Joseph Marie Gentil et ses cinq frères sont les enfants d’un menuisier, devenu responsable syndical agricole de Plouzané et Locmaria-Plouzané et d’une mère au foyer. Son père tiendra la coopérative de l’Office central de Landerneau, qui stocke les récoltes céréalières de Plouzané.
Pour sa part, Joseph fait ses études secondaires au collège Saint-François à Lesneven. Il travaille ensuite comme instituteur à l’école Saint-Michel de Plouzané à partir de 1939. Trop jeune pour être mobilisé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, il reste en poste à Plouzané. Lors de la débâcle le 18 juin 1940, avec ses frères, il découvre des armes et munitions dans le bourg. Le matériel est aussitôt récupéré et enterré à trois endroits différents près du bois du Poulic sur la route de Ploumoguer.
En juin 1941, les Gentil sympathisent avec le jeune Guy Pape [1], Morlaisien d’à peine seize ans ayant trouvé refuge à Plouzané. Ce dernier est recherché par les autorités allemandes pour des actes de résistance. Il est hébergé dans la ferme Lars durant trois mois puis s’en retourne à Morlaix. Il sera fait prisonnier lors d’une rafle fin 1943 et déporté à Buchenwald où il décède en février 1944.
Sous l’occupation allemande, Joseph participe à des actions caritatives en faveur des Colis du prisonnier, notamment en jouant dans des pièces de théâtre. Ses occupations sont également sportives, avec la pratique du football et de l’athlétisme. En mars 1941, avec l’appui du directeur de l’école Saint-Michel de Plouzané, l’abbé Joseph Guyader (1912-1989), Joseph Gentil crée l’association sportive l’Étoile Saint-Sané. Débute alors une belle aventure sportive, notamment avec l’équipe de football, où il est capitaine. L’équipe a d’ailleurs la particularité d’être majoritairement composée des frères et cousins Gentil. La recette des matchs de football est versée aux Colis du prisonnier.
Le 1er juillet 1941, il se trouve au cimetière par hasard quand sont amenées les six dépouilles d’aviateurs du Commonwealth, qui viennent de s’écraser à Kerborhel en Plouzané. Joseph Gentil aide alors le fossoyeur à les enterrer. Il assiste de fait à la cérémonie faites pas les Allemands pour rendre les honneurs aux Britanniques.
En septembre 1941, il se rend au lycée de Kerneguez à Morlaix pour passer les épreuves du baccalauréat de philosophie, qu’il obtiendra avec une mention assez bien.
À cette période, il débute également l’écoute clandestine de Radio Londres, dans une petite maison isolée au bas du bourg, qui sert de dortoir aux garçons de l’école de la commune. Ce dortoir de fortune est géré par l’instituteur Jean Morvan.
Fin 1941, en plus de l’école, il entre également au service commercial "pommes de terre" de l’Office central agricole de Landerneau.
En janvier 1943, il est convoqué par le conseil de révision à Saint-Renan, pour passer une visite médicale, en prévision d’un départ en Allemagne pour partir le Service du travail obligatoire (S.T.O), mais la révolte gronde :
" Alors, la rage au cœur, les centaines de jeunes gens ainsi réunis, organisent une vaste manifestation à travers la ville. Nous parcourons les principales rues en chantant à pleine voix des chants patriotiques tels que le Chant du Départ et la Marseillaise, sous les yeux de l’Occupant, éberlué. Bientôt, les soldats Allemands, sur les ordres de leur Kommandantur, nous encerclent menaçants, fusils braqués. Finalement, tout se termine sans incident notoire, et chacun repart vers sa paroisse. " [2]
Joseph Gentil refusera, comme beaucoup de jeunes, de partir travailler en Allemagne. En août 1943, une patrouille de feldgendarme se manifeste à Plouzané à la recherche de réfractaires. Averti par le sacristain, Joseph Gentil quitte la messe précipitamment pour se cacher dans la campagne.
En février 1944, Joseph Gentil est contacté par Sébastien Ségalen pour former un groupe de résistance. C’est le début du Groupe Marée, auquel se greffent de manière naturelle les quatre frères Gentil et leur cousin Yves Gentil. Pour l’heure, la discrétion reste de mise est l’on demande à Jean Gentil d’effectuer une surveillance des batteries allemandes dans le secteur Le Minou-Toulbroc’h. Le Groupe Marée sera également en contact avec la résistance de Saint-Renan, dirigée par Guy Breton, par l’intermédiaire du menuisier François Le Gac de Plouzané.
Le 6 Juin 1944, il reçoit une convocation de la part de l’ingénieur agricole Hervé Gudes de Guébriant, président de la Commission nationale d’organisation de la corporation agricole. Ce dernier souhaite qu’au nom de la collaboration, Joseph Gentil parte travailler en Allemagne. Ce sera encore une fois, un refus.
Après le débarquement en Normandie, l’ossature des compagnies F.F.I se précise. Le Groupe Marée fait désormais partie des effectifs du Groupement Cantonal F.F.I de Saint-Pierre-Quilbignon de Brest-Ouest. Toujours sous les ordres de Sébastien Ségalen, ils sont néanmoins affectés à l’unité de Pierre Hall. En prévision des combats, les frères Gentil tentent de remettre la main sur les armes et munitions qu’ils ont cachées quatre ans auparavant. N’ayant pas mis de repère, ils ne parviennent pas à les localiser. Ces armes et munitions seront retrouvées par des fouilles dans les années 1990 (voir Portfolio).
Début août 1944, le parachutage d’armes tant attendu est enfin annoncé, les F.F.I de l’ouest de Brest et de Plouzané rejoignent ceux de Plougonvelin près de Kerzévéon à Locmaria-Plouzané. Durant deux nuits consécutives ils attendent en vain. Les F.F.I de Brest restent sur place tandis que ceux de Plougonvelin et Plouzané retournent chez eux en journée. Dans la nuit du 2 au 3 août 1944 l’avion passe enfin mais ne largue rien d’autre qu’une fusée rouge, annonçant l’annulation du parachutage. Les F.F.I se dispersent et regagnent leurs communes. Une partie des cadres de l’unité se rend à Plouzané où ils établissent leur Poste de Commandement dans l’espoir d’un nouveau parachutage. Le projet initial d’armer rapidement des F.F.I et d’investir Brest le plus rapidement possible semble de plus en plus compromis.
Malgré l’arrivée des américains dans le secteur de Lesneven le 6 août, les consignes pour Jean et ses camarades sont toujours d’attendre. Le manque d’armes rend caduque une grande partie des plans. À défaut de pouvoir se battre, les F.F.I de Plouzané aident comme ils peuvent les réfugiés brestois. Le 13 août 1944, sur ordre de Sébastien Ségalen, il retourne sur les lieux du parachutage manqué pour y récupérer un fût de 200 litres d’essence, pour le ramener à Plouzané et aider la population, notamment les agriculteurs.
Le 14 août 1944, Pierre Hall reçoit l’ordre de Baptiste Faucher, de gagner Tréouergat. Cette décision d’éloigner les F.F.I de leur zone désignée de combat résulte de la situation critique de l’armement et de l’évacuation massive de la population brestoise. Le choix de l’État-Major F.F.I de Brest est alors de reconstituer ses unités à l’extérieur de Brest et d’entamer les combats aux côtés des américains et non de manière insurrectionnelle comme il était initialement prévu.
La première étape pour les plouzanéens est de gagner l’Est de Lanrivoaré, au maquis de la ferme de Neven. Ils y rencontrent les hommes de la Compagnie F.F.I de Saint-Renan et leurs premiers américains. Jean Gentil se souvient avoir dessiné une carte du Finistère pour des soldats U.S qui cherchaient à se repérer.
Le groupe prend ensuite la direction du maquis de Kergoff en Tréouergat pour la distribution des armes. Ils espèrent revoir Sébastien Ségalen mais de fortes dissensions sont apparues entre leurs chefs historiques, Pierre Hall et Marcel Pirou. Le groupement cantonal a implosé en trois groupes. Pierre Hall incorpore ses hommes dans la Compagnie F.F.I de Saint-Renan, formant ainsi la 1ère Section cette unité. La fratrie Gentil est regroupée au sein du 4ème Groupe sous les ordres de Jean Hall. Le 17 août, Jean et son groupe sont convoyés à Saint-Pabu pour être enfin armés. L’instruction est sommaire puis c’est le retour à Neven.
Composition du groupe :
– CALLAC François
– CLOÂTRE Paul
– GENTIL Jean
– GENTIL Joseph
– GENTIL Marcel
– GENTIL Michel
– GENTIL Yves
– HALL Jean (1er chef du groupe)
– LE MAO Claude
– PELLEN René
– QUEMENEUR François
– ROLLAND Henri
Les patrouilles s’enchaînent dans le secteur tandis que les allemands renforcent leurs positions. Toute la compagnie participe à la réduction de cette poche en passant par Saint-Renan, Lamber, Kervadéza puis Locmaria-Plouzané. Viennent ensuite les combats à Plougonvelin. Joseph Gentil contracte une maladie, qui l’oblige à retourner à Plouzané pour se mettre au repos. Nous ignorons si il est retourné par la suite au combat. Le 1er septembre 1944, son groupe est accroché à Plougonvelin, son frère Michel est alors blessé par des éclats de grenade.
Démobilisé des F.F.I à la la Libération, Joseph Gentil épouse épouse Jeanne Cloâtre (1923-2023), sœur de Paul, le 29 novembre 1944 à Plouzané et de cette union naîtront sept enfants. Appelé sous les drapeaux pour faire son service militaire en juillet 1945, Joseph Gentil ne fera que cinq mois de service compte tenu de sa contribution à la Libération du pays en 1944.
Janvier 1945, Il est inspecteur de mutualité agricole pour le Nord Finistère et entame une reprise d’études en droit par correspondance. L’ancien maquisard de Plouzané obtient une licence en droit en 1949 et un doctorat en droit en 1955. Un peu avant, en 1953, il est nommé directeur de la Fédération départementale des exploitants agricoles à Quimper. Il revient en 1957, à l’office central de Landerneau en qualité de directeur général des Caisses de réassurance agricole du Finistère et des Côtes du Nord. Fonction qu’il quitte en 1970, pour créer à Brest un cabinet de conseil juridique.
En 1977, il se lance en politique et devient conseiller municipal à Ploumoguer, jusqu’en 1983. Lors de ces nouvelles élections, il est élu conseil municipal sur la liste de Jacques Berthelot à Brest. En 1984, il devient adjoint au maire. Il poursuit au sein de la municipalité de Georges Kerbrat, jusqu’en 1989, avant de rejoindre le conseil municipal de Landerneau.
En 1944, pour le 50e anniversaire de la Libération, Joseph Gentil et une quarantaine de vétérans F.F.I de la compagnie, créent l’Association des anciens résistants du canton de Saint-Renan. Association qu’il présidera jusqu’à la dissolution dans les années 2000.
Toujours en 1994, Joseph Gentil fait publier ses mémoires, intitulées " La Résistance dans le canton de Saint-Renan - Mémoires d’un maquisard " aux éditions Delpresse.
Pour son acte de réfractaire, son refus de travailler pour les Allemands, il est décoré de la médaille du réfractaire.