BOGGERO Marie

Marie Corentine Trétout est fille de cultivateurs plonévéziens ayant quatorze enfants. Présente à Brest au début de l’occupation, elle réside au 34 quai de la Douane au port de commerce et travaille dans la boulangerie proche de son domicile, tenue par son frère René Trétout.

Selon Joséphine Ogor, la boulangère Marie Trétout aurait proposé à son fils Roger Ogor, de lui offrir un poste émetteur qui pourrait lui être utile. Le matériel fut ensuite perçu par l’intéressé et Louis Élie, venu le chercher en camionnette. Il est raisonnable de penser que cet appareil fut récupéré à la débâcle, au moment ou juste après l’évacuation maritime des troupes depuis le port de commerce. Ce fait semble véridique dans la mesure où lors des arrestations des membres du Groupe Élie en mai 1941, il est trouvé parmi le matériel saisi, un transmetteur de terrain. De plus, lors du procès du groupe, Roger Ogor et Louis Élie reconnaîtront avoir obtenu cette radio par une personne qu’ils connaissaient, sans fournir aux autorités allemandes l’identité de la dite personne. Concluons donc que Marie Trétout, sans forcément en faire partie intégrante, a apporté son soutien intentionnel au Groupe Élie, entre septembre et novembre 1940.

Marie Trétout poursuit la lutte avec ses modestes moyens en portant assistance à deux prisonniers de guerre canadiens. Sapeurs à la 1st Field Company - Canadian Engineers, les soldats C. Julien et Fraser Peter Hutchinson furent abandonnés par les leurs dans des hôpitaux français à la débâcle. Internés au camp de prisonniers de Pontanézen, ils étaient employés par l’occupant avec une trentaine d’autres prisonniers dans un garage situé rue Jurien de La Gravière au port de commerce, à réparer les nombreux véhicules abandonnés par les français et anglais à la débâcle. Une certaine liberté était accordée à ces prisonniers, ainsi pouvaient-ils consommer dans l’établissement proche tenu par madame Minon. C’est en ce lieu que la rencontre entre les canadiens et Marie Trétout se fit. Nous ignorons la durée de leurs échanges mais ils se lièrent de sympathie, à tel point que lorsque les prisonniers informèrent la boulangère qu’ils allaient être transférés en Allemagne, elle voulu les aider.

Marie Trétout en informe alors le Groupe Élie et après s’être réunis, il est décidé de leur apporter une aide. Un officier de Marine de l’arsenal est contacté pour obtenir de faux papiers d’identité de marins disparus. Marie Trétout se charge de leur trouver des vêtements civils. Le 12 novembre 1940, lors de la pause déjeuner, le français François Poulain et le canadien Fraser Peter Hutchinson s’évade grâce à Marie Trétout qui leur transmet les faux papiers et les vêtements. Elle les accompagne ensuite jusqu’au pieds de l’escalier du cours Dajot où ils sont pris en charge par Roger Ogor. Les évadés parviendront ensuite à Paris où ils sont remis à une commission secrète américaine.

L’affaire ne passe pas inaperçue et rapidement les allemands mènent l’enquête pour tenter de remettre la main sur leurs prisonniers de guerre. Le lendemain, 13 novembre, Marie Trétout est arrêtée sans ménagement ainsi que madame Minon et sa nièce Toullec, qui tenait la veille l’établissement en l’absence de la propriétaire. Les femmes sont internées à la prison maritime de Pontaniou. Durant son séjour derrière les barreaux et dans l’attente de son procès, Marie Trétout développe une pleurésie qui lui vaut une hospitalisation de près d’un mois à l’hôpital de Brest, situé alors rue du Château. Le Résistant Paul Bocq, interné au même moment à la prison, certifiera avoir vu ces trois prisonnières, entre le 5 et le 16 janvier 1941, date de son évasion.

En janvier 1941, les trois femmes passent devant un tribunal militaire allemand qui les juge coupables d’avoir favorisé cette évasion. Les peines sont légères faute d’éléments probants. Marie Trétout est condamnée à deux mois de prison. Compte tenu de la peine déjà purgée, elle est remise en liberté en mars 1941. Le canadien Fraser Peter Hutchinson, évadé de Brest, parviendra après un long périple à regagner son unité en Angleterre en 1942. Pour cette évasion audacieuse, il recevra la British military medal mais avec l’interdiction de divulguer des informations sur les modalités de son évasion, pour ne pas mettre en danger les français l’ayant aidé. Après guerre, ce canadien certifiera avoir reçu de l’aide de la part de Marie Trétout.

Libre, la boulangère semble avoir renoué des contacts avec le Groupe Élie par l’intermédiaire de Roger Ogor. Elle aurait fourni divers renseignements sur l’activité des troupes allemandes et distribué des tracts. Son activité cesse avec le démantèlement du groupe entre mai et juillet 1941. Nous ignorons ensuite le parcours de Marie Trétout jusqu’à la Libération.

Après guerre elle épouse François Boggero, le 7 juin 1949 à La Seyne-sur-Mer. Le couple s’établit ensuite un temps dans le Vaucluse avant de revenir pour leur retraite dans le Finistère. Pour son aide à l’évasion d’un prisonnier de guerre, elle reçoit un diplôme de reconnaissance du gouvernement britannique, signé par le Maréchal de l’Air Tedder.