MANACH Etienne

Etienne Marie Manach débute dans la vie active comme marin pêcheur avant d’effectuer son service militaire dans la Marine nationale en 1920. L’uniforme semble lui convenir car il embrasse une carrière d’active au sein des équipages de la flotte, puis dans l’infanterie coloniale et enfin dans les blindés jusqu’en avril 1937. Pour sa carrière, il est décoré de la médaille Militaire en 1934. Entre temps, Etienne Manach épouse Marie Potin (1901-1993), le 26 mai 1930 à Plouguerneau. Le couple est établi à Lannilis. De retour à la vie civile, l’ancien militaire travaille comme agent d’assurances.

Mobilisé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, il sert comme adjudant au 484e Régiment de Pionniers Coloniaux (R.P.C). Etienne Manach est fait prisonnier par les allemands le 14 juin 1940 dans la Marne et interné au Stalag VIII-C en Pologne. Le 21 novembre 1940, Etienne Manach s’évade et parvient à traverser toute l’Allemagne pour repasser en France. Repris à Frankental, il y est interné au Stalag XII-B. Il semble s’évader de nouveau en février ou mars 1942. Il parvient cette fois à gagner Lyon en Zone Libre où il obtient sa démobilisation par l’Armée française. Etienne Manach peut alors rentrer légalement en Zone Occupée et retrouver son épouse à Lannilis.

Dans le dernier trimestre de l’année 1943, le gendarme Jean François Derrien, en quête de militaires d’expérience pour l’épauler dans la constitution de l’unité qu’il forme dans la clandestinité, contacte Etienne Manach pour tenter de le faire passer dans la Résistance.

Jean François Derrien relate sa rencontre et le recrutement d’Étienne Manach

A Plouguerneau, je rencontre le colonel Trichler qui n’accepte pas non plus, mais m’encourage en me disant : Si vous avez besoin de renseignements, je ferai mon possible pour vous aider. On me signale aussi l’adjudant Etienne Manach, en retraite. Je le rencontre chez lui et lui présente la photo du général De Gaulle. Il hoche la tête et je lui demande s’il ne veut pas accepter d’entrer dans la Résistance. Il ne répond ni par l’affirmative ni par la négative, mais je pense qu’il acceptera plus tard. Il me dit être fatigué et rhumatisant.

[...]

Vers la fin du mois de février 1944, Robin me demande si une réunion peut avoir lieu chez moi avec les chefs militaires pour faire une mise au point et permettre aux responsables départementaux de se rencontrer. J’accepte bien sûr, et messieurs Donnart, Fonférrier, Faucher, Broc’h se retrouvent à la maison prenant un café et un far-au-four préparé par ma femme ; certains n’avaient jamais mangé ce gâteau typiquement breton. J’expose la situation de mes effectifs ainsi que les contacts que j’ai eu pour le commandement. Je parle du colonel Trichler mais les trois officiers ne l’acceptent pas. Je cite le lieutenant Dilasser, mais mes compagnons n’en veulent pas non plus. Il n’y a pourtant rien à lui reprocher, même s’il travaille à la commission spéciale de réquisition. Le commandant Faucher a servi dans le deuxième régiment colonial et je lui parle d’Etienne Manach. Il le connait et accepte qu’il vienne avec nous.

Quelques jours après, je vais revoir M.Manach et lui raconte l’entretien que j’ai eu avec son ancien commandant. Alors le sourire aux lèvres, il s’exclame : "Pas possible !" et il me donne son accord. Plus tard je lui demande de prendre le commandement du Bataillon. Il me répond : "je ne connais pas suffisamment les membres de l’organisation et ma femme est souvent malade. Je refuse de prendre cette responsabilité".

Etienne Manach participe alors à l’organisation des trois compagnies de combat qui formeront le Bataillon F.F.I de Lannilis. En étroite relation avec son chef cantonal, il définit les cibles prioritaires à viser au déclenchement de l’insurrection. Il participe également à l’organisation de la réception du parachutage d’armes devant équiper les unités. Ce parachutage se déroule dans la nuit du 2 au 3 août 1944, grâce à l’équipe Horace de la mission Jedburgh. Il était attendu deux avions, c’est finalement cinq qui se présentent. Près de 130 colis sont largués dans la lande de Keryel en Tréglonou. Près de 30 tonnes de matériels, suffisant pour équiper 800 hommes.

Entre le 3 et le 5 août, c’est l’effervescence pour les F.F.I du canton. Il faut transporter toutes les armes au nez et à la barbe des allemands. Vider les conteneurs, monter les armes et les dégraisser. La tâche est ensuite confiée aux chefs de compagnies de repartir les armes et d’attente les consignes. Dans la nuit du 5 au 6 août 1944, le Bataillon F.F.I de Lannilis engage le combat contre l’occupant.

Jusqu’au 15 août, le Bataillon participe aux opérations de Libération et de nettoyage des positions allemandes. Il assure également la sûreté dans les communes libérées. Son unité fait ensuite mouvement à l’ouest, vers Coat-Méal, Plouguin et Milizac pour se rapprocher de la poche du Conquet. Les opérations militaires se poursuivent jusqu’au 10 septembre 1944, date de la reddition de la poche du Conquet et de son point fortifié de la presqu’île de Kermorvan. Les F.F.I du canton de Lannilis sont une dernière fois déployés dans les faubourgs de Brest pour les dernières opérations puis après la reddition complète des allemands le 18 septembre, ils assurent la sécurité et les services de police dans leurs communes respectives.

Après guerre, Etienne Manach est décoré de la Croix de Guerre 1939-1945, avec étoile de bronze en 1947 et de la médaille des évadés en 1948. Il est également nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 1956.

Publiée le , par Gildas Priol, mise à jour

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Sources - Liens

  • Archives F.F.I de l’arrondissement de Brest, dossier Bataillon F.F.I de Lannilis.
  • Archives départementales du Finistère, dossier de combattant volontaire de la Résistance (1622 W 3) et fiche matricule militaire (1 R 1666).
  • Service historique de la Défense de Vincennes, dossier d’homologation des faits de résistance (GR 16 P 388460), aimablement transmis par Edi Sizun.
  • Centre généalogique du Finistère (CGF29), registres d’état civil.
  • DERRIEN Jean-François, Gendarme et Résistant - sous l’occupation 1940-1944, édition à compte d’auteur, Spézet, 1994.
  • BODIGER Louis, Mémoires d’un résistant, éditions Dominique, Le Faouët, 1998.

Remerciements à Françoise Omnes pour la relecture de cette notice.