MINDREN Yves

Yves Marie Mindren est le fils d’un surveillant du port de guerre de Brest. Il entre à l’école des apprentis mécaniciens du port de Lorient puis s’engage comme volontaire en 1914. En 1916 il embarque sur le torpilleur Saphi. Promu Premier Maître Mécanicien en 1923, il embarque alors sur des sous-marins. Il est affecté à une école de spécialité qui en 1927 lui permet d’être nommé ingénieur mécanicien de seconde classe, à la 2ème escadrille de sous-marins à Brest, puis sur des transporteurs pétroliers de sous-marins (Jules-Verne). Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 27 juin 1929. Yves Mindren épouse ensuite Jeanne Augustine Goazcoz, avec qui il aura quatre enfants : Georges, Robert, André et Paulette. En 1936, il est affecté sur le croiseur Marseillaise et rejoint Cherbourg en 1938 comme ingénieur principal au centre des sous-marins.

Lors de la débâcle en juin 1940, il participe aux combats contre une colonne allemande sur la route de Octeville. Il parvient à évacuer avec une soixantaine d’hommes à bord de trois bateaux de pêche. Ils font une halte à Aurigny puis les français sont débarqués à Portsmouth. Ils sont déplacés à plusieurs reprises par les autorités anglaises avant d’être assignés à l’hippodrome de Entry. Yves Mindren reforme alors une unité d’environ deux cent hommes prêt à reprendre le combat. Les anglais, défavorable à l’idée, les laissant croupir sous des tentes avec peu de ravitaillement durant un mois. Lors de la visite de De Gaulle à Intry en juillet 1940, l’accueil est plutôt réservé au vu de l’accueil des Anglais. Yves Mindren fait partie de ces sceptiques et bientôt il est rapatrié au Maroc lors d’un échange de prisonniers entre l’Angleterre et la France.

Yves Mindren navigue alors encore quelques temps sous pavillon de la Marine de Vichy avant de donner sa démission. Il semble que le divorce soit partagé avec la Marine car il est révoqué le 11 novembre 1940 pour son appartenance à la franc-maçonnerie. Il refuse de servir le régime de Vichy, et dès 1941, il revient à Brest et monte avec l’ingénieur Najac une société de récupération de matériel anglais abandonné à la débâcle. Il parvient à obtenir un droit d’entrer à l’arsenal et semble y rencontrer des résistants du groupe de Roger Ogor du groupe Élie. Ce contact ne donne rien de plus, le groupe Élie étant arrêté peu de temps après.

Yves Mindren perd son épouse, Jeanne Augustine Goazcoz le 5 juillet 1942. Se sentant en plus surveillé par un capitaine allemand, il quitte Brest et s’installe à Laval où il connaît un industriel, Bernard Le Pecq. Ce dernier fait partie d’un réseau de résistance depuis mars 1942. Rapidement, Le Pecq présente son ami brestois au chef du réseau Ronsard, Louis Richard. Après les présentations, Yves Mindren est alors recruté dans l’usine et se livre au sabotage de la chaîne de production tandis que son ami Le Pecq recherche des terrains de parachutage viables dans le secteur. En janvier 1943, le mauvais travail de Mindren risque de le démasquer, il intègre alors complètement le B.R.C.A comme agent secret au sein du réseau Ronsard.

Il est alors (avec l’aide du réseau ?) embauché par la société Le Bon comme inspecteur des réseaux électriques de l’Ouest. Il dispose d’une attestation allemande, émanant de Paris, lui permettant de pénétrer dans toutes les centrales électriques et dans les barrages. Sur ordre de son chef, Yves Mindren, qui se fait appeler désormais Loup de Mer ou Léon Marinier, développe le réseau de renseignement en Bretagne. L’objectif est d’étudier les installation allemandes, les mouvements des flottes et troupes. Il rend également compte des résultats des bombardements alliés. Pour se faire, il noue des contacts à Carantec, Brest, Lorient, Saint-Nazaire et Nantes. Au mois de février 1943, il compte déjà une vingtaine d’agents.

À Brest, il s’appuie sur des officiers de la Marine tels que Jean Cloarec et Francis Nédélec. Il sait aussi compter sur des commerçants comme le couple Albertine et François Porzier, qui tiennent un restaurant au 13 rue de Lyon ou Paul Dreyer, gérant du café-hôtel Bar de la Poste du 27 rue du Château. Ils servent de boites aux lettres et de contacts aux membres du réseau. Mindren utilise également ses relations pour obtenir des renseignements : ainsi va-t-il demander à Armand Marc, entrepreneur de BTP, d’accepter des travaux dans le cadre de la construction du Mur de L’Atlantique afin de pouvoir se procurer les plans des fortifications allemandes. En mars, il recrute Joseph Guihéry, gérant d’une scierie mais surtout homme de sport très connu dans la région brestoise. Il s’introduit également dans l’arsenal de Brest comme commis de marine, sous une fausse identité, afin de contrôler l’activité du port et de fournir de façon permanente les mouvements des sous-marins allemands. Il contacte également des employés de l’arsenal, comme Marcel Toully, du service photographique de la D.C.A.N ou encore Emile Rohel. Tous les renseignements qu’il peut collecter, sont rapportés de vive voix à son supérieur à Paris puis transmis en Angleterre par radios.

Il semble qu’un projet entre les chantiers Sibiril et Yves Mindren était en cours concernant d’éventuelles liaisons maritimes. Mais celui-ci ne put aboutir car en mai 1943, un mystérieux individu informe Mindren qu’il possède sur lui des pièces compromettantes le présentant comme l’organisateur d’un réseau de résistance et veut le faire chanter. Les pièces en question sont des notes recopiées par des amis de Morlaix, en qui Mindren avait toute confiance. L’individu demande également à entrer dans l’organisation de Résistance.

Yves Mindren tempère et en réfère à Louis Richard. Ce dernier, voyant très bien la tentative à peine dissimuler de noyautage de son réseau, donne comme consigne de lui proposer de devenir un agent double pour le compte du B.C.R.A. Le corbeau n’est autre que Robert Gervais, membre du P.P.F à la solde des allemands. Une nouvelle rencontre est alors organisée aux Mans entre Mindren et Gervais. Ils se mettent d’accord et un nouveau rendez-vous est programmé à Paris.

Mais quand Yves Mindren se présente le 9 juillet 1943 à Paris, à son rendez-vous, il tombe dans une souricière. Au même moment à Brest, le couple Porzier est arrêté dans son restaurant. Une grande partie du réseau est démantelé. Des arrestations se produisent dans plusieurs villes.

Interrogé et torturé à plusieurs reprises, Yves Mindren est condamné à mort puis sa peine est commuée en détention. Il est interné au camp de Compiègne, d’où il est extrait le 27 janvier 1944 et dirigé vers le camp de Buchenwald (Weimar, Thuringe). Il est immatriculé le 29 janvier sous le numéro 44909. Il est envoyé à Schönbeck, dans le Mecklembourg (Entre Lubeck et Szczecin) le 18 février 1944. Il va y prendre la codirection du comité de solidarité clandestin créé pour venir en aide aux déportés français. Il réussit à s’évader lors d’un transfert pendant la retraite allemande, avec une quinzaine de prisonniers. Délivré par les armées alliées, il est alors dans un état physique alarmant.

En juin 1944, alors que son sort demeure inconnu, le général Koenig, commandant des forces françaises en Grande-Bretagne lui décerne la croix de guerre 1939-1945 avec étoile d’argent, au nom du gouvernement provisoire de la république française (GPRF), avec la citation suivante :

Marinier Léon, ingénieur mécanicien principal de la Marine. Au cours des nombreuses et périlleuses missions qui lui ont été confiées, a fait preuve du courage et de l’esprit de sacrifice les plus purs, a contribué au développement de la résistance en France occupée.

Le réseau Ronsard de Brest arrive à se reconstituer et poursuivre ses activités jusqu’à une nouvelle vague d’arrestations en mai 1944. Le 29 octobre 1945, il est promu officier de la légion d’honneur avec la mention suivante :

Magnifique officier d’un courage et d’un dévouement exemplaire, a créé un important réseau de renseignement en Bretagne, qui a fourni les informations les plus importantes à l’État-Major Allié. A fait preuve des plus belles qualités de chef et d’organisateur à la tête de son réseau. Arrêté par l’ennemi, déporté en Allemagne, malgré les plus cruels sévices, a montré une extraordinaire volonté de résistance, soulevant l’admiration totale de ses camarades de captivité auxquels il s’imposa comme chef indiscuté.

Des procès sont organisés à la libération contre la dénonciatrice et l’indicateur, Robert Gervais, ancien de la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (LVF) au terme desquels Robert Gervais sera condamné à mort pour diverses affaires.

En juin 1946, Mindren, bénéficie d’une pension d’invalidité et il est versé dans la réserve, avec le grade d’ingénieur-mécanicien en chef, et dans les forces françaises libres celui de lieutenant-colonel. Il va s’installer à Vincennes, , et se remarie avec Marie Corentine Paul. Il sera adjoint au maire de la ville mais il garde des relations serrées avec Brest. Membre depuis 1929 du Grand Orient de France, il participe en mai 1948 au redémarrage des Amis de Sully, sa loge mère, dont plusieurs membres ont participé à des mouvements de résistance.

De retour à Brest en 1954, il s’investit dans la vie associative et anime la section locale de L’Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus (UNADIF) et prend des responsabilités dans la section départementale.

Le 14 juillet 1958, il est fait commandeur de la légion d’honneur devant le front des troupes à Brest, par le contre-amiral Lahaye, à sa demande. Il a été décoré de nombreuses fois : médaille de la résistance avec rosette, des évadés, combattant volontaire de la guerre 1914-1918 et 1939-1945, légion d’honneur. Une rue de Brest porte son nom dans le quartier de l’Europe.

Publiée le , par Gildas Priol, Jean-Yves GUENGANT , mise à jour

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Sources - Liens

  • Archives municipales de Brest, registres d’état civil (1E/L105 et 3E433) et dossier biographique d’Yves Mindren (13BIO70).
  • Archives départementales du Finistère, fiche matricule militaire d’Yves Mindren.
  • Archives nationales, base Léonore et témoignage d’Yves Mindren en 1946.
  • Ordre de la Libération, mémoire de proposition de décoration, aimablement transmis par Mathieu Blanchard (2023) et registre des médaillés de la Résistance française (J.O du 17/05/1946).
  • Bibliothèque nationale de France, bibliothèque numérique Gallica, collection du J.O.
  • Fondation pour la mémoire de la déportation, registre des déportés (I.171).
  • Arolsen Archives, centre international sur les persécutions nazies.
  • Fondation des mémoriaux de Buchenwald.
  • VULLIEZ Albert, L’enfer de Brest, 1939 - 1945, éditions France-Empire, 1985.
  • KERVELLA André, Brest Rebelle, éditions Skol Vreizh, 1998.
  • FALIGOT Roger, Brest l’insoumise, éditions Dialogues, 2016.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.