Maurice El Michali nait le 11 décembre 1893 à Oran, son père y exerce le métier de négociant et est administrateur de société mutuelle. Il devient ingénieur civil et exerce dès les années vingt le métier d’architecte. Il se marie le 15 octobre 1917 à Jeanne Sparfel, la fille d’un riche homme d’affaires brestois qui a épousé Marie-Jeanne Kermoal, veuve Pleiber.
De cette union naitra le 25 août 1924, Maurice, né à Kerlouan où les Michali possèdent la villa Les Roses. Par une vente à Maurice Michali, Marie-Jeanne Kermoal transmet l’immeuble qu’elle possède au 84, rue Louis-Pasteur et qu’il transforme en partie en hôtel meublé, le Celtic. L’hôtel sera au centre de tensions familiales. Le rez-de-chaussée est occupé par Yves Marie Bizien, un épicier en demi-gros, qui possède par ailleurs le café Le Tourville.
Entre juillet et octobre 1940, paraissent la loi interdisant les sociétés secrètes, visant à frapper de nullité les obédiences maçonniques : Maurice Michali est franc-maçon, occupant le poste de premier surveillant à la loge des Amis de Sully. Une deuxième séries d’ordonnances allemandes sur le statut des Juifs et l’aryanisation des entreprises juives sont édictées par l’armée d’occupation.
Maurice Michali doit prendre des précautions (baptême et mariage religieux catholique à l’église de Kerlouan). Ainsi doit-il faire face en 1941 à une procédure d’inscription au fichier juif. En août 1941, il a réussi à faire valoir son aryanité et les Allemands ordonnent qu’il soit rayé des listes du recensement des juifs en préfecture (13 août 1941), ce qui est effectif le 21 novembre 1941.
A fait abjuration de toutes les erreurs de la Franc-maçonnerie le 21/11/1940 à l’Évêché de Quimper (déclaration du 16 avril 1943).
Il échappe à la confiscation de ses biens mais il est tout de même interdit en décembre 1940 de s’inscrire au nouvel Ordre des Architectes et se voit privé de continuer officiellement sa profession d’architecte. Avec sa femme et son fils, il se retire à Kerlouan à la villa Les Roses. Dès octobre les Allemands s’intéressent aux Michali, à la suite de dénonciations de personnes mues par la vengeance et la jalousie vis-à-vis de la réussite des Michali. La belle-sœur de Jeanne Sparfel, Louise Carichon, veuve Pleiber, ainsi que Herveline Calvez, épouse Tarouilly, furent impliquées dans cette affaire de dénonciation mais les deux femmes ne furent pas condamnées, faute de preuves. Maurice Michali est accusé d’avoir caché son ascendance juive et son appartenance à la franc-maçonnerie. Il est même accusé de posséder un poste émetteur !
Maurice Michali avait déjà été en contact en 1941 par Georges Lapouge, un étudiant en théologie, et fondateur du réseau Roy - Mission Lenoir. Pendant l’été 1942, il est sollicité par Roger Bothuan, directeur de l’école du Tréas à Kerlouan et proche voisin, pour entrer dans le réseau Alliance, sous la direction du docteur Paugam (Brignogan-Plages). Ils seront chargés de surveiller les agents français de la police allemande mais surtout de cartographier les fortifications que les allemands érigent sur le littoral du Nord-Finistère. Il semble également que Michali ait profité de travaux en sa qualité d’ingénieur en génie civil pour relever des plans de batteries. Maurice fils profitait de longues randonnées à vélo pour noter les fortifications. Plusieurs indices montrent que Maurice Michali collecte des informations sur la base sous-marine allemande et les fortifications littorales érigées par l’organisation Todt.
Le 7 janvier 1943, Yves Marie Bizien, qui est membre du Parti National Breton (P.N.B) expédie une lettre de dénonciation à Yann Bricler, industriel quimpérois et figure connue du mouvement breton. Bricler entretient des relations au plus haut niveau du S.D, à Rennes et Paris. La lettre sera transmise au S.D de Rennes. Le 12 avril, un ordre de l’aussenkommando de Brest d’arrêter Maurice Michali et son fils pour avoir caché leur judéité à la gendarmerie de Brest est transmis à la gendarmerie de Brest. Le 16 avril, alors que la villa Les Roses de Kerlouan est encerclée par les Allemands, les gendarmes de Lesneven procèdent à l’arrestation des deux hommes. La gendarmerie soutiendra plus tard avoir laissé un délai pour permettre aux Michali de se cacher. Ils sont enfermés à la prison Jacques Cartier de Rennes. Jusqu’au 3 mai, (la durée d’emprisonnement aurait été de 22 jours – 8 mai - selon Jeanne Michali, mais ce chiffre est contredit par un courrier de Bizien datant du 8 mai) ils sont interrogés par la police allemande et le commissariat français aux affaires juives. Ils sont libérés au bout de trois semaines et doivent résider dans leur villa et se présenter toutes les semaines à l’aussenkommando, à Lambézellec.
Maurice Michali, persuadé que le commissaire aux questions juives de Rennes ne les lâchera pas et qu’il veut les interner à Drancy, décide de précipiter sa fuite. Il décide de rejoindre les Forces Françaises Libres (F.F.L) par l’Espagne. Il est aidé dans cette entreprise par Georges Lacroix et Paul Masson, du réseau Alliance. Michali et son fils quittent Brest le 30 juin 1943. Ils sont arrêtés en gare de Dax le 1er juillet lors de l’arrestation d’une cinquantaine de résistants en fuite. Transférés à Bayonne, ils sont enfermés au fort du Hâ à Bordeaux puis au camp de Mérignac, et enfin transférés vers Drancy.
Le 7 décembre, ils sont déportés au KL Auschwitz-Birkenau (convoi n°64) en même temps que Félix, frère de Maurice Michali, arrêté à Bordeaux le 21 juillet suite à une dénonciation. Le 11 et le 16 décembre 1943, le Commissariat aux questions juives délivre à Jeanne et Maurice fils un certificat de non-appartenance à la race juive. Maurice fils est assassiné le 31 mars 1944, tandis que Maurice Michali est transféré avant la prise du camp par les soviétiques vers Mauthausen en Autriche. Il est massacré le 17 janvier 1945.
Cette affaire est imbriquée dans celle des papiers (liste de dénonciation et correspondance) dont une copie est remise par Jean Bouché, comptable de Bricler à son cousin Le Borgne, résistant, à la mi-mai 1943. (voir Roger Bothuan). Le Borgne confie le dossier à ses supérieurs qui l’envoient à Londres Après une surveillance et une demande soumise au BCRA en août 1943, l’ordre d’exécution de Bricler est mené à bien le 4 septembre 1943.
Une autre copie est confiée à Alphonse Moysan, agent de l’administration maritime à Brest, qui prévient Jeanne Michali. Sur sa demande Roger Bothuan en fera copie et il prévient début octobre l’écrivain et linguiste Francis Gourvil, menacé par les écrits de Bricler. Il enterrera ensuite les pièces à conviction. Le 7 octobre 1943, l’exécution de Bricler est relatée dans la chronique de Maurice Schumann. La copie détenue par Jeanne Michali servira aux poursuites engagées contre Yves Marie Bizien.
Après-guerre, un procès se tient le 28 février 1946, il met hors de cause Louise Carichon, veuve Pleiber, accusée d’avoir participé à la dénonciation, et condamne par contumace Yves Marie Bizien à vingt ans de travaux forcés. Ce dernier est arrêté le 11 avril 1946 à Bayonne, sous la fausse identité d’Yves Le Gall, voyageur de commerce. Il est rejugé à Rennes le 2 juillet 1946, en compagnie de Louise Carichon, accusée cette fois d’avoir dénoncé Michali en octobre 1940. Louise Carichon est acquittée, faute de preuves, et Yves Marie Bizien est condamné à six ans de prison, la confiscation de ses biens et la dégradation nationale. Le 24 mai 1952, il est libéré et en septembre 1955, il est remis de sa peine de dégradation nationale. En 1958, il est autorisé à reprendre une activité commerciale.
Le 4 septembre 1948 les Michali père et fils furent reconnus membres du réseau Roy O.S.S.