Yvonne Manière est institutrice puis directrice d’école à Paris. Elle épouse André Le Tac, le 17 décembre 1903 à Paris et de cette union naîtront trois enfants, Roger en 1904, Yves en 1908 et Joël en 1918. Après la naissance de leurs deux premiers garçons, Yvonne et André découvrent la Bretagne et tombent amoureux de Saint-Pabu où ils font construire en 1910 une maison sur la pointe de Kervigorn. Bénéficiant de deux mois de congés l’été, la famille s’y retire tous les ans ainsi qu’à Pâques. La Première Guerre mondiale éclate et son mari part au front tandis qu’Yvonne continue d’enseigner. Yvonne et son mari se revendiquent pacifistes, de gauche, libres penseurs et patriotes. En 1937, Yvonne prend sa retraite d’enseignante.
Lors de la débâcle en 1940, Yvonne et André reçoivent une carte postale de Joël leur indiquant qu’il veut continuer la guerre. Les époux quittent Paris et s’installent dans leur maison de Kervigorn à Saint-Pabu au début de l’occupation.
Fin mars 1941, Joël Le Tac les retrouve à Saint-Pabu. D’abord troublée par cette surprise, les parents Le Tac sont informés par leur fils de l’opération qu’il vient de tenter dans le Morbihan pour le compte de la France libre de De Gaulle. Il n’est que de court passage, juste le temps de prendre quelques renseignements dans le secteur de Brest avant son extraction prévue pour le début d’avril 1941. Dès le lendemain de son arrivée, Yvonne et André participent volontairement à la collecte de renseignements pour leur fils. Le séjour s’achève au bout de quelques jours, Yvonne et André reprennent alors leur vie quotidienne de retraités tout en s’occupant de leur petite fille Monique.
Durant l’été 1941, Yvonne Le Tac apprend par une rumeur que des pêcheurs bretons ramènent à terre des aviateurs de la R.A.F. Elle se rend avec des habitants au devant de ce navire sur la plage de Béniguet, non loin de son domicile. Quand elle voit débarquer les aviateurs canadiens, Yvonne leur manifeste son soutien avec véhémence. Cela lui vaut d’être le lendemain arrêtée par les allemands et conduite à la kommandantur de Ploudalmézeau. Elle y passe deux jours avant d’être transférée à la prison maritime de Pontaniou à Brest. Elle y séjourne dix jours avant d’être libérée.
En octobre 1941, Joël Le Tac revient à Kervigorn chez ses parents. Cette fois il a été déposé par vedette rapide au large de Saint-Pabu et a terminé la traversée en canoë. Il est accompagné d’un opérateur radio, Alain de Kergorlay. Leur objectif est d’implanter le réseau Overcloud en France. Yvonne et André vont dès lors entrer concrètement dans cette organisation et participer, du mieux qu’ils peuvent, aux efforts de leurs fils Joël et Yves. Notamment lors des opérations maritimes fin 1941, début 1942.
Les parents Le Tac hébergent à nouveau leur fils Joël, accompagné de Fred Scamaroni fin décembre 1941. Le breton de Montmartre doit aider à extraire de France celui qui est appelé à devenir le chef de la Résistance corse. Après avoir entendu la phrase codée Alfred de Musset est un grand poète sur le poste radio de son père André, Joël Le Tac et Fred Scamaroni filent en canoë au large de Saint-Pabu. Le rendez-vous en mer est loupé avec la vedette. L’opération est retentée dans la nuit du 30 au 31 décembre, après une nouvelle écoute de la phrase codée. Cette fois c’est Yves Le Tac qui pagaie pour évacuer Fred Scamaroni. L’opération est une réussite et permet l’acheminement à terre, d’un second opérateur radio, Pierre Moureau.
Durant l’échange, Yves Le Tac a fait savoir à l’équipage qu’un nouveau transport est à organiser rapidement, plusieurs personnes cherchent à être exfiltrées vers l’Angleterre. En prévision de cette nouvelle opération maritime, Yvonne Le Tac se rend auprès de Pierre Perhirin, ancien de 14/18, patron d’un petit chantier naval à Landéda. C’est à lui que la famille Le Tac avait confié la construction d’un petit cotre breton avant guerre. Yvonne lui demande cette fois de participer au transfert d’hommes et de matériels vers l’île Guenioc. Le charpentier naval accepte cette tâche clandestine, il est malheureusement alité et dans l’impossibilité de les aider quand la phrase codée Aide-toi et le ciel t’aidera est diffusée sur les ondes.
L’opération est proche, Yvonne et André hébergent alors depuis quelques jours sept résistants : Joël et Yves, Jean Forman, Henri Labit, André Peulevay, Bertrand Paulin et Jean Chanal, un officier de l’armée de l’air. Yvonne accompagne cette troupe jusqu’à Corn-ar-Gazel le soir du 4 janvier 1942. Une première étape consiste à transborder tout le monde sur l’île Guenioc, avant de rejoindre la vedette rapide anglaise, attendant au mouillage à l’heure convenue à cinq cents mètres de l’île.
André et Yvonne Le Tac sont de nouveau au repos après ces quelques jours de forte activité. Dans la nuit du 25 janvier 1942, leurs fils et André Peulevay sont de retour par voie maritime à Saint-Pabu. Ces derniers ne s’attardent pas et se dispersent pour poursuivre l’organisation du réseau Overcloud.
Le réseau est néanmoins déjà sous surveillance. Joël est arrêté le 5 février, Yvonne et André le 7, Yves quelques jours après à Paris. Yvonne est transférée à la prison de la Santé avant d’être regroupée avec les autres prisonniers du réseau à la prison de Fresnes. Yvonne et sa belle fille Andrée (conjointe d’Yves Le Tac) sont ensuite conduites au fort de Romainville en région parisienne.
À Saint-Pabu, la maison est occupée par les allemands, qui y tendent une souricière. Elle est finalement abandonnée devant la non activité de ce point de rendez-vous, à l’exception de Pierre Perhirin qui s’y présente au début d’avril 1942. Durant l’absence des Le Tac, la population de Saint-Pabu ne tarde pas à piller son contenu. Détruite, la maison sera finalement reconstruite après guerre.
De son côté, le périple d’Yvonne Le Tac ne s’achève pas dans la région parisienne. Sous le matricule 21686, elle et 57 autres femmes sont déportées en Allemagne depuis Paris, le 26 juillet 1943. Elle passe par les camps de Ravensbrück, Lublin-Majdaneck et Auschwitz. Libérée par l’armée soviétique, l’enseignante en retraite est rapatriée à Marseille via Odessa. Après guerre, elle passe un temps à Saint-Pabu avant de finir ses jours à Paris.
Elle est décorée de la Croix de Guerre 1939-1945, avec palme et reçoit la médaille de la Résistance française, avec rosette en 1946. La même année, elle est nommée Chevalier de la Légion d’honneur. Une rue de Paris porte son nom depuis janvier 1958 ainsi que l’établissement scolaire situé dans cette même rue. En 2000, un ouvrage lui est consacré par sa petite fille Monique (voir Portfolio).