne ménagent pas leurs efforts et outre le recrutement, ils participent à la collecte de renseignements. Après le démantèlement du réseau Alliance, la résistance cantonale de Lannilis passe sous l’égide du mouvement Défense de la France (D.F).

Les réunions périodiques avec Jean-François Derrien permettent de suivre l’avancement du recrutement et le début d’une structuration d’unité combattante. En fin d’année, l’Armée secrète (A.S) voit le jour avant d’évoluer en Forces françaises de l’intérieur (F.F.I) dans les premiers mois de l’année 1944. Quelques armes parviennent à Landéda en mars 1944, permettant à Joseph Caraës d’entamer l’instruction militaire de ses recrues n’ayant aucune expérience en la matière. La dotation en armes reste néanmoins famélique, aucune action ne peut être envisagée frontalement avec l’occupant. Les consignes vont d’ailleurs en ce sens, il est recommandé d’être prudent et d’agir en toute discrétion.

Début août 1944, Joseph Caraës bat le rappel de ses volontaires. Il a reçu ordre de prendre le maquis à Keryel en Tréglonou. Sur place, ses groupes de combat sont armés. Beaucoup de participants sont des nouvelles recrues, il faut les instruire brièvement. La Compagnie F.F.I de Landéda est désormais opérationnelle. Au déclenchement de l’insurrection, elle doit attaquer le campement allemand situé au manoir de Kerbabu à Lannilis, qui se trouve à environ 4.5 kilomètres du maquis. Déclenché sur ordre de l’État-major F.F.I dans la nuit du 5 au 6 août 1944, l’assaut est donné au signal des officiers. Tous les hommes bondissent vers les objectifs assignés, mais ils sont arrêtés et cloués au sol par un violent tir de barrage. Quelques groupes réussissent à avancer et donnent l’assaut mais l’ennemi est bien supérieur en nombre et matériel que les estimations le prévoyaient. Bien retranchés, les allemands tiennent en respect les F.F.I qui se replient. Parvenus au point de ralliement, neuf hommes manquent à l’appel et l’on dénombre onze blessés. Parmi les victimes, Joseph Caraës est blessé par des éclats de grenade à l’épaule gauche et à la jambe droite. Pire encore, son frère Jean Caraës est tué en voulant porter secours à un blessé.

Joseph Caraës relate cette tragédie :
« Les yeux pleins de larmes, nous décrochons et quittons le camp, et prenons le chemin du repli. Les hommes des 2ème et 3ème groupes nous attendent. Arrivés à environ 60 mètres du camp, mon frère, chef de section, me dit : Je crois avoir vu un blessé remuer : tâchons de le ramener.

Le temps de dire au chef du 1er groupe de s’occuper du personnel, tous les deux, nous remontons vers le camp. À 5 mètres du croisement, de la route Est-Ouest, je m’abrite derrière un arbre tout en surveillant, par la droite, l’entrée principale du camp. Par la gauche de cet arbre, mon frère va essayer d’atteindre le blessé au bord du talus de l’autre côté de la route précitée. À peine a-t-il fait une quinzaine de pas qu’un coup de feu est tiré du taillis du camp. Y avait-il un blessé à cet endroit ?

Je n’entends plus rien. J’appelle mon frère à trois ou quatre reprises : pas un mot, ni un souffle. Dans l’impossibilité de l’atteindre, je rebrousse chemin vers le point de ralliement où le chef du 1er groupe faisait l’appel. » [1]

Malgré les pertes F.F.I, les allemands sont fixés sur leurs positions et n’osent plus s’aventurer en dehors de leurs cantonnements. Les F.F.I sont maîtres des routes et le 10 août 1944, la garnison allemande se rend aux américains à Lannilis. Le lendemain, les derniers allemands se rendent à Landéda également. S’ensuivent des opérations de nettoyage de tout le secteur pour débusquer les soldats allemands se cachant en rase campagne et récupérer le matériel abandonné par l’occupant.

Le Bataillon F.F.I de Lannilis se réorganise avant d’être déployé pour la réduction de la poche de Brest et du Conquet. Le 15 août 1944, l’unité se porte sur la ligne de front entre Plouguin et Coat-Méal. Le 22 août avec l’aide des américains, les F.F.I de Lannilis refoulent les Allemands au-delà de Milizac. Fin août, le bataillon est en position à Locmaria-Plouzané, sur la route menant à Brest, après être passé par Saint-Renan. Les opérations se poursuivent à Plougonvelin jusqu’à la reddition complète de la poche du Conquet le 10 septembre 1944. Une partie du bataillon est ensuite déployée dans les faubourgs de Brest jusqu’à la capitulation allemande le 18 septembre 1944. Les F.F.I de Lannilis sont démobilisés le 1er octobre 1944.

La Libération venue, Joseph Caraës réintègre la Marine nationale. En 1946, il est promu officier des Équipages de la Flotte. Il reçoit également cette année là, la médaille de la Résistance française, avec rosette. Cinq années plus tard, il se trouve en poste à Oran quand il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Enfin, il est promu Officier de la Légion d’Honneur en 1961.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Portfolio

Cérémonie de Kerbabu (1984)
Joseph Caraës et Jean-François Derrien
Source : DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994, page 141.

Sources - Liens

  • Archives départementales du Finistère, dossier individuel de combattant volontaire de la résistance de Joseph Caraës (1622 W).
  • Archives F.F.I de l’arrondissement de Brest, registre des effectifs de la Cie F.F.I de Landéda.
  • Ordre de la Libération, registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 13/10/1946).
  • DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994.
  • MICHEL Jacques, Les années noires d’un village breton, édition à compte d’auteur, Landéda, 2005.
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier individuel de Résistant de Joseph Caraës (GR 16 P 105707) - Non consulté à ce jour.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture.

Notes

[1DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994, pages 151 et 152.