Julien Kervella s’engage en 1919 dans la marine Nationale, il y devient Bosco. Il épouse Anna Piriou, le 12 juillet 1924 à Saint-Marc et de cette union naît leur fille unique Yvonne Kervella en 1927. La famille réside au 105 rue de la Vierge [1] à Brest. En 1931, il est décoré de la médaille Militaire. Julien Kervella participe à la campagne de 1939-1940 puis après la défaite de juin 1940, il continue de servir. Julien se retrouve à Toulon où il développe progressivement un esprit de résistance. Il confie un jour à Albert Maguet, l’un de ses camarades de chambrée qui rentrait de Dakar :
En avoir plus que marre de la clique de Vichy.
Il regagne Brest dans le second semestre de l’année 1940 ou début 1941 et retrouve sa famille. Début août 1943 ou février 1944 (selon les sources), il entre en résistance active. Il est recruté par Georges Dauriac dans le groupe Action Directe, corps franc du mouvement de résistance Défense de la France. Julien recrute à son tour son cousin Gaston Viaron. Il enrôle également dans l’action clandestine sa femme Anna et sa fille Yvonne ; elles serviront de soutien logistique au groupe.
Julien Kervella participe à la diffusion du journal clandestin du mouvement, il sert également d’agent de liaison et contribue à la fabrication et diffusion de faux papiers pour le groupe. De part son expérience militaire, il participe à l’élaboration des coups de main et conseille les jeunes membres du corps franc.
Il aurait participé à l’enlèvement de tickets d’alimentation dans des mairies, au profit de la résistance ainsi qu’à des attaques de lieux de détention de résistants. Ces dernières informations n’ont pu être corroborées à l’heure actuelle, nous recherchons plus d’informations.
Le 25 avril 1944, une réunion du groupe clandestin se déroule chez les Kervella, en prévision des opérations prévues pour le lendemain. Au programme, élaboration du plan jusque tard dans la nuit. A l’issue, tous dorment sur place, comme ils le peuvent sur le plancher, faute de lits.
Le 26 avril 1944 ; aux aurores, Pierre Beaudoin, Yves Hily, Georges Hamon, Gaston Viaron, Yves Hall, Francis Beauvais et Julien Kervella s’introduisent à la mairie de Gouesnou et y ponctionnent 600 kilos de grenades et munitions de 9mm qu’ils ramènent et entreposent à Brest.
Dans la nuit du 24 au 25 mai 1944, après le couvre feu, à son domicile de la rue de la Vierge, Kervella donne rendez-vous à son cousin, Gaston Viaron. Il y a urgence à trouver au blessé convalescent Georges Dauriac qui vient de se faire à nouveau opérer, un nouvel asile, si possible à la campagne. Après étude de leur plan, les deux hommes s’endorment mais vers deux heures du matin, on frappe le signal de reconnaissance à la porte du logement.
C’est moi Georges. J’ai besoin de te parler.
Réveillé par sa femme et sans crainte particulière, Julien ouvre la porte au résistant Laurent Georges. Hélas ce dernier est accompagné par des agents allemands. Ceux-ci, après constatation que Julien Kervella n’est pas armé, bondissent dans la maison et arrêtent tout le monde. Julien Kervella, son épouse Anna et leur fille Yvonne (16 ans) ainsi que Gaston Viaron. Par miracle, les allemands ne poussent pas la perquisition dans tout l’immeuble, permettant à Georges Dauriac d’échapper à l’arrestation, il sera récupéré au petit matin par Lucas Gallic.
Les deux hommes sont conduits au siège de l’Aussenkommando du S.D de Brest, à l’école Bonne-Nouvelle de Kérinou en Lambézellec. Julien Kervella et Gaston Viaron semblent y avoir été torturé pour obtenir des aveux et des informations sur le groupe Action Directe. Sa femme et sa fille sont elles retenues à la prison du commissariat de quartier de Saint-Martin.
Le procès se déroule à Brest par le Tribunal militaire allemand. Les résistants sont jugés pour actes de francs-tireurs. Aucune peine n’est prononcée à l’issue du procès. La délibération se fait ultérieurement.
Le 9 juin 1944 vers 22 heures, Julien Kervella, Gaston Viaron et Yves Hily sont informés à Pontaniou de leur condamnation à mort et qu’ils seront exécutés au petit matin. Ils sont autorisés à rédiger une dernière lettre qui est transmise à l’autorité allemande en vue d’une remise ultérieure aux familles. Jusqu’à 2 heures du matin, ils restent avec un curé allemand pour prier. Au matin du 10 juin, vers 5 heures, les prisonniers sont transférés en camion jusqu’au plateau du Bouguen. Sur le trajet, ils ont le droit à une dernière cigarette.
Le curé allemand Franz U. Eich, relate en 1946 l’exécution :
Ils furent exécutés l’un après l’autre au stand du plateau du Bouguen. [...] Julien Kervella mourut le dernier tout aussi héroïquement. Non seulement il se montra vaillant mais il garda jusqu’à la fin une expression joyeuse comme s’il était sûr de la victoire. Il s’avança, souriant et courageux. Il se raidit lorsqu’on lui lu le jugement. Sur son désir ; comme ce fut également celui de ses camarades, on ne lui banda pas les yeux. Il me remercia en termes simples et chaleureux, se signa et entra dans la mort avec un calme admirable. Il se comporta en véritable héros jusqu’au dernier moment.
Le 27 juin 1944, tout un groupe du corps franc prend d’assaut le commissariat de Saint-Martin pour libérer les résistantes internées, dont Anna et Yvonne. Voulant éviter les représailles, les femmes restent sur place, au grand désespoir de leurs compagnons.
Aucune information n’est transmise aux familles sur le lieu d’inhumation des corps. Anna Kervella ignore tout du sort de son époux, elle est condamnée à la déportation. Leur fille est libérée le 3 juillet 1944, elle est prise en charge par la famille de Jean Riou.
Le siège de Brest et la libération dispersent les témoins allemands et les documents sont détruits ou éparpillés. Il faut attendre le 21 février 1945, à l’occasion de fouilles sur le plateau du Bouguen, dans les douves des remparts près du stand de tir, pour que soient découverts trois corps. D’abord pris pour des soldats allemands, ils sont inhumés au cimetière de Kerfautras. Les effets personnels des victimes sont mis à disposition des familles des disparus pour une éventuelle reconnaissance. La famille d’Yves Hily se déplace et reconnaît les affaires du résistant fusillé le 10 juin 1944. Quelques jours plus tard le docteur Mignart procède à un nouvel examen qui permet d’identifier Gaston Viaron, lui aussi fusillé le même jour qu’Yves Hily. Le troisième corps ne peut donc être que celui de Julien Kervella. Il est inhumé en mars 1945 au cimetière de Saint-Marc, devant une grande assemblée dont ses nombreux camarades de lutte.
Le premier mai 1945, à la frontière Danoise, la Croix Rouge Suédoise fait libérer Anna. Du 1er mai au 1er juillet elle reste en Suède où elle est hospitalisée. Elle est rapatriée par avion de Braas (Suède) le 1er juillet. Anna revient à Brest où elle apprend la mort de son mari. Leur domicile fut complètement ravagé durant le siège de la ville en août et septembre 1944.
A titre posthume, pour son action dans la clandestinité, il reçoit les distinctions suivantes :
– Chevalier de la Légion d’honneur (1945)
– Médaille Militaire
– Médaille de la résistance (1946)
– Croix de Guerre 1939-1945
Depuis le 26 mars 1947, une rue de Brest porte son nom dans le quartier de Kérigonan. Une plaque fut apposée sur l’ancien domicile de Julien Kervella, entre le 45 et 47 rue de Glasgow, anciennement au 105 rue de la Vierge en la mémoire de ces trois fusillés. Cette plaque est toujours visible de nos jours mais une stèle fut érigée sur le plateau du Bouguen en 2004 pour regrouper la mémoire de ces résistants.
La sépulture de Julien Kervella se trouve dans le cimetière de Saint-Marc à Brest [Carré 2, Rang 4, Tombe 4]