Jean François Marie Le Gall intègre en 1937 les rangs de la police à Brest, comme agent de la Brigade cycliste du commissariat central. Il épouse Henriette Kerdoncuff (1920-2007), le 20 septembre 1938 à Rumengol et de cette union naîtront deux enfants. Mobilisé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, le policier brestois est affecté dans un régiment d’artillerie lourde. Tombé malade, il bénéficie d’une évacuation sanitaire au début juin 1940, le portant loin des combats et lui évitant de fait, d’être fait prisonnier lors de la débâcle. Démobilisé le 24 juillet 1940, il retrouve Brest occupée par l’armée allemande et son domicile du 33 rue Tourot. Pour palier au manque d’effectif suite à la guerre, Jean Le Gall se voit proposer la fonction d’inspecteur de police stagiaire. Avec les bombardements sur Brest, sa femme Henriette part se réfugier chez sa sœur à Plounéventer. De son côté Jean Le Gall quand il n’est pas sous l’uniforme, porte assistance aux brestois au sein de la Défense passive (D.P).
Fin octobre 1941, le commissaire François Charroy est muté à Brest pour diriger la police brestoise. Ce dernier crée peu de temps après son arrivée, des sections d’inspecteurs et d’agents chargés des problèmes spécifiques, notamment celui de l’afflux massif d’étrangers travaillant pour la Todt [1]. C’est ainsi que Jean Le Gall est détaché à la Section nord-africaine.
Jean Le Gall relate son quotidien :
« Le travail de la section nord-africaine imposait qu’on réglât ou au moins qu’on tentât de régler les affaires les plus diverses de droit commun, ce qui nous amenait sur le terrain à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Mais il imposait aussi de fortes astreintes administratives, en apparence fastidieuses, mais qui, à la longue, s’avérèrent particulièrement utiles. Ainsi, la tenue du fichier des nords-africains résidant à Brest nous prenait-il beaucoup de notre temps. »
« Nous établissions d’abord et avant tout ce fichier à l’occasion des fréquents contrôles d’identité que nous effectuions dans les bars, les maisons de tolérance, mais aussi dans la rue, comme la loi nous autorisait à le faire. Avec mon collègue, nous allions également à la gare de façon régulière, à l’arrivée des trains de Paris : là aussi, nous contrôlions les pièces d’identité des arrivants nord-africains. »
« Nous faisions en sorte que le contrôle passe pour une opération de simple routine, même si nous n’étions pas dupes du fait que parmi les voyageurs débarquant ainsi à Brest, il se trouvait des individus aux activités plus ou moins avouables, voire même des agents opérant carrément pour le compte des Allemands. »
Selon les souvenirs de Jean Le Gall, ce serait durant l’été 1943 qu’il fut approché par Jean Cloarec, œuvrant alors pour le réseau Ronsard-Troène. Les circonstances de leur rencontre restent méconnues, il est cependant demandé au policier brestois de prendre position contre les départs pour le Service du travail obligatoire (S.T.O). Est-ce un test ou une réelle attention de l’officier Marinier ? Quoi qu’il en soit, Jean Le Gall accepte et se met alors à faire de la préventive auprès des jeunes brestois concernés.
En décembre 1943, Jean Le Gall est de nouveau approché par Jean Cloarec qui sert désormais le réseau Marathon, après le démantèlement du réseau Ronsard-Troène. Il lui propose alors d’entrer comme agent de renseignement dans cette nouvelle structure clandestine et de fournir des informations sur les sujets brestois ou étrangers collaborant avec l’occupant. Le jeune policier de 29 ans accepte de poursuivre la lutte. Pour ses liaisons clandestines, Jean Le Gall répond désormais au pseudonyme d’Ariane. Le travail contre le S.T.O est également toujours maintenu.
En mai 1944, quand son chef est arrêté avec une partie du réseau, Jean Le Gall fait profil bas. Il tente ensuite de renouer les contacts avec la Résistance, notamment en se mettant en liaison avec le 2ème Bureau F.F.I de Brest.
Au début du siège de la ville, en août 1944, Jean Le Gall est toujours à son poste et s’occupe principalement du service de sécurité de l’abri Sadi-Carnot. Le 16 août 1944, les policiers brestois, dont Jean Le Gall, refusent l’ultimatum des allemands de se placer sous leur commandement direct. Ordre est alors donné de les expulser de la ville. Ils sont rassemblés et évacués en camion sur Loperhet où ils passent la nuit du 16 au 17 août 1944. Ramenés à Plougastel, les policiers brestois sont finalement libérés en échange d’une stricte neutralité dans les combats en cours. Jean Le Gall profite alors de cette occasion pour rejoindre Landerneau à la faveur de la nuit, avec l’aide d’autres policiers. Le petit groupe est fait prisonnier par des soldats américains dans les environs de Landerneau. Conduits auprès des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I), ils sont interrogés avant d’incorporer les rangs. Jean Le Gall obtient pour sa part un entretien avec le Capitaine Georges Castel, qui l’incorpore à sa cellule de renseignement, occupant un bureau de la caserne Taylor.
Le 20 août 1944, Jean Le Gall se rend à Gouesnou pour communiquer des renseignements au P.C de la Marine nationale et notamment à Paul Le Borgne, ancien du réseau Marathon, à qui jadis, il avait fourni un revolver pour assurer sa protection personnelle.
Le 1er septembre 1944, il intègre le bureau dit d’administration civile, mis en place par le Comité de la Résistance brestoise [2]. Le 11 septembre 1944, Jean Le Gall se voit confier la centralisation des renseignements au sein d’une commission d’épuration, dont le travail consiste à rechercher par tous les moyens possibles les personnes ayant collaboré avec l’ennemi à Brest et dans ses environs immédiats, et à accumuler contre elles les preuves formelles de cette collaboration.
Dès la Libération de Brest, le 18 septembre 1944, les policiers retrouvent leurs postes dans une ville en ruine. Le commissariat central s’établit alors dans l’ancien gasthaus de la rue Jean-Jaurès à Saint-Martin. Jean Le Gall y trouve normalement sa place, en qualité d’inspecteur-enquêteur. Pour son action dans la Résistance, il est cité à l’ordre de la Brigade par le Général De Gaulle et reçoit la Croix de guerre 1939-1945, avec étoile d’argent.